L’Assassin Royal – Livres 2 & 3 (Robin Hobb)
La trilogie originale de L’Assassin Royal de Robin Hobb (dont j’avais entendu dire du bien par tous ceux qui l’avaient lue) augurait du meilleur avec le premier tome, L’apprenti assassin (dont j’ai fait l’article ici, pour mémoire).
Le tome suivant, The Royal Assassin en anglais, a fait l’objet d’un redécoupage (comme le reste de la série par ailleurs) et se décompose en français en deux volumes distincts, L’assassin du Roi et La nef du crépuscule. Déjà, autant je peux comprendre le redécoupage d’un pavé comme ceux qui composent la saga du Trône de Fer de George R.R. Martin par exemple (12 tomes en français au lieu de 4 en anglais) parce que ça peut faciliter la lecture et parce que du point de vue de l’éditeur ça peut favoriser l’approche du lecteur (que des bouquins de plus de 1000 pages pourraient rebuter); autant dans le cas de ces deux volumes de L’Assassin Royal, je n’y vois qu’une astuce financière pour vendre deux livres au lieu d’un : le livre 2 est écrit plus gros, et se finit de façon parfaitement arbitraire plutôt que sur la conclusion d’une première intrigue ou un gros cliffhanger. Ça sent donc le découpage artificiel et injustifié, donc le foutage de la gueule du lecteur, ce qui ne fait jamais plaisir (même si on n’a pas payé le bouquin supplémentaire, comme c’est le cas pour moi). Ce commentaire ne vise bien sûr que l’édition française et pas le roman ou son auteur, qui n’ont a priori rien à voir avec ce bricolage.
Revenons donc à l’essentiel : l’histoire. Le premier tome se concluait par une demi-victoire pour Fitz, le héros, bâtard d’un prince et entré au service secret de son royal aïeul en tant qu’assassin. L’Assassin Royal (je parlerai donc de ces deux livres comme d’un seul, suivant le découpage original) voit Fitz traverser l’adolescence comme des années plutôt dorées (il gagne en compétence dans les domaines de l’assassinat, de la maîtrise de l’Art et aussi du Vif, devient un jeune homme physiquement puissant), et subit l’influence de ses hormones (qui lui font prendre des décisions que le lecteur condamne comme stupides, le barde d’obsessions sentimentales assez lourdes mais logiques considérant son âge).
Pendant ce temps, la situation des Six-Duchés se détériore : la condition physique et mentale du Roi Subtil semble le rendre impotent, laissant le champ libre au prince Royal pour faire main basse sur le pouvoir tandis que le prince-servant Vérité se sacrifie littéralement pour tenter de sauver le royaume. Car les Pirates rouges continuent de sévir sur les côtes, ravageant les villages et transformant leurs prisonniers en quasi-zombies qui iront à leur tour dévaster les parages.
Cette suite est une déception à plusieurs titres : d’une part, l »assassin » n’y effectue strictement aucun assassinat. Personnellement, je ne me suis pas intéressé à la saga pour son thème mais j’imagine que ceux dont c’est le cas pourraient se sentir floués. J’avais quand même été assez emballé par l’empoisonnement de l’intrigante qui voulait devenir duchesse à la place du duc dans le premier bouquin (même si ça tenait sur 5 pages), et la situation qui concluait le tome laissait entrevoir ce que pourrait être la suite de la série. Malheureusement, dans L’assassin royal, les missions pour lesquelles Fitz est employé (tuer des forgisés en leur faisant avaler de la nourriture empoisonnée) paraissent ridicules : pourquoi recourir à ce moyen (plutôt qu’aux armes) ? Pourquoi recourir à lui pour faire ce travail (à coup de trois forgisés empoisonnés par semaine dans les bonnes semaines, il va falloir être patient…) ? Pourquoi cela semble-t-il poser de tels cas de conscience aux héros de tuer aujourd’hui les dangereux forgisés cannibales et sans âme sous prétexte qu’ils ont été des gens normaux avant d’être capturés par les Pirates ?
D’autre part, je ne trouve pas du tout-du tout intéressante la relation homme-loup qui se tisse, la tentation de devenir un animal et tout. Je trouvais déjà ça inintéressant dans le Trône de Fer, je n’y vois pas plus d’intérêt là. Pire, à la différence de TdF, le loup de l’Assassin se retrouve à taper la discute comme s’il était un humain et je trouve ça hyper bancal, même si je reconnais que ce serait encore plus imbuvable s’il parlait un langage primitif… ce qui ne veut pas dire que l’option retenue est meilleure ! ça veut juste dire qu’il ne fallait pas le faire du tout, en fait. C’est d’ailleurs (avec le fait que tout le monde s’accorde à dire que la série devient de moins en moins bonne au fur et à mesure des tomes) ce qui me garantit à peu près à coup sûr que je ne lirai pas la deuxième trilogie : son titre anglais (The Tawny Man – qu’on pourrait traduire par « l’homme fauve ») laisse supposer une histoire encore plus axée sur cet aspect du personnage, et ça me coupe l’envie d’avance.
Bref : il y a de grosses déceptions dans cette suite du prometteur L’apprenti-assassin. Et pourtant !… et pourtant, c’est toujours agréablement écrit, les personnages secondaires sont toujours aussi intéressants -on y gagne même une nouvelle héroïne sympathique avec la reine-servante Kettricken-, l’évolution du personnage principal est dépeinte avec subtilité, et les situations et les événements qui surviennent tiennent toujours globalement le lecteur en haleine, notamment le remarquable complot orchestré par Royal et ses sbires : l’injustice de leur réussite donne envie au lecteur de lire la suite pour enfin voir les gentils leur rendre la monnaie de leur pièce ! Résultat : même si je regrette que tout ne soit pas toujours du niveau des meilleurs passages, ces quelques bonnes scènes et ces personnages continuent de me faire apprécier la série à ce stade, et je continue de lire page après page en regrettant d’avoir à dormir, sortir du métro, ou quitter ma pause-déjeuner. C’est plutôt bon quand même, donc !
Par rapport à tes craintes sur le rapport avec le loup, heu… Oui et non :-) Tente toujours.