Les aventures de Dunk et L’Oeuf (George R.R. Martin)

La couverture de la version BD du Chevalier Errant

J’avais entendu parler des Aventures de Dunk & L’Oeuf il y a déjà plusieurs années, dans le (long) intervalle qui a séparé la publication de Un Festin pour les Corbeaux et Danse avec les Dragons, respectivement 4e et 5e tomes de la saga A Song of Ice and Fire, connue ici comme la saga du Trône de Fer. Également écrites par George R.R. Martin, ces nouvelles d’une centaine de pages chacune racontent les aventures d’un jeune chevalier errant, Dunk (diminutif de Duncan) et de son écuyer, Egg (L’Oeuf, en français).

A l’époque, déjà légèrement échaudé par le concept d’Un Festin pour les Corbeaux (qui décentrait l’action de la saga pour présenter toute une flopée de nouveaux personnages et décrire une partie encore relativement inexplorée du monde de Martin (les Iles de Fer et la principauté de Dorne)), je n’avais pas particulièrement été attiré par l’idée de suivre encore de nouveaux personnages mineurs, alors que ce que j’attendais (comme la foule avide des fans de la saga), était la suite de la destinée de Tyrion et Jaime Lannister, des Stark, de Jon Snow, de Davos,…

Bref, je savais que ces nouvelles existaient, mais je ne leur avais pas accordé d’attention.

 

Des circonstances personnelles me donnant davantage l’occasion de lire dans les transports depuis quelques temps (gros bonheur), et des amis m’ayant offert une liseuse (qui facilite franchement la lecture dans ces conditions), j’ai décidé d’arrêter de bouder, et de jeter quand même un œil à ces histoires, pour voir ce qu’elles valaient.

Hé bien, figurez-vous que j’ai été très agréablement surpris ! Bien que l’histoire, relativement courte à chaque fois, se déroule d’un seul bloc, j’ai retrouvé le plaisir de la découverte des trois premiers livres de la saga, qui donnaient systématiquement envie, à la fin de chaque chapitre, de connaître la suite de l’histoire ;  ça m’a d’ailleurs permis de mettre le doigt sur la raison pour laquelle je n’ai pas aimé lire Danse avec les Dragons : à deux ou trois exception près, les chapitres se suivent en racontant des événements (plutôt mornes, si vous voulez mon avis) sans éveiller l’intérêt du lecteur sur ce qui va arriver ensuite.

Dans les nouvelles de Dunk et L’Oeuf au contraire, il y a une intrigue forte à chaque fois, avec un véritable enjeu (le format de l’histoire courte y aide sans doute), du mystère, des tragédies,… Chaque histoire est vraiment intéressante.

Paradoxalement, c’est peut-être la force de ces intrigues qui fait que Martin expédie un peu trop rapidement à mon goût la fin de ses nouvelles : une fois que le nœud principal est dénoué, l’auteur n’encombre pas son histoire d’épilogues sur ce qui se passe ensuite. Personnellement, j’aurais bien lu quelques pages de plus à chaque fois pour donner davantage de corps au dénouement et quitter nos héros en prenant le temps de leur dire au revoir.

 

Les aventures de Dunk et L’Oeuf se déroulent une centaine d’années avant les événements du Trône de Fer, à l’époque où les Targaryens sont encore les souverains incontestés des 7 Couronnes. On y retrouve les noms des familles de la saga principale, on y aperçoit des héros dont la renommée a traversé les époques et qui étaient évoqués comme des figures mythiques dans le Trône de Fer. C’est un plaisir de connaisseur, que tous les lecteurs ne goûteront pas, mais qui donne de façon subtile et agréable davantage de densité au background de la saga.

C’est aussi l’occasion de présenter un contexte historique très intéressant, l’époque du récit se situant une quinzaine d’années après que le roi Aerys l’Indigne ait remis l’épée ancestrale de la famille à son bâtard Daemon plutôt qu’à son héritier légitime, Daeron, entraînant une guerre de sécession dans le Royaume entre les partisans du prince Feunoir et ceux du prince Targaryen…. guerre remportée par les Targaryen, donc, mais qui a laissé des blessures profondes et qui à l’époque du récit sont encore vivaces pour nombre de seigneurs et de chevaliers.

 

Sont déjà parus Le chevalier errant, L’épée lige, et -uniquement en VO pour l’instant- The Mystery Knight, soit 3 volets sur les 6 à 12 que prévoit d’écrire Martin (le prochain à paraître sera The She-Wolves of Winterfell, qui verra nos héros atteindre le Nord et le fameux domaine des Stark).

Le premier livre décrit les premiers pas de Dunk en tant que chevalier errant suite à la mort du vieux chevalier qui l’avait pris pour écuyer, et sa rencontre avec un enfant chauve, L’Oeuf, qui lui propose de devenir le sien (d’écuyer) pour pouvoir l’accompagner au tournoi du château voisin, qui doit voir s’affronter des figures majeures du Royaume. Alors que les joutes se déroulent en toile de fond, l’humble chevalier errant Duncan va devenir le déclencheur d’une série d’événements tragiques, à une échelle insoupçonnée. Le dernier tiers de l’histoire, qui rappelle le prix de l’adhésion aux valeurs de la chevalerie dans un univers réaliste et sans pitié où être honorable est davantage une faiblesse qu’une force, est tout particulièrement prenant.

 

Le poids du système féodal et l’honneur du chevalier sont une nouvelle fois des éléments centraux dans L’épée-lige, qui nous fait retrouver Ser Duncan et son écuyer, entrés au service d’un vieux seigneur presque totalement dépouillé de ses pouvoirs et menacé par une inquiétante seigneurie voisine, dont la châtelaine visiblement cruelle et dépourvue de scrupules semble déterminée à le rayer définitivement de la carte. Cette fois encore, la noblesse d’âme de Dunk lui vaudra bien des problèmes, mais également l’estime de personnages clés -c’est le côté positif quand on est un type honorable : les gens ont tendance à considérer que vous êtes quelqu’un de fiable ! Cette histoire illustre de façon assez intéressante la question des apparences et des points de vue, et la façon dont ils altèrent la perception que l’on peut avoir des faits, un thème que j’aime particulièrement.

 

Enfin, dans The Mystery Knight, Dunk et Egg, de nouveau sur les routes, s’invitent un peu par la force des choses aux festivités d’un mariage dont les plus nobles convives semblent partager un secret dont eux, sont tenus à l’écart… Même si on devine assez vite qui peut être le fameux « chevalier mystérieux » (le Mystery Knight du titre) qui semble promis à remporter le tournoi donné en l’honneur des mariés, les indices et les révélations disséminées par Martin tout au long de l’histoire maintiennent une atmosphère de mystère et un rythme captivants.

 

L’une des autres forces du Trône de Fer est la qualité de ses personnages, et Martin parvient ici aussi à glisser des personnages secondaires forts et intéressants. Quant aux personnages principaux, Dunk, chevalier errant issu des bas-fonds mais qui a, lui (à la différence de la majorité des autres chevaliers), véritablement le sens de l’honneur, et son jeune écuyer frondeur et perspicace, forment un duo efficace et attachant qui a rejoint dans mon cœur le petit cercle des personnages dont j’attends la suite des aventures… car pour ceux qui comme moi croyaient que ces aventures, présentées comme un prélude au Trône de Fer, avaient été écrites également avant la saga principale, détrompez-vous : GRR les publie en fait en parallèle des autres livres (en plus de ses autres projets : tu m’étonnes qu’il ne publie qu’un tome du Trône de fer tous les 6 ans…). Il reste donc encore toute une série d’histoires à découvrir jusqu’à ce qui sera probablement la conclusion : les événements tragiques de Lestival, dont les lecteurs attentifs du Trône de Fer se souviendront d’avoir entendu parler occasionnellement dans la saga principale.

 

Pour conclure, les aventures de Dunk et l’Oeuf forment un très bon cycle, dont je recommande la lecture à tous ceux qui ont déjà lu tout ce qui est disponible de la saga principale, à tous ceux qui n’ont regardé que la série mais n’ont pas le courage du coup de lire ce qu’ils ont déjà vu à l’écran, et aussi à ceux qui n’ont encore rien lu ni vu de l’œuvre de George Martin et qui préfèreraient commencer par des histoires courtes, plus accessibles que les énormes tomes du Trône de Fer pour la découvrir. Ces nouvelles m’ont réconcilié avec GRR, après la déception croissante d’Un Festin pour les Corbeaux puis Danse avec les Dragons : le maître n’a pas perdu son talent pour créer des histoires et des personnages passionnants !

3 réflexions sur “ Les aventures de Dunk et L’Oeuf (George R.R. Martin) ”

  1. Stoeffler sur

    Tiens, je n’avais aucune idee que notre ami R.R, Matin avait ecrit des nouvelles avec un personnage recurrent.
    Ton article me donne definitivement envie de les lire, sachant que les recits s’inscrivent dans l’histoire de Westeros.

    Tu sais si une anthologie regroupe les textes deja publies?

  2. Akodostef sur

    @ Stoeff : en français, il y a l’édition Pygmalion qui reprend les deux nouvelles traduites, du coup je me dis qu’il doit y avoir un équivalent en anglais… mais une recherche rapide sur le Net ne m’a pas permis de trouver ce recueil s’il existe.

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