Deux semaines au Japon [3/7]

Résumé des épisodes précédents : Marion et moi avons passé 15 jours au Japon en août 2014. La première partie du récit de notre périple se trouve ici, la deuxième ici. Voici la troisième, avec mes notations sur l’intérêt des lieux visités, la qualité des hébergements où nous avons dormi, et des endroits où nous avons mangé, de * (misérable, à éviter) à ***** (extraordinaire, justifie le voyage à lui seul), pour donner des indications utiles à ceux qui prévoiraient d’organiser un voyage du même genre.
En bonus avec cet article, le lien vers notre sélection des meilleures photos réalisées par Marion pendant ce séjour.

Jour 6 : vendredi 22 août
Daitoku-ji – Jardins Impériaux – Marché Nishiki – Ponto-cho

Un « jardin de pierre » zen

Après l’épreuve du Fuji-san, je consacre une bonne demi-heure le matin à des étirements pour tenter de me remettre de mes douleurs et courbatures, mais je reste assez endolori et vanné.

Notre hôtel propose des vélos à la location, et nous décidons d’en profiter. Contrairement à ce que nous imaginions, les Japonais n’ont pas du tout le sens de la densité, tout est archi-étalé et il faut faire des kilomètres pour aller d’un point à un autre. Dans une ville plane comme Kyoto, le vélo est du coup un moyen de locomotion idéal, qui nous permet de vraiment voir la ville (par opposition au métro), d’être assis, et de nous rafraîchir par le vent, là où à pied on est juste écrasés par la chaleur. Hyper-pratique, et très agréable.

La beauté du bois

Nous gagnons le Daitoku-ji****, un monastère étalé sur plus de 20 hectares et formé d’un ensemble de petits temples. Nous y visitons notamment le Ryogen-in****, un joli temple qui comporte notamment trois jardins, dont le plus petit jardin de pierres du monde, qui représente symboliquement deux gouttes d’eau. Il y a là aussi en exposition deux fusils antiques et un plateau de go laqué sur lequel se seraient affrontés Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa (deux des trois grands généraux qui unifièrent successivement le Japon en le faisant passer d’un règne Impérial au shogunat). Il s’agit là de notre première visite d’un temple bouddhique, et nous avons la chance de le visiter dans des conditions presque idéales, puisque nous sommes seuls quasiment tout du long, ce qui nous permet de vraiment jouir de la quiétude du lieu et de l’esprit zen dans lequel ses jardins ont été conçus. Se promener pieds nus sur les planchers de bois laqués est aussi un grand plaisir, qu’on n’a guère l’occasion de goûter en occident.

Dans les jardins Impériaux

Un peu plus loin se trouve la bambouseraie du Koto-in***, mais nous nous contentons d’y faire quelques pas sans pénétrer dans le temple lui-même, car nous avons déjà passé pas mal de temps sur le domaine, et la visite de notre premier temple était suffisamment intéressante pour combler nos attentes quant aux visites de temples pour la journée : comme les pièces de ces temples sont extrêmement dépouillées, nous estimons que nous aurions peu de chance de découvrir grand chose de vraiment différent dans les autres temples du site… et la bambouseraie qui entoure le Koto-in est un repaire de moustiques qui ont commencé à nous souhaiter la bienvenue à leur façon, ce qui n’incite pas trop à traîner !

Sur le chemin du retour, nous passons devant une épicerie bio, et nous composons alors à l’improviste un bento (l’équivalent du sandwich dans la culture japonaise) que nous allons ensuite partager sur un banc du Jardin Impérial*** (là aussi, archi-vaste mais très dépouillé ; à pied il doit falloir des heures pour le traverser). Nous découvrons un petit étang avec des tortues de Floride (ennemies personnelles de Marion), des carpes assez laides, des canards et des pigeons, un petit autel, un pont à la japonaise et une jolie maison de thé dans le fond.

Le marché Nishiki

Nous reprenons ensuite les vélos pour rejoindre le marché Nishiki***, où nous passons devant plusieurs échoppes sympathiques où nous achetons différentes petites choses pour nos parents et amis, mais aussi pour nous  (tasses à thé, chaussettes qui individualisent tous les doigts (on en avait vu aux pieds d’un visiteur au Daitoku-ji, on avait trouvé ça trop rigolo), des peluches miniatures kawai, un éventail peint à la main,…) il y a aussi (surtout) plein d’étals de nourritures qui proposent essentiellement des aliments que nous ne connaissons pas et qu’on n’avait jamais vu avant (le lien ci-dessus vers le marché Nishiki rassemble pas mal de photos de ces aliments inconnus, pour vous donner une idée) ; en fin de parcours, nous reconnaissons quand même un cousin du angel cake que nous avons pu déguster à la pâtisserie japonaise Ciel à Paris, et dont nous nous offrons quelques tranches.

On repart ensuite pour le quartier de la gare de Kyoto, et passons devant de hautes murailles belles et massives, inattendues en plein centre-ville (je crois que c’était le Higashi Hongan-ji). Nous ne nous arrêtons pas pour visiter l’édifice, mais au moment de notre passage, une grue (l’oiseau, vivant, je veux dire!) vient se poser sur le fronton de la porte d’enceinte… Une image superbe, tout droit issue d’une illustration d’un de mes anciens jeux favoris, L5R !

Notre destination est le magasin général d’électronique Yodobashi, où nous voulons acheter un nouveau sac moins lourd pour transporter l’appareil photo de Marion ; le rayon des accessoires pour appareil photo, et notamment celui des sacs, doit être quelque chose comme 20 fois plus grand que ce qu’on peut trouver en France ! Nous achetons aussi des cartes mémoires pour son appareil parce que celles que nous avons déjà se remplissent vite, mais a posteriori et contrairement à ce qu’on imaginait, les tarifs ne sont pas particulièrement intéressants par rapport à ceux pratiqués couramment en France.

Kyoto Tower

D’une façon générale pendant cette journée, je me sens d’assez mauvaise humeur, et l’envie de rien à cause de la fatigue héritée de notre nuit sur le Mont Fuji. Et plus les heures passent, plus cette mauvaise volonté me gagne, si bien que quand nous nous rendons ensuite à Ponto-cho**, une rue réputée du quartier des geishas de Kyoto (Gion), je ne lui vois guère d’attrait. C’est pourtant une rue aux maisons traditionnelles rénovées, avec donc de jolies façades, et les lanternes qui l’éclairent contribuent à lui donner une atmosphère séduisante, mais il y a une foule insupportable, notamment dans une rue aussi étroite, et pratiquement que des établissements aux devantures surchargées d’écritures en tous sens, qui nous empêchent de comprendre où apparaît le nom des restos : dans ces conditions, nous sommes totalement incapables de retrouver les deux auxquels Marion aurait aimé qu’on aille -or j’imagine que dans une rue aussi touristique, les restos qui ne sont pas réputés pour la qualité de leur nourriture doivent être de gros pièges à touristes…
On rebrousse donc chemin et on repart vers une galerie marchande dans laquelle Marion aimerait tester un restaurant de soba (pâtes de sarrasin, l’une des trois principales variétés de nouilles au Japon), dans la continuité de notre projet de manger des spécialités différentes chaque soir. L’expérience est terrible pour moi : on arrive 5mn avant l’heure de « last order » donc on mange très vite (une femme arrivée peu après nous commandera un simple bol de soba qu’elle mangera en 5mn…) ; on commande des sobas chaudes et froides, pour découvrir le plus de variétés possibles. Les chaudes sont servies dans un bouillon miso que je trouve trop fort, les froides se mangent en les trempant dans une sauce à base de blanc d’œuf cru qu’on peut assaisonner à son goût… mais personnellement les pâtes froides rendues grasses et glissantes par l’œuf cru, c’est trop fort pour moi. Je m’avoue également incapable d’apprécier les petits accompagnements (notamment le tentacule de poulpe confit au gingembre…) et tout ça en addition de la fatigue et de la déception de Ponto-cho achève de me couper du simple plaisir d’être là, au Japon avec ma dulcinée.
Du coup quand en sortant nous avons l’heureuse surprise de tomber complètement par hasard sur le Breizh Café**** (la déclinaison japonaise de l’excellente crêperie parisienne où nous avons nos habitudes), je ne profite stupidement même pas de l’opportunité de déguster comme Marion une succulente crêpe beurre sucre.

Le Kamigamo-Jinja

Ça aurait pourtant été un bon remontant avant d’affronter notre dernière épreuve de la journée : en sortant de la galerie pour récupérer nos vélos… nous découvrons qu’il n’y a plus aucun vélo devant la galerie ! Panique ! On pense d’abord qu’ils ont été déplacés, parce que comme il y avait une trentaine de vélos garés là (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on s’était mis là !) un vol paraît impossible, a fortiori au Japon. On cherche donc d’abord partout autour, et on finit par trouver un type qui prend en photo une affichette simplement collée par terre (v’là l’info facile à trouver) écrite entièrement en Japonais (v’là l’info facile à déchiffrer), et on comprend que c’est la mairie qui les a fait enlever, bien qu’aucun panneau ne signale une quelconque interdiction ! Flip supplémentaire, le seul panneau visible concerne l’interdiction de jeter des ordures, et promet 30.000Yen (210€) d’amende à quiconque y contrevient, quelle que soit sa nationalité ! La grosse douche froide… On rentre à l’hôtel comme on peut en rejoignant un métro à pied, et on explique la situation, tout penauds… Avec la location des vélos à 1200Y (10€) les 12 heures, on risque de se retrouver avec un sale coup au portefeuille, en plus de la galère de devoir s’organiser le lendemain pour aller récupérer les vélos à partir de 10h30 à l’adresse signalée, alors que nous avions déjà prévu un planning assez serré pour nos 5 jours à Kyoto.
C’est la tuile.

Jour 7 : samedi 23 août
Kamigamo-jinja – Nishijin – Nijo-jo – Nanzen-ji – Tetsugaku-no-Michi (Chemin du philosophe)

Je continue à faire des étirements le matin, et je commence à me remettre de mes douleurs et courbatures. La journée débute par un appel de l’accueil : les employés de l’hôtel vont aller récupérer les vélos eux-mêmes (ce qui est déjà une bonne nouvelle parce que chaque minute est précieuse pendant un séjour comme celui-ci), et notre amende ne sera que de 2300 Yen (20€) chacun… Après la fin de journée cataclysmique de la veille, voici une journée qui commence sous les meilleurs auspices !

Nous nous mettons alors en route et rejoignons une rue voisine pour notre premier trajet en bus du séjour (allez savoir pourquoi, nous avons décidé de ne plus utiliser les vélos pour un temps…). Nous avions lu dans les notes du père d’un ami lors de son propre voyage, que les bus pouvaient réserver de mauvaises surprises (et moi-même d’une façon générale, je ne suis pas un grand fan des bus, que je trouve beaucoup moins fiables que les métros par exemple), mais nous sommes en l’occurrence agréablement surpris par les outils mis à disposition des usagers  : comme dans les métros, un écran diffuse alternativement des informations en japonais et en anglais qui permettent de suivre la progression vers la station de destination. La montée s’effectue par l’arrière, la sortie par l’avant, et c’est à ce moment seulement qu’on paye , à l’aide d’une machine qui encaisse directement le paiement ; il est nécessaire de faire l’appoint parce que celle-ci ne rend pas la monnaie, mais une machine juste à côté permet justement de faire la monnaie très simplement et efficacement, à partir de pièces ou de billets de n’importe quelle valeur ; pour notre part nous avons acheté un Daypass nous octroyant une totale liberté de transport pour la journée, et nous passons donc simplement notre ticket dans la machine, qui y imprime la date du jour.

Ayant atteint notre destination, pas mal à l’écart du centre-ville de Kyoto, nous visitons alors dans un cadre presque champêtre le Kamigamo-jinja***. Ce temple nous a un peu déçu car il y a finalement peu de choses qui valent (littéralement) le détour, mais il est relativement paisible avec son joli petit pont qui enjambe un ruisseau, et on peut y faire quelques belles photos , le cadre étant plus photogénique qu’intéressant, au final.

Dans les rues de Nishijin

Nous redescendons donc vers le centre-ville, marquant au passage une étape dans le quartier de Nishijin**, cœur de la production de textile au Japon depuis plus de 12 siècles. On est censés voir de belles maisons traditionnelles dans le quartier mais nous ne les avons pas trouvées… La courte promenade que nous y avons faite était donc sympathique (déambuler dans les petites rues bordées de maisonnettes japonaises est toujours plaisant), mais sans intérêt majeur. La fabrique de textile elle-même se visite également, et on peut y voir des employés en plein tissage avec leurs très simples machines en bois qui leur permettent de maintenir et tracer leurs canevas. On peut aussi y admirer quelques-unes des productions locales (Kyoto est notamment réputée pour la qualité de ses kimonos et obis), mais les vêtements proposés à la vente- n’ont apparemment pas tous été fabriqués sur place et tout ça sent donc un peu le « plan à touristes »…

La porte du Nijo-jo

Nous reprenons alors à nouveau le bus pour atteindre le Nijo-jo****, vaste domaine entourant ce qui fut le château du shogun, durant le règne de la dynastie Tokugawa (début du 17e siècle), et où le dernier shogun rendit (150 ans plus tard) le pouvoir à l’Empereur, ouvrant la période de la restauration Meiji. Le palais avait vocation à impressionner, et ses vastes dimensions servent en effet efficacement cet objectif. Le ton est donné dès l’entrée par la porte principale, massive et magnifiquement ornée. Si les pièces elles-mêmes restent essentiellement sobres, leur nombre impressionnant et les peintures qui ornent leurs paravents traduisent la puissance et la richesse des anciens maîtres des lieux. J’ai particulièrement apprécié de pouvoir entendre un authentique « plancher rossignol« , antique système d’alarme qui annonce l’approche de quiconque s’avance sur le plancher, trahi par le crissement effectivement très sonore -et impossible à éviter totalement- des lattes de bois. Les jardins, très vastes et bien entretenus, auraient sans doute mérité que nous leur accordions davantage de temps, mais pressés par le temps nous n’y avons effectué qu’un tour relativement rapide.

Le jardin du Tenju-an

C’est ensuite au Nanzen-ji*** que nous avons poursuivi nos pérégrinations, visitant le Hojo, temple principal dans lequel il est possible de déguster un thé assis dans une pièce donnant sur le petit jardin et sa cascade -ce que nous avons hésité puis renoncé à faire, deux minutes avant que ne débarque une foule d’une trentaine de touristes… un choix judicieux, donc ! Au centre du domaine se trouve la massive porte San-Mon – il faut que je précise pour ceux de nos lecteurs qui n’en ont jamais vu que dans les temples bouddhistes, les « portes » ne sont pas une ouverture qu’il faut traverser pour passer de l’autre côté d’une enceinte : il n’y a en fait pas d’enceinte, et la porte est simplement posée là, seule, et la traverser n’est donc pas une nécessité pour aller de l’autre côté, c’est un passage volontaire et une étape spirituelle pour les croyants. La San-Mon du Nanzen-ji est notablement massive, et elle constitue en fait un bâtiment en elle-même, à l’étage duquel il est possible de monter pour avoir une vue sur la ville (ce que nous n’aurons pas fait, pour le coup). A la place, nous allons visiter le mignon jardin d’un autre temple du domaine, le Tenju-an***, en restauration au moment de notre passage, pour voir notamment les carpes qui occupent son étang… et il faut bien se rendre à l’évidence : à part pour leurs couleurs vives, les carpes, c’est quand même assez moche !

L’oku-no-in du Nanzen-ji, temple désolé

Nous nous éloignons alors un peu du cœur du domaine pour partir en quête d’un temple isolé, qu’on rejoint en suivant un petit chemin qui monte assez durement dans le sous-bois et que la quasi-totalité des visiteurs ignore donc, l’Oku-no-in***. L’endroit n’est pas vraiment beau ; personnellement dans la lumière déclinante du temps pluvieux je le même un peu inquiétant avec son air de site abandonné -peut-être hanté ? Un chemin en part, qui permet de poursuivre la promenade ; pour notre part, pris pour cibles par les moustiques nous nous en tenons là, et il est possible que nous ayons manqué une part plus romantique de ce temple désolé.
C’est sous une pluie fine intermittente que nous prenons alors le chemin du retour, à pied le long du Tetsugaku-no-Michi (ou Promenade du Philosophe)****, un charmant sentier pavé et planté de nombreux arbres à fleurs qui longe un petit canal. Alors que cette légère pluie aurait pu nous gâcher la promenade, elle nous a en fait débarrassé des autres marcheurs et nous avons donc pu apprécier pleinement cette balade bucolique, ne croisant que quelques amoureux forcenés, décidés à profiter du cadre malgré tout, et de très rares promeneurs. Entre les jolies maisonnettes relativement cossues qui bordent le chemin, nous sommes aussi tombés sur ce qui devait être un neko café (bar à chats), qui abritait sur sa devanture une petite douzaine de chats adorables, installés dans une sorte d’ancienne carriole suspendue. Une balade décidément charmante, dont le romantisme aura été souligné par les conditions heureuses dans lesquelles nous avons pu l’effectuer.

La nuit tombant, nous rejoignons finalement la civilisation pour tenter de trouver un endroit où diner. Notre choix se porte sur Grotto, un restaurant conseillé par le Lonely Planet, mais que nous ne trouverons jamais (je vous ai déjà dit qu’on a aaaaaaadoré les cartes du Lonely Planet ?). Plutôt que de nous rabattre sur notre second choix, nous décidons au feeling de diner dans un 3e restaurant croisé sur le chemin, un endroit assez improbable à la décoration hésitant entre le boui-boui et le bobo, où un couple de quadras à l’attitude et au look « alternatifs » sert une nourriture à la fois familiale et pas si banale, cuisinée dans des casseroles qu’on imagine être celles qu’eux-mêmes utilisent pour leurs propres repas. Un chanteur qui sonne comme un Tom Waits japonais, accompagné d’un accordéon et de cuivres, passe en fond sonore. Comme la veille et bien que le cadre intimiste invite plutôt à sa poser pour apprécier ce moment hors du temps, un client arrivé après nous dine en 10mn avant de disparaître, nous prouvant une fois encore que les japonais ne semblent décidément pas adeptes du slow-food…
C’est sur cet agréable repas et après un retour en bus de nuit sans histoire que se termine notre deuxième riche et heureuse journée à Kyoto.

(4e partie à venir)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *