Voyage en Argentine (Octobre 2009) – 2e partie
[Cet article est la suite de cet article]
Jour 8 (Dimanche 25 octobre) : El Chalten
Heureusement, nous partons pour El Chalten, un peu plus au nord d’El Calafate, un petit village au pied des monts Cerro Torre et Fitz Roy (célèbres pour leur quasi inaccessibilité même aux meilleurs alpinistes) : là, pas d’excursion organisée prévue, juste des randonnées sacs sur le dos avec Marion. Le jour de notre arrivée est venteux et plutôt froid –on commence à avoir l’habitude- mais ensoleillé ; comme la journée est déjà pas mal avancée et que les deux principales randos à faire ici prennent entre 6 et 8h, nous nous contentons d’une petite balade qui nous permet de faire moult photos des sommets du Fitz Roy et du Cerro Torre : ce ne sera que les jours suivants que nous nous rendrons compte de la chance que nous avons eu ce jour-là de pouvoir faire cette balade par beau temps, car c’est la dernière fois que nous aurons vu le Cerro Torre.
Jour 9 (Lundi 26 octobre) : Chorilla del Salto
Le lendemain en effet, le coup d’œil rituel de Marion au petit matin derrière le rideau de la fenêtre de notre chambre nous révèle un paysage en plein blizzard, vent, neige et tout. Nous restons donc au lit un peu plus tard (ça nous change : les réveils cette semaine étaient en général aux alentours de 6h-6h30… dur pour des vacances !). Histoire de ne pas complètement perdre la journée, et malgré le vent qui nous immobilise et nous pousse de côté, et la pluie qui nous cingle le visage (c’est toujours l’occasion d’une bonne rigolade), nous partons en expédition pour une courte rando de 2h vers le Chorillo del Salto, une petite cascade sympathique mais plutôt anecdotique compte tenu de l’endroit où nous nous trouvons… enfin, cette balade était surtout un prétexte pour bouger un peu quand même, et pour expier de rentrer ensuite à l’hôtel passer le reste de la journée à profiter du bon feu de cheminée qui y a été allumé ! Rassemblés dans des fauteuils devant l’âtre, nous nous glissons dans la conversation en anglais des autres occupants de notre petit hôtel et découvrons enfin à cette occasion le fameux maté grâce à l’une des hôtesses qui nous raconte un peu comment il se prépare, nous donne quelques conseils pour acheter le nôtre plus tard, et nous fait goûter au sien. Une journée étonnamment agréable, bien que nous n’ayons pas fait grand-chose et que le temps ait été affreux.
Jour 10 (Mardi 27 octobre) : à la base du Mont Fitz Roy
Cette journée de relative inactivité nous aura permis de nous préparer pour le gros morceau de notre séjour à Chalten : la randonnée jusqu’à la base du Fitz Roy, que nous avons décidé de faire ce jour-là quoi qu’il arrive, et quel que soit le temps prévu. Heureusement, la chance nous sourit puisque le temps est bien meilleur aujourd’hui, même s’il reste essentiellement froid et venteux (ce qui ne facilite pas la marche : on se couvre pour ne pas avoir froid, mais du coup on transpire, et dès qu’on s’arrête, c’est vite le frisson…). C’est sur le dernier sentier, hyper raide et enneigé sur sa partie la plus haute, que nous souffrons le plus, comme prévu et comme annoncé par les gardiens du parc (une mention spéciale (Big Up ! ^_^) d’ailleurs pour la prévention organisée dans le parc : à notre arrivée à Chalten nous avions été « contraints » -mais contents de l’être- à une courte session de présentation –en anglais- des principaux sentiers du coin, aux risques et aux précautions à prendre ; là, nous avons croisé un guide du parc qui s’est intéressé à notre destination et nous a à nouveau mis en garde sur les risques de la dernière portion du parcours, avec au passage un petit point actualisé sur la météo –en anglais toujours, ce qui n’était pas si courant durant notre séjour). Le vent souffle très, très fort (peut-être un peu moins qu’en Irlande le jour de notre montée sur la Diamond Hill, mais suffisamment quand même pour nous forcer à nous accroupir de temps en temps pour ne pas être déséquilibrés -et là, la chute aurait clairement été fatale par endroits). La neige et les grêlons volent autour de nous en nous fouettant vivement au passage. Parvenus tout en haut, nous nous réfugions derrière un gros rocher le temps que Marion change d’objectif et prenne des photos, et c’est comme si nous étions reporters de guerre : je tiens le sac de « munitions » pendant que Marion shoote, il faut se remettre à couvert régulièrement, on se recroqueville pour offrir le moins de prise possible à l’ « ennemi »… il m’en reste un souvenir très fort mais très confus. Au bout de quelques minutes de cette épreuve assez marrante (je vous ai déjà dit que j’aimais bien les conditions météo extrêmes quand personne n’avait à en subir de réelles conséquences néfastes ?), Marion, qui avait enlevé ses gants pour faire ses photos, nous fait redescendre de 100m (et 100m sur cette fin de sentier à pic, ce n’était pas rien !) en panique, pensant qu’elle va perdre ses doigts (si si) tellement elle n’a plus de sensation dans sa main gauche… puis, quand elle juge que ça va mieux (et reconnaissant qu’elle avait manqué de prudence en retirant ses gants dans un environnement pareil), nous remontons, cette fois seulement pour apprécier la vue unique sur le pic, par chance complètement dégagé des nuages à ce moment-là, le Lago de Los Tres juste en-dessous, complètement couvert de glace, et les nuages et la poussière de neige qui filent au ras des pentes enneigées en tourbillonnant… très beau, même si personnellement je ne comprends pas tout à fait ce que les gens ont avec ce Fitz Roy. Comme souvent dans ce genre de situation, au plaisir des yeux s’ajoute le plaisir plus intime de l’impression d’avoir accompli une relative prouesse en parvenant jusque là.
Comme la balade de 8h nous paraissait un peu courte (ahem…), nous y avons ajouté un petit détour vers un « mirador » (un point de vue, quoi) donnant sur Las Piedras Blancas, un glacier dont le bleu ressortait franchement en contraste avec le blanc des montagnes. C’est finalement avec 9h30 de rando dans les jambes que nous rentrons nous faire un bon petit resto avant de nous coucher –tard pour ma part, vers 23h30, le temps de lire quelques chapitres cruciaux de Sa Majesté des Mouches que Stoeffler m’a prêté en V.O . avant le départ.
Jour 11 (mercredi 28 octobre) : Lago Torre
Le temps s’est à nouveau dégradé alors qu’il devenait de meilleur en meilleur la veille, mais cette fois encore nous avons décidé de faire l’excursion quel que soit le temps : nous prendrons le bus à 18h et c’est donc non seulement notre seule chance de la faire, mais c’est aussi la seule activité qu’il nous reste encore à faire. Les nuages et le brouillard qui nous dissimulent tous les sommets ce matin, en plus de la neige qui tombe presque continuellement, ne sont pourtant guère encourageants –sans compter que les heures de marche de la veille ne nous ont pas laissés indemnes (surtout Marion, qui met un peu de temps avant de retrouver son rythme de marche ordinaire). Les sentiers sont néanmoins plus faciles que ceux de la veille et nous progressons rapidement, traversant comme la veille une forêt stupéfiante tant le nombre d’arbres morts, effondrés les uns sur les autres ou à terre, le tronc creusé comme si la foudre les avait éventrés, est élevé. Comme la veille, où nous avions rencontré par hasard une paire de magnifiques perroquets verts (eh oui, en Patagonie, il y a de la neige ET des perroquets !) nous avons le plaisir de croiser cette fois un énorme pivert à tête rouge (apparemment on ne dit pivert que pour les pics qui sont verts, et donc pas les rouges, mais je suis un homme libre !) qui « picore » un arbre juste au-dessus de nous. A la différence de la veille par contre, cette fois le temps ne s’améliore pas vraiment et au moment de notre arrivée au Lago Torre, nous voyons bien le lac et l’extrémité du glacier qui y achève sa course, mais pas plus… peu importe, le brouillard épais d’où émergent de temps en temps les silhouettes des pics créent une agréable atmosphère de mystère qui compense au moins un peu la déception de ne pouvoir vraiment voir le très capricieux Cerro Torre. Le soleil commencera à se lever pendant notre trajet retour, mais les nuages ne quitteront pas le pic : nous avons donc eu de la chance de le voir au début de notre séjour, car ce n’est pas le cas de tous ceux qui passent par Chalten, le Cerro Torre restant la plupart du temps invisible gaffe donc à ceux qui prévoient de faire un séjour en Patagonie : ce coin-là est vraiment très chouette, mais c’est un peu la roulette et si on n’a pas de bol, on peut complètement passer à côté de ce qu’il y a à y voir de plus beau).
Jour 12 (jeudi 29 octobre) : Ushuaïa
Mauvaise journée. D’une part, parce que notre vol, comme la plupart de nos précédents vols intérieurs en Argentine jusqu’à présent, est reporté d’abord d’une heure, puis de vingt minutes supplémentaires, puis encore vingt minutes, si bien que nous savons que nous arriverons à Ushuaïa passées 15h, soit trop tard pour faire quoi que ce soit de l’après-midi. D’autre part, parce qu’en imaginant la Terre de Feu, j’avais en tête les photos d’Islande de Marion, et que je m’attendais à trouver dans ces terres extrêmes (Ushuaïa est la ville la plus australe (ça veut dire « la plus au sud ») du monde) des paysages aussi baroques et inattendus… or, nous débarquons dans un paysage pas si différent de celui que nous venons de quitter, avec simplement plus d’arbres et moins de steppes, enfin en tout état de cause, vraiment pas un paysage surprenant ni ébouriffant… Quant à Ushuaïa, je m’attendais à une ville peu sympathique parce que j’imaginais un excès de folklore kitsch (un tas de trucs s’appellent « machin DU BOUT DU MONDE », c’est la terre mystique des Indiens…),mais en fait Chalten évoquait bien davantage le village perdu aux confins des terres que cette grande ville portuaire banale qu’est Ushuaïa.
Pris dans le stress de devoir en plus trouver dans l’urgence ce que nous pourrons programmer pour le lendemain, Marion et moi nous laissons aller à déprimer un peu sur ce détour qui nous mange deux journées en purs voyages pour un seul jour de visites, qui nous paraissent brusquement peu prometteuses… d’autant que 20mn après que nous ayons réservé une excursion vers le Canal de Beagle en voilier, et alors qu’il avait fait super beau depuis notre arrivée, il se met à neiger méchamment… et la même chose est prévue pour le lendemain.
Histoire de faire quand même quelque chose de notre après-midi, nous visitons le Museo Maritimo y del Presidio : celui-ci a été installé dans l’ancien bagne vers lequel étaient expédiés au début du XXe siècle, dans des conditions particulièrement rigoureuses des prisonniers plus ou moins volontaires, parfois avec leurs familles qui s’installaient dans un village voisin, comme pour initier une sorte d’étrange colonie pénitentiaire. Sont présentées là les histoires et les maquettes des navires qui découvrirent puis explorèrent le Canal de Beagle, puis le Cap Horne, qui font la jonction au sud du globe entre océans Pacifique et Atlantique, ainsi qu’une vidéo intéressante retraçant la construction récente d’un canoë en utilisant les méthodes traditionnelles des Indiens qui peuplaient la Terre de Feu avant l’arrivée des Blancs : une coque en écorce, cousue avec une peau de phoque pour l’étanchéité, et additionnée de plusieurs types de bois différents (et non un seul comme je l’imaginais), chacun utilisé pour certaines de ses propriétés spécifiques (flottaison, résistance, imputrescibilité,…). La seconde moitié du musée est consacrée à l’histoire du bagne et de ceux qui y séjournèrent, pionniers et figures célèbres (parfois, des prisonniers politiques), racontée par des panneaux et des installations dans les véritables anciennes cellules, froides et exigües (une aile de la prison un peu plus éloignée a même été conservée en l’état, sans réaménagement (donc sans lumière ni chauffage à la différence de la partie vraiment touristique) : excentrée du parcours principal très fréquenté, elle est silencieuse et presque déserte et donne tout de suite une idée plus crue de ce que ça devait être de vivre là.
Nous dînons dans une parilla sympa, l’un de ces restaurants typiquement argentins où on mange des grillades à volonté : les viandes sont exposées dans une rôtisserie aux parois de verre, à l’intérieur de laquelle le cuistot découpe à la demande différents bouts de différentes viandes (mouton, bœuf, poulet…). La soirée se termine avec 2 Doliprane et 1 Spasfon pour Marion, qu’une brûlure d’estomac taraude de plus en plus violemment depuis le début de la soirée (depuis avant le resto, donc la qualité ou l’excès de bouffe n’est pas en cause !).
Jour 13 (Vendredi 30 octobre) : Canal de Beagle et Parc National de la Terre de Feu
La chance est avec nous : même s’il pleut un peu, qu’il vente et qu’il fait froid, la navigation en voilier n’est pas le calvaire qu’elle promettait d’être la veille. Il fait même beau (mais froid) lorsque nous débarquons sur l’Isla H, ainsi nommée parce qu’elle est constituée de deux bandes de terres reliées par un court isthme. Le guide, dynamique, rigolo et multilingue, rend la visite très intéressante, nous présentant les plantes (comme la bollex (j’ai mal dû noter le nom, impossible de retrouver quoi que ce soit sur cette fleur sur le Net), toute petite fleur cousine de la carotte mais sans aucune similitude d’apparence, qui pousse par couches successives jusqu’à prendre un aspect bombé qui donne l’impression qu’elle repose sur un rocher alors qu’il n’en est rien et que la ‘boule’ ainsi formée est au contraire très fragile) et les coutumes des Yamana, les Indiens qui habitaient l’ilôt, vivant nus mais couverts d’une pellicule de graisse de phoque pour se protéger du froid, essentiellement accroupis pour conserver leur chaleur corporelle (ce qui entraînait des problèmes articulaires et de développement), se nourrissant largement de graisse, que leur métabolisme particulier parvenait à assimiler pour répondre à leurs besoins (un régime qui explique quand même pourquoi leur espérance de vie plafonnait aux environs des 40 ans (cholestérol, tout ça…)). Des cormorans nichent aussi sur l’île, nous avons ainsi pu les voir à moins de 3m en couples dans leurs nids, assistant même à deux accouplements vite expédiés (entre 5 et 10 secondes max, ce qui n’est peut-être pas si mal pour la femelle puisque pour s’accoupler, le mâle lui monte littéralement dessus –c’est-à-dire qu’il marche carrément, avec ses pieds, sur son dos !).
Nous avons fait aussi un petit détour à proximité d’un ilot plus petit encore, sur lequel se tenaient des centaines de mouettes et de cormorans au milieu d’une couche hallucinante de guano, et sur lequel se reposaient également des otaries. Scène impressionnante : un mâle et une femelle se sont battus sous nos yeux (pour une raison assez claire : la femelle avait la migraine :p ), le mâle balançant violemment la femelle sur les rochers un mètre plus bas après lui avoir envoyé un étonnant souffle de vapeur à la face à presque 50cm de distance. Faut pas les faire ch… les lions de mer mâles !
Le retour s’est fait cette fois sous un déluge de neige, mais c’était assez chouette puisque nous étions bien protégés par nos multi-couches de vêtements (y compris de décidément bien pratiques sur-pantalons achetés à l’origine pour l’expédition sur le Perito Moreno) et par de gros cirés jaunes prêtés par les marins. A peine débarqués, nous courons pour attraper un bus (il n’y en a qu’un par heure) pour nous rendre au Parc National pour quelques heures de marche. Là encore, le Parc n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que nous aurions pu attendre d’une réserve naturelle aux confins du monde, mais nous y rencontrons quand même des ibis (au plumage mordoré, noir et blanc, et au long bec vert incurvé), des espèces d’oies sauvages au joli plumage strié, des tas de mignons lapins, et surtout un renard roux, à moins de 5m, qui reste peu farouchement allongé sur notre chemin jusqu’à ce que nous décidions d’avancer quand même. J’ai cru tout d’abord qu’il s’agissait d’un louveteau, puis d’un chien en le voyant rester placidement devant nous alors que nous étions bien visibles, mais sa grosse queue touffue rousse et blanche ne laissait pas le moindre doute : c’était bien un renard.
Pas de castor, même si nous avons pu voir deux de leurs barrages (dont un énorme), et à part deux passages dans des sous-bois de fins arbres squelettiques, qui dans le froid et la soudaine relative obscurité instauraient une ambiance gentiment inquiétante que j’ai bien aimé, la balade était agréable mais plutôt anecdotique.
Troisième partie à suivre. Pour l’album photo complet du voyage, c’est ici.
C’est marrant, je viens de réaliser qu’un autre ami est parti en Argentine il y a peu.
C’est une destination à la mode ?
Il faut savoir qu’à partir du moment où Marion et moi faisons un truc, ça devient vite hyper à la mode.
Branleur…
Bientôt la capoeira aux jeux olympiques d’hiver !
Tiens pour ceux qui se demandaient, comme moi, pourquoi le cormoran mâle monte sur sa femelle pour faire le sexe, l’explication apparaît justement dans cet article de Vran sur le toujours excellent blog de Pierre : http://ssaft.com/Blog/dotclear/index.php?post/2010/02/01/Galerie-de-membres%2C-partie-3%3A-Oiseaux
Je vous préviens, ça parle de cloaques, de protubérances génitales, et de trucs pas très ragoûtants dans le genre, mais bon, on en sort moins bête !