Sa majesté des mouches (William Golding, 1954)

Sa majesté des mouches est un roman de William Golding publié en 1954, considéré comme un classique et souvent étudié, assez étonnamment parce qu’il recourt à une certaine violence au moins psychologique, dans les petites classes.

Il me semble me souvenir que ma sœur l’avait quand nous étions petits, mais je n’avais jamais envisagé de le lire. D’une, le titre était bizarre (pour l’anecdote, le titre original « Lord of the Flies » est la traduction littérale en anglais de « Belzébuth », le prince des démons dans la mythologie chrétienne) et la couverture (introuvable sur le Net aujourd’hui, elle représentait un jeune garçon à la commissure des lèvres duquel se glissait une mouche) aussi ; de deux, c’était un livre pour l’école, quand même.

Il aura fallu la série Lost pour me donner envie de passer au-delà de cette couverture dérangeante : la série y fait au moins deux fois textuellement référence, et de nombreux commentaires et analyses que j’ai lus sur le Net évoquaient des parallèles avec le livre. En bon fan de la série, et avec l’envie de me cultiver un peu, j’ai donc voulu le lire, et c’est Stoeffler, qui venait justement de le terminer, qui me proposa de me le prêter, en anglais (ce qui ne me posait pas de problème a priori, et ne m’en a effectivement pas posé, puisque le texte est assez abordable -ce qui explique aussi en partie qu’il soit considéré principalement comme un livre pour enfants).

L’histoire est celle d’un groupe d’écoliers anglais qui se retrouvent échoués sur une île déserte suite au crash de l’avion qui les transportait. Le personnage principal, Ralph, l’un des plus grands enfants, organise dans un premier temps la petite communauté avec l’aide de son conseiller Piggy (Porcinet en français) et le soutien de Jack, le meneur charismatique d’un groupe de garçons de chorale.  Abandonnés à eux-mêmes, la très large majorité des enfants se laissent rapidement aller, malgré les efforts d’organisation et les rappels à l’ordre de Ralph. Sous l’impulsion d’un Jack qui n’apprécie l’autorité que lorsqu’il l’exerce lui-même et qui préfère rapidement la force à la raison comme argument de pouvoir, le groupe se scinde et abandonne progressivement les règles de la civilisation pour dériver en une société tribale, violente et irrationnelle.

Le livre m’a plu en ce qu’il m’a vraiment tenu en haleine : j’ai avancé rapidement dans la lecture, me couchant parfois trèèèèèèès tard pour ne pas abandonner l’histoire sur un chapitre tendu (et la situation l’est souvent). Et même si on se doute qu’on se dirige vers une tragédie, l’auteur réussit à ne jamais donner une réponse prévisible aux situations dont on croit deviner le dénouement, ce qui est bien agréable.

En revanche, lu au premier degré, Sa majesté des mouches m’a paru rester un peu trop en surface des choses : les enfants constatent simplement que leur avion s’est crashé et ne se posent pas de question sur le pourquoi ou le comment, ne font pas de recherches de la carcasse ou d’autres survivants, ce qui ancre d’emblée l’histoire dans un cadre peu réaliste qui m’a un peu gêné. On en apprend aussi très peu sur les personnages eux-mêmes : les étapes de leur décadence sont relativement espacées et on les voit donc évoluer un peu trop brusquement. Décrire davantage les personnages et développer la psychologie au moins des principaux aurait bien sûr rendu le récit beaucoup plus long et lourd, mais en l’état il m’a un peu frustré et j’aurais volontiers sacrifié un peu de la légèreté de la lecture en échange d’un peu plus de densité (j’ignore si l’auteur destinait effectivement son roman aux enfants dès l’origine, ce qui justifierait son choix).

La scène du drame principal m’a paru aussi un peu limite en termes de crédibilité, même si son rôle au-delà du récit est de servir le propos de l’auteur. Car Sa majesté des mouches n’est pas un ouvrage qui se lit uniquement au premier degré, et c’est pour cela qu’il est si souvent utilisé en classe. On trouve des tas d’analyses littéraires sur Internet qui donnent des interprétations sur les valeurs incarnées par les personnages et sur le sens qu’on peut donner aux péripéties qu’ils sont amenés à vivre.

Et c’est vrai qu’en y réfléchissant ne serait-ce qu’une minute, la symbolique de la plupart des éléments de l’histoire est assez évidente : la conche que les garçons utilisent pour se réunir et qui est détruite dans une des scènes finales, marquant la fin de la démocratie et le passage définitif à la barbarie ; chaque personnage incarne une valeur : l’ordre et la civilisation pour Ralph, qui finit par avoir besoin qu’on lui rappelle pourquoi il faut faire certaines choses vers la fin du livre, quand son pouvoir -et donc l’influence de la civilisation sur les « naufragés », est à l’agonie ; le savoir pour Piggy, dont les lunettes -symbole supplémentaire- servent à faire le feu ; la séduction de l’autorité qu’on suit aveuglément pour Jack ; l’attraction de la cruauté gratuite lorsque la peur des punitions se dissipe, pour Roger…

Même le final, qui après une montée en tension terrible (en plus personnellement je l’ai lu presque page par page avec une interruption de 5mn entre chaque parce que je lisais à l’arrache, ce qui rendait la séquence encore plus cauchemardesque), finit d’une façon totalement inattendue qu’on ne s’imagine franchement plus trouver aujourd’hui dans un roman décent, prend un autre sens quand on réfléchit à la signification qu’il peut avoir pour appuyer le discours « méta- » de l’auteur.

Il y a vraiment de quoi réfléchir et discuter pendant des heures sur l’œuvre pour en relever les détails ou les métaphores, et ce deuxième niveau de lecture donne une nouvelle richesse au livre. C’est pourquoi malgré certaines faiblesses, je comprends parfaitement pourquoi il a connu le succès qu’il a connu et pourquoi il est utilisé si fréquemment comme support pédagogique. Et au final, même si mon avis était plus mitigé lorsque j’ai fini le bouquin, j’en recommande aujourd’hui la lecture parce que c’est un livre intéressant, et qui participe effectivement de la culture générale.

Deux films l’ont adapté au cinéma, j’aimerais bien les voir… si quelqu’un sait où les trouver, je suis preneur !

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