Rock en Seine 2013 (3e journée)
Le récit de la première journée est ici, celui de la deuxième, là. Cette fois, la pluie promise n’aura pas épargné le festival, ou du moins pas complètement : il a plu du matin jusqu’au milieu de l’après-midi, sans discontinuer. Nous sommes néanmoins parvenus à nous motiver pour rejoindre le Parc de Saint-Cloud dès 15h, honteux de notre retraite anticipée de la veille, et désireux de profiter à fond du festival au moins sur l’une des trois journées.
Notre programme commençait avec un concert de Surfer Blood qui contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire est un groupe de jeunes gens tout à fait polis et respectables -un peu trop peut-être, et la météo n’a pas dû les encourager à faire un super show ; mais pour un groupe annoncé comme les descendants des Pixies (dont ils ont assuré la première partie durant leur tournée de 2011) et de Weezer, j’ai trouvé que leur prestation manquait d’énergie, et que leur musique n’était pas à la hauteur des illustres étiquettes dont on l’a affublé. Surtout, j’ai trouvé que les mélodies du chant, aussi bien sur les couplets que les refrains, étaient sans intérêt, les seuls moments m’ayant éveillé l’oreille étant des passages instrumentaux. Étonnamment, Vorti a, elle, trouvé le groupe assez chouette, donc c’est peut-être juste moi… et en le réécoutant en écrivant cet article, je retrouve effectivement un intérêt pour leur musique. Peut-être juste pas un groupe de scène, alors ?
16h, Grande Scène, The Computers : vous vous souvenez de la scène finale du premier Retour vers le futur, celle où Michael J.Fox monte sur scène pour accompagner un groupe de rock 60’s et se lance dans un solo déchaîné qui laisse tout le monde éberlué ? C’est immédiatement à ça que m’ont fait penser les Computers, groupe anglais qui joue une musique tout sauf électronique, quoi que puisse laisser penser leur nom : 5 types en smoking et brushing 60’s, avec piano et batterie à trois fûts, mais dont le rock’n’roll a été contaminé par la barbe mal rasée du frontman Screaming Al Kershaw, qui malgré la pluie (tombée littéralement pendant tout leur set) a réussi à entraîner à l’énergie un public (pourtant très tiède au départ) dans son trip endiablé. Chapeau l’artiste ! Je ne suis pas sûr de réécouter leur rock’n’roll hybridé aux grosses guitares saturées, mais je suis vraiment content d’avoir pu les voir sur scène. Bon plan, le concert est visible sur Culture Box, le site de FranceTV, ici.
J’avais clairement moins préparé le programme de la journée du dimanche que ceux des deux premières journées ; du coup, c’est un peu au hasard que nous avons choisi les groupes que nous allions suivre, au coup par coup (mais c’est aussi pour ça qu’on vient sur les festivals), entre les « gros morceaux » qu’on n’avait par contre aucune intention de manquer. Je ne savais donc rien de Ms Mr (prononcez : « Miss Mister ») avant de les rejoindre devant la scène Pression Live, devant un public majoritairement acquis et répondant énergiquement aux messages d’amour que lui adressait la chanteuse avec force sourires -communicatifs- avant chaque titre. Ms Mr joue une musique électronique assez marquée 80’s, essentiellement légère, presque planante (on parle de « dreampop« ), mais avec quelques éclairs plus rythmés. J’ai apprécié le moment passé devant la scène, l’énergie positive que communique la chanteuse Lizzy Plapinger et notamment ces passages de contrastes entre la musique atmosphérique et des passages plus énergiques, mais le genre (puisqu’il semble y avoir une mouvance de ce genre musical en ce moment, cf plus bas le concert de Chvrches, par exemple) ne m’excite malheureusement pas beaucoup plus que ça.
Je n’avais pas eu le temps d’écrire d’article pour vous le raconter, mais nous avons vu Eels en juillet au Bataclan. A la différence de Vorti, je ne suis pas particulièrement client de Eels, mais le concert acoustique qu’ils avaient donné au Grand Rex en 2005 me reste comme l’un des concerts les plus émotionnellement marquants que j’ai vus. A contrario, j’avais trouvé leur prestation de 2010 à Rock en Seine (lire ici), trop blues-rock gras, assez mauvaise. Le concert du Bataclan cette année était entre les deux, mais penchant plutôt nettement du côté positif avec un set assez plaisant et une sympathique animation sur scène. Au concert du Bataclan, nous étions arrivés un peu en retard, et comme ils jouaient un morceau du dernier album Wonderful, Glorious, qu’on ne connaissait pas encore, on s’est un moment demandés si c’était encore la première partie qui jouait sur scène, tant il était difficile de reconnaître le groupe dans leurs costumes de scène pour cette tournée : jogging bleu, barbe et lunettes de soleil. C’était grosso modo le même show (raccourci, forcément) qu’ils ont proposé cette année à Rock en Seine, avec les mêmes jeux de scène, les mêmes morceaux (dont un mash-up amusant mais j’imagine, doublement frustrant pour les amateurs, de My beloved Monster et Mr E’s Beautiful blues). La prestation a donc été là aussi, plutôt plaisante et sympathique, même si j’ai été surpris du relativement faible niveau de répondant du public, qui ne devait pas compter beaucoup de vrais fans du groupe. On peut retrouver le concert en intégralité ici.
Nous avions aussi été voir Skip the Use cette année au Trianon. Je vous ai déjà parlé de Skip the Use, à l’époque surtout pour leur premier single Give me your life, toujours aussi efficace. Malheureusement l’album m’a saoulé après trois écoutes, et donc quand nous étions allés les voir pour ce concert qui devait par ailleurs servir de support pour leur DVD live, malgré le sol étonnamment rebondissant de la salle qui décuplait les effets de l’enthousiasme (vigoureux) de la foule, j’avais moyennement kiffé ma life. N’ayant plus réécouté du tout le groupe depuis, j’avais prévu au départ d’esquiver ce concert, mais Vorti étant restée fan de l’énergie et du chant de Mat Bastard, j’ai dû consentir à l’y accompagner malgré tout.
Conclusion ? On ne peut clairement pas enlever au groupe sa capacité à emmener son public dans son trip et à communiquer sa vitalité électrique. Pour le coup, ce concert était aussi plus rock que le précédent (l’un des points qui m’a le plus détourné de Skip the Use est leur son de synthé pourri, trop présent sur l’album, et la voie choisie par leur marketing, qui mise sur leurs morceaux les moins rocks et les plus putassiers à mon goût pour le choix des singles), avec plusieurs morceaux que je n’avais jamais entendus (des titres du prochain album ? Ils ne les ont pas annoncés comme tels, même s’ils ont effectivement évoqué la préparation de ce deuxième disque). Et comme ils se sont permis une reprise impeccable de Smells Like Teen Spirit, morceau sur lequel je n’aurais jamais imaginé pouvoir bouger un jour en concert, j’ai fini par applaudir de bon cœur, comme le reste du public (extrêmement enthousiaste de bout en bout), ce talent du groupe pour propager son énergie positive. Un bon concert malgré tout, et j’espère qu’on entendra moins cet horrible synthé sur le prochain album.
Dans la même veine « dreampop » que Ms Mr (voir plus haut), Chvrches est un groupe électro-pop écossais qui joue une musique plutôt planante, très (très) marquée 80’s, avec une chanteuse à la voix claire, presque enfantine (la physionomie de la chanteuse Lauren Mayberry renforce cette impression). Mignon, mais pas suffisant pour m’entraîner dans leur univers dans les conditions dans lesquelles on se trouvait (avec la cape de pluie sur les épaules, et l’urgence de devoir rejoindre la Grande Scène de l’autre côté du parc pour le concert imminent de System of a Down).
System of a Down (même si ça va doubler la longueur de ce paragraphe, je résisterai à la facilité d’écrire SOAD comme tout le monde, je trouve ça naze) est un groupe de métal dont les membres sont américains, originaires d’Arménie. Je le précise parce que ça s’entend dans leur son pour qui y prête attention, et c’était d’autant plus frappant pour ce concert sur la Grande Scène, dans un décor dépouillé, mais dont le sol avait été recouvert de grands tapis orientaux, et au cours duquel les musiciens n’hésitaient pas à affecter des postures et des mimiques évoquant le folklore est-européen (danse sur un pied en tournant sur soi, par exemple).
C’est Stoeffler qui m’a fait découvrir System of a Down il y a… pffiou, ben au moment du premier album, quoi (1998, me dit Wikipedia). Grosse surprise : certes, on est dans du gros métal, ça joue vite et agressif, mais System of a Down a un style archi particulier, avec des ruptures de rythme, des variations de mélodies multiples à l’intérieur d’un même morceau, et surtout, il y a ce chanteur incroyable, Serj Tankian, à la tessiture déjà impressionnante, mais qui en plus ne se contente pas de simplement chanter : il chuchote, il crie, il s’arrache, il parle, sa voix est un véritable rollercoaster à elle seule, et il passe de l’un de ces modes à l’autre de façon remarquablement fluide et maîtrisée… Bref, System of a Down est un groupe de métal original, et qui vaut vraiment le coup d’oreille. Comme il m’arrive à peu près systématiquement, j’avais un peu moins écouté l’album suivant (Toxicity, qui comportait pourtant plusieurs très bons titres lui aussi), et si j’ai acquis les suivants, je ne suis pas sûr de les avoir vraiment écoutés… Le pic de mon désintérêt s’est produit lorsque le groupe a sorti son single Lonely Day, qui a fait un carton en venant à contrepied de tout ce que j’avais apprécié dans le groupe : c’est une balade archi-balisée au lieu de montagnes russes, aucun engagement dans le texte, et c’est le guitariste Daron Malakian qui chante de sa voix absolument sans intérêt, à la place de Serj Tankian. Pour moi, en diffusant ce titre, le groupe confirmait qu’il n’avait plus rien à dire. Je ne faisais donc pas partie de ceux qui attendaient le concert de ce soir avec enthousiasme, d’autant que je ne vois pas trop comment on peut bouger sur du System of a Down, même pour les morceaux que j’aime bien, tellement le rythme est rapide, changeant…
La prestation du groupe m’a fait revoir mon jugement. Si j’ai regretté la relative discrétion de Tankian (qui n’a à peu près rien dit au micro, laissant le rôle d’animateur à Daron Malakian, qui m’est décidément très antipathique), le son était parfait, les musiciens comme les chanteurs irréprochables malgré la grande technicité de leurs partitions, ça bougeait sur scène comme dans la foule ; en un mot c’était un très bon concert, qui même si je n’étais pas complètement dedans (j’étais en mode cérébral cette année à Rock en Seine) nous a donné envie de nous replonger dans les albums de System of a Down (ce qu’on a effectivement fait pendant les deux semaines qui ont suivi).
Tricky passait pendant ce temps-là sur la modeste scène Pression Live. Il fallait faire des choix, on ne pouvait pas être partout à la fois, hein… et Tricky est réputé pour donner des concerts de qualité assez inégale selon qu’il est défoncé ou pas, de bonne humeur ou pas… On est donc arrivés pour la fin du set, et le spectacle à notre arrivée était… étonnant : la scène était envahie par toute une foule tassée autour des artistes. La chanson qui passait était Vent (que je mets en illustration pour la peine), un de mes titres préférés des débuts de Tricky, assez bizarre, avec une vraie mélodie mais surtout une ambiance baroque, lourde, déséquilibrée, qui m’évoque toujours la mythique « pink room » de Twin Peaks.
Comme il était tard, on n’est pas restés longtemps (oui, on est vieux) ; j’ai pu me consoler en écoutant le concert (enregistré en intégralité pour Culturebox ici) chez moi, au chaud et au sec, le lendemain.
BILAN :
Le concert dont je garderai le meilleur souvenir : The Computers
Les concerts qui confirment que les mecs sont des bons : Franz Ferdinand, Nine Inch Nails, System of a Down
Les bonnes surprises : Johnny Marr
Les groupes à réécouter : Wavves, Ms Mr, Chvrches, In the Valley Below, Fauve, Surfer Blood
Le groupe à éviter : La femme