15 jours à Hokkaido (Japon) – Juillet 2015 (3/3)
Marion et moi sommes partis 15 jours au Japon, début juillet 2015, cette fois sur l’ile moins touristique d’Hokkaido, au nord du Japon, pour un séjour plus orienté « nature et rando », et moins « culture et civilisation ». Voici le récit de la deuxième partie de notre voyage (la première est ici, la deuxième ici).
Pour que cet article soit utile à d’éventuels lecteurs qui prévoiraient un voyage similaire, j’ai noté de * à ***** (* étant à éviter absolument, ***** justifiant à mon sens de faire le détour pour ce lieu seul) l’intérêt des endroits que nous avons visités, des hôtels où nous avons séjourné, et des restaurants où nous avons mangé. Et pour ceux qui préfèrent les images, une sélection de nos meilleures photos se trouve ICI.
Jour 10 : Mercredi 15 juillet : Shiretoko
Trois heures de route nous séparent de la péninsule de Shiretoko, où nous avons prévu d’effectuer une randonnée de 2 jours (avec couchage sous tente, dans les hauteurs). Le temps de trajet nous vaut d’arriver relativement tard (à midi), et le temps est devenu très nuageux. Comme c’est la première fois de notre vie que nous entamons un projet de rando sur plusieurs jours, plutôt que de nous lancer dans l’aventure en aveugles, nous commençons par nous rendre au Nature Center pour prendre des informations sur le parcours, l’actualité sur la situation dans la région, etc.
La ranger japonaise qui nous reçoit dans un anglais très décent nous informe d’une mauvaise nouvelle pour commencer : nous comptions sur une navette annoncée dans notre guide pour terminer la boucle de notre randonnée, mais celle-ci ne fonctionne en réalité qu’en août ; il faudra donc compter sur l’auto-stop pour finir les 15 derniers km… sachant que nous serons alors sur une route sinueuse et peu fréquentée, et qu’à l’heure à laquelle nous devrions y parvenir, le jour commencera à tomber ce qui est dangereux à plus d’un titre puisque non seulement les voitures pourraient ne pas nous voir, mais que nous pourrions en revanche tomber sur des ours !
Bon… mais ça ne s’arrête pas là puisque la ranger nous informe également qu’il y a actuellement un ours à la hauteur du campement où nous avions prévu de passer la nuit -mais apparemment l’ours laisse les humains tranquilles si les hommes le laissent également tranquilles de leur côté… ce qui n’est quand même pas un argument complètement rassurant.
Dormir ailleurs sur le parcours n’est pas non plus complètement envisageable car très peu de campement sont équipés de systèmes permettant d’enfermer la nourriture dans des boites à l’écart du couchage pour éviter d’attirer les ours.
Au moment où nous allions partir, elle nous rattrape pour nous prévenir quand même d’un truc additionnel qu’elle a failli oublier : un typhon se prépare à passer sur Hokkaido ! Une anecdote ! ^_^
Au vu de ces nouvelles, étant donné que c’est notre première expérience de couchage en montagne, que la météo n’est déjà pas terrible et que les pics sont dans le gros brouillard, on décide de reporter au lendemain la décision d’y aller ou pas, et on commence à hésiter sérieusement à simplement annuler.
On s’organise pour dormir dans l’auberge de jeunesse proche de l’entrée du sentier, où l’accueil, assez étonnamment, n’est pas très chaleureux (peut-être parce qu’on n’a pas réservé à l’avance ? Les Japonais sont assez sensibles à ce détail). Nous payons l’équivalent de 80€ pour des lits sommaires chacun dans une chambre (non mixte) partagée avec trois autres voyageurs, ce qui pour une « auberge de jeunesse » paraît franchement excessif, d’autant qu’aucun repas n’est compris dans ce prix. Nous dinons dans la chiche salle commune, d’aliments tous prêts achetés au 7 Eleven (la chaine de supérettes la plus répandue au Japon, qui aura été notre pourvoyeur majeur pendant ce séjour) ; pendant le repas, on échange sur nos projets avec un jeune randonneur batave qui a vécu à peu près la même mésaventure que nous au Mont Yotei (il avait prévu d’effectuer la rando, avait abandonné en voyant l’averse apparemment sans fin de la matinée, pour découvrir qu’en fin de journée le temps s’était complètement dégagé et qu’il aurait donc pu jouir d’un superbe lever de soleil au sommet le lendemain), et qui est cette fois décidé à ne pas se laisser arrêter par les conditions a priori défavorables, pour tenter sa chance et espérer le meilleur. Sa résolution (et alors qu’il est seul, et donc potentiellement plus vulnérable aux dangers du parcours) nous convainquent de ne finalement pas renoncer non plus, et nous nous couchons donc avec l’ambition de partir à l’aventure le lendemain, sauf si les conditions météo se dégradent encore.
Jour 11 : Jeudi 16 juillet : Shiretoko
Nous partons de l’auberge de jeunesse à 8h (ça paraît tôt mais en fait déjà à notre réveil à 6h il ne restait plus que nous et les deux retraités qui n’avaient pas de rando à faire…). Nous entamons une longue marche jusqu’à l’entrée réelle de la piste, croisant sur le chemin de nombreux renards (plutôt faméliques). Le panneau qui jouxte le tozan-posto où nous enregistrons notre entrée alerte sur le danger du parcours (il y a des sections de terrain très glissantes), signale que l’an dernier plusieurs accidents ont été déplorés dont un mortel (ce qui, pour un parcours relativement peu usité, traduit un taux d’accident assez inquiétant), et déconseille absolument de s’y engager sans du matériel et de sérieuses compétences en orientation… ! Tout ça n’est quand même vraiment, vraiment pas rassurant !
Les sacs sont bien lourds (on transporte de quoi camper au sommet + deux jours de vivres et d’eau), mais on arrive à tenir le rythme. Les branches basses qui parsèment le parcours ne me facilitent pas la vie (et m’agacent même régulièrement parce que mon sac, abusivement haut, se prend souvent dedans, ce qui m’oblige à des contorsions pas évidentes avec un sac aussi lourd). A mi-chemin, nous nous apercevons qu’il nous manque une gourde (alors qu’un litre en moins sur un parcours aussi risqué, ça peut être le drame!). Marion retourne en arrière sur un bon kilomètre mais ne trouve rien : en fait, on la retrouve rangée dans l’autre poche latérale de mon sac… L’ascension se termine sur une longue montée dans la neige. La pente est si abrupte qu’il n’est pas possible de progresser sans glisser si on ne suit pas strictement le relatif « escalier » de vingt centimètres de large formé par le passage de nos prédécesseurs. Le brouillard est tout autour de nous : difficile de suivre la piste si elle devait bifurquer… Le risque d’une perte d’orientation m’apparaît soudain plus clairement (en même temps que la fatigue commence à se faire sentir sur cette montée délicate (la neige, ça glisse), après bientôt 3h d’ascension).
Arrivés au col, le froid est plus important que ce que Marion avait imaginé, et le brouillard est complet : on ne voit qu’à 10m alentour… Après un petit quart d’heure d’hésitation, on se dit que le danger de se perdre est trop important, sans compter le fait qu’on risque de ne profiter d’aucune vue pendant toute la rando, et Marion s’inquiète de notre manque d’équipement, craignant que nous ne soyons pas suffisamment couverts pour passer une nuit sur la montagne dans ce froid… Malgré l’investissement déjà effectué (rallonge de la rando en laissant la voiture à l’auberge de jeunesse pour ne pas avoir à effectuer les 45mn de marche à la fin du parcours pour la récupérer, ascension effectuée avec tout l’équipement prévu pour 2 journées de rando au lieu d’une seule,…), nous faisons le choix de la prudence : on redescend.
Le retour est long, mais finalement moins dur que ce que j’imaginais avec mon gros sac (je commence quand même par une glissade dans la neige qui aurait pu très mal tourner si on n’avait pas réussi à l’interrompre rapidement, parce que la pente m’emmenait potentiellement très loin et très vite…). J’ai l’impression que malheureusement, parvenu à ce stade de notre séjour, après l’entraînement des précédentes randonnées, puis le repos pris depuis, j’étais en fait au mieux de ma forme, l’idéal pour affronter cette marche difficile… dommage !
Parvenus en bas de la piste, un bon samaritain japonais nous offre de nous raccompagner à l’auberge de jeunesse en voiture, ce que nous acceptons volontiers parce que ça nous épargne 40 bonnes minutes de marche sans plus grand intérêt. Il s’avère que c’est déjà lui qui a conduit le randonneur hollandais le matin-même (à 4h!) à l’entrée de la piste ; lui a visiblement tenu bon, et poursuivi sa rando coûte que coûte malgré les conditions… Kudos à lui (j’apprends à cette occasion que « kudos » n’est absolument pas un terme Japonais, mais Grec : comme quoi c’est enrichissant de rédiger ces articles !) !
Nous allons pour notre part nous installer tranquillement au camping de la ville voisine, Utoro. Nous nous offrons un passage aux bains publics qui nous fait du bien après 48h sans douche et cette longue (demi-)rando. Le camping est situé sur les hauteurs de la ville, et offre une très belle vue sur le petit port de plaisance en contrebas, sis entre deux énormes rochers gagnés par la verdure. Nous assistons de là-haut à un beau coucher de soleil, avant de nous coucher à notre tour.
Vendredi 17 : Shiretoko Pass, Sharidake
Le ciel, évidemment, est complètement dégagé à notre réveil.
C’est une grosse déception d’avoir abandonné la rando à mi-parcours alors que la deuxième journée aurait pu être magnifique, et de voir que notre prudence est chaque fois si mal récompensée. Marion a du mal à encaisser la frustration, mais je tente pour ma part de positiver : il fait beau et on va pouvoir faire une autre rando, dans de bonnes conditions.
Nous effectuons un petit détour pour voir le Shiretoko Pass*** avant de quitter la région, et nous dirigeons ensuite vers le Sharidake… mais l’entrée de la rando est introuvable ! Aucune info dans les guides, aucune indication sur la route, le GPS est incapable de nous aider (les limites de la définition de la destination à la Japonaise, par le numéro de téléphone… quand on recherche un endroit en pleine nature, c’est totalement inefficace!) et il n’y a que des petites routes autour de la montagne… Nous sommes à deux doigts de jeter (encore une fois!) l’éponge, d’autant qu’il commence à être tard (presque 11h) pour une rando qui dure entre 6 et 8h… (pour mémoire, le soleil se couche ici entre 18h et 19h).
Mais notre persévérance paye, et on finit par tomber sur une route de gravier perdue (au point qu’elle n’existe pas dans notre GPS), mais dont les kanjis semblent indiquer qu’elle mène bien au Sharidake. On atteint donc cette entrée presque secrète de la rando, et on se lance sur la piste effectivement à 11h, sous le regard inquiet de la propriétaire du refuge qui garde l’entrée, et des randonneurs que nous croisons en route (qui regardent systématiquement leur montre avec un air dubitatif en nous voyant). Le parcours commence de façon très sympathique avec plusieurs traversées d’une petite rivière que nous effectuons en sautant de rochers en rochers (peu de courant, et pas de grosse profondeur : le seul risque ici est de se mouiller les chaussures). Au tiers de l’ascension, c’est une rencontre improbable : notre bon samaritain de la veille (qui nous avait pris en auto-stop sans qu’on le sollicite), qui une fois de plus se révèle d’un précieux secours : il nous confie une carte topographique de la rando, et nous explique qu’il y a en fait deux voies, la nouvelle qui fait un gros détour, sur un sol boueux et très ardu mais sûr, et l’ancienne qui s’annonce plus dangereuse, avec plusieurs nouvelles traversées de rivières, et des passages où il est nécessaire de recourir aux mains pour grimper, en quasi-escalade. Notre choix se porte naturellement sur la seconde ! (en partie parce que l’escalade, c’est notre truc, et en partie pour conjurer l’impression d’avoir manqué de cran sur la rando avortée de la veille).
Bon choix ! La montée est ludique, sportive et clairement pas à la portée du promeneur de base, mais bien plus intéressante qu’une bête montée à la seule force des jambes sur un chemin ordinaire. Le chemin retour sur ce chemin-ci est interdit, et honnêtement, on ne l’aurait pas tenté de toutes façons, ça paraissait effectivement assez casse-cou. On prend donc pour le retour la nouvelle voie, plus longue et qui fait effectivement un tel détour qu’on craint à un moment de s’être perdus, d’autant que les indications sur le sentier sont toutes en japonais. Marion est moins inquiète que moi car ce qu’elle lit sur la carte topographique offerte par notre bon samaritain lui semble cohérent avec notre parcours. Et effectivement, après une bonne demie-heure de doute, on entame finalement la descente abrupte qui nous ramène vers le torrent, ce qui me rassure enfin. Ça restera sans doute comme ma rando préférée du séjour****, et je ne regrette donc vraiment pas l’échange fait avec la rando de Shiretoko (d’autant que là nous avons eu les conditions météo idéales : beau temps mais pas trop chaud), même si le fait de n’avoir pas pu affronter le challenge d’une rando de 2 jours avec nuit passée sous la tente à mi-parcours reste une déception. Voilà qui permet de conclure le séjour sur un très bon final !
Nous regagnons l’entrée de la piste pour 18h, et le soleil est effectivement en train de se coucher : c’est bien qu’on n’ait pas pris beaucoup plus de temps (6h30 quand même) !
Nous retournons dans la région visitée en début de semaine pour installer notre tente sur le camping des rives du lac Akan, dont le décor est magnifié dans la nuit tombante.
Samedi 18 : Sapporo
Nous sommes réveillés par des Japonais qui installent leurs tentes à 4:00 du matin, à grands coups de marteau sonores : plusieurs familles semblent avoir fait le trajet dans la nuit pour passer le week-end sur les bords du lac. A ce stade du voyage, nous commençons toutefois à être habitués aux réveils au petit matin et nous ne nous en formalisons pas plus que ça.
Suit une longue route (6h) vers Sapporo. Nous arrivons au Tokyo Dome Hotel***, où je me perds dans le parking, mais le type de l’accueil me conduit physiquement (en courant devant ma voiture) au travers du dédale pour m’indiquer où aller (et franchement sans son aide, ç’aurait été impossible).
Nous commençons à être à court de vêtements présentables : nous demandons à emprunter un fer à repasser mais… ils n’en n’ont plus de disponibles. La chambre est ok, mais la salle de bains n’est pas géniale : ces déceptions successives vis-à-vis de l’hôtel font naître en moi le sentiment que les vacances sont finies, et l’envie de rentrer directement.
Une averse vient conforter ce sentiment de loose, mais nous dinons dans un petit boui-boui de la « rue des ramens » (Râmen Yokocho)****, très sympa, qui me redonne meilleur moral. Nous effectuons ensuite une balade nocturne dans le quartier de Sapporo réputé pour l’animation de ses nuits (comprendre : il y a beaucoup de bars à filles), puis dans une rue piétonne avec plein de petites échoppes de bouffe et de boissons, éclairée par des lampions « traditionnels » et de jolis lampadaires, les gens se baladent en kimonos malgré la pluie : le bon esprit local me re-gagne.
Dimanche 19 : Sapporo
Après un petit-déjeuner buffet correct sans plus, nous allons rendre la voiture, dont nous n’aurons désormais plus besoin. Le GPS, qui s’est montré jusque là impeccable, se met à donner des directions farfelues, mais le plan en damier de la ville me convient bien et une fois n’est pas coutume, c’est moi qui prends le relais pour l’orientation, Marion l’ayant (à l’instar du GPS) perdu pour la journée.
Nous nous baladons dans le campus de l’Université de Sapporo*** au milieu duquel coule une rivière… Il y a même une petite cascade, des jardins fleuris,…
Nous poursuivons au jardin botanique**, une balade agréable mais sans plus pour qui n’est pas spécialiste en botanique ; le musée Ainou qui y est hébergé est en revanche intéressant*** (de beaux costumes et accessoires (dont un costume fait en peaux d’oiseaux – 50 au moins)).
Nous retournons au foodcourt de la gare pour acheter des gâteaux fourrés au haskap (chèvrefeuille bleu en français), baie du nord du Japon, en guise de souvenirs pour nos amis et collègues.
Un festival rock se déroule ce week-end là et nous profitons de l’occasion pour écouter un groupe de rock japonais en mangeant de petits sandwiches achetés dans une petite boutique qui nous avait fait plusieurs fois envie lorsque nous étions passés devant.
Il est ensuite l’heure de récupérer nos bagages à l’hôtel, puis, bien chargés, nous prenons la navette pour Chitose, dont l’aéroport de Chitose se révèle être un grand centre commercial très fréquenté et plein de bonnes choses, étonnant pour un lieu relativement excentré de la ville-même. Nous nous y offrons une dernière petite douceur avant de prendre l’avion, et de rentrer sans encombre à Paris -et c’est la fin de cet agréable séjour, bien agréable et très différent du premier que nous avions effectué essentiellement dans le Kansai. Je recommande chaudement Hokkaido**** à ceux qui aiment le Japon et voudraient en découvrir une autre facette, plus orientée nature, et à l’écart de la civilisation (tout en continuant à profiter des nombreuses autres points forts du pays, notamment en termes de nourriture, de sécurité, de sens du service,… Quand même pas à la place de, mais un très bon complément au plus traditionnel Tokyo-Kyoto pour les amateurs de randonnées à la recherche d’une certaine tranquillité (pas trop de monde sur les parcours, et à peu près aucun occidental sur toute l’ile).
Tout de suite la a chaud mon seul commentaire est a propos de la rando Shiretoko: est-ce qu’avec la gourde dans ta poche laterale de sac ados t’aurais pas retrouve ton permis de conduire aussi?
Crrr, crrr, crrr…