In the air (Jason Reitman, 2009)

Ryan Bingham est un homme qui voyage beaucoup : il passe plus de 300 jours par an en déplacements pour son travail, aux quatre coins des Etats-Unis. Et son travail, c’est d’annoncer aux autres qu’ils ont perdu le leur : engagé par des responsables des ressources humaines qui n’ont pas le cran d’annoncer eux-mêmes à leurs employés qu’ils les virent, il a la charge ingrate d’affronter les yeux dans les yeux des hommes et des femmes qui voient un inconnu leur annoncer qu’ils perdent ce qui constituait l’une des choses les plus importantes de leur existence.

Autant dire qu’entre son déracinement permanent et l’endurcissement qu’exige son travail, Ryan n’est pas un homme de sentiments et qu’il n’a guère d’attaches. Il fait même des conférences là-dessus : comment se débarrasser de tout ce qui pèse sur nos vies pour les optimiser. Car l’optimisation est une chose que Ryan fait très bien : routinier des trajets en avion et des nuits passées à l’hôtel, il maîtrise toutes les astuces pour raccourcir les files d’attente et recevoir le traitement privilégié réservé aux clients les plus fidèles. Et comme Ryan, c’est George Clooney, il rend toute cette routine, qui pourrait paraître sinistre, assez classe et son personnage qui aurait pu n’être qu’un monstre ou un robot garde au contraire tout le charme et la chaleur de l’acteur. Première réussite de ce film, donc, la subtilité de son personnage principal (qui doit franchement beaucoup au charisme de Clooney) dont le professionnalisme inclut aussi une réelle préoccupation pour la sensibilité des employés qu’il vire, et dont on parvient à sentir de façon très fine au long du film (lorsqu’il retrouve son appartement blanc et vide, lorsqu’il raccompagne sa conquête d’un soir dans sa chambre d’hôtel et a ce petit geste prévenant de glisser sur la poignée de sa porte en la quittant le panneau « ne pas déranger »,…) qu’il a une âme et qu’elle n’est pas si laide.

Deux événements, et deux femmes, vont bouleverser l’existence de notre « héros ». D’une part, il fait la rencontre un soir de son « double avec un vagin », une femme qui comme lui passe une grande partie de l’année en déplacement pour son travail, qui n’a pas la place dans son quotidien pour les sentiments, mais que ça n’empêche pas d’être comme lui brillante, intelligente et sexy (je ne connaissais pas Vera Farmiga, mais elle joue le rôle à merveille avec de son côté aussi une chouette ambigüité sur son absence réelle de sentiments). D’autre part, la compagnie qui emploie Ryan décide d’intégrer les nouvelles technologies à son activité : désormais, gain de temps, donc de rentabilité, les annonces de licenciement se feront par webcam interposée, sans que les VRP aient à se déplacer physiquement. La nouvelle met Ryan hors de lui pour plusieurs raisons : du point de vue professionnel, il juge –a priori à juste titre- que la tâche qu’il a à accomplir nécessite ce minimum d’humanité qu’assure la présence physique d’un interlocuteur expérimenté pour « guider » un tant soit peu les salariés lors de cette épreuve qui les laisse complètement déboussolés ; du point de vue personnel, et sans qu’il se l’avoue jamais dans le film, ce changement de politique va radicalement transformer son rythme de vie, et lui qui passe ses journées à répéter aux salariés licenciés que les changements sont une opportunité de faire vraiment quelque chose de leur vie, encaisse en vérité aussi mal qu’eux cette soudaine perte de repères, et l’abandon des idéaux (aussi dérisoires soient-ils : pour Ryan ç’aurait été d’atteindre la somme folle de 10.000.000 de miles, que seulement 6 personnes avant lui ont jamais atteinte et qui donne droit à avoir son nom peint sur un avion… et à rencontrer en privé le capitaine de l’avion !) auquel il se trouve contraint.

A l’écoute de son meilleur VRP, le boss de Ryan décide de l’envoyer à nouveau dans les airs, mais cette fois avec la jeune archi-diplômée responsable du projet « licenciement par webcam », pour qu’il lui fasse comprendre la réalité du métier et qu’elle ajuste le projet en conséquence. Le film devient alors une sorte de parcours initiatique au cours duquel la jeune femme va découvrir concrètement avec nous ce qu’implique le métier et le mode de vie de Ryan, ponctué de discussions légères mais intéressantes sur les attentes des personnages, leur morale et leur vision de la vie alors que les relations entre Ryan et Alex (son double féminin) deviennent plus profondes et qu’ils sont amenés à passer un peu plus de temps ensemble sur la route.

C’est au final un film relativement mineur mais très agréable à regarder, qui vaut beaucoup par la personnalité et le charisme d’un Clooney parfait pour le rôle (il se dit qu’il aurait mis beaucoup de lui-même dans le background du personnage), mais aussi par son atmosphère générale, élégante et moderne, désenchantée mais pas sans espoir. Jason Reitman (fils d’Ivan Reitman, l’homme à qui l’on doit l’immortel Ghostbusters… et Un flic à la maternelle !) avait déjà réalisé le sympathique Thank you for smoking avec un héros complètement cynique très original, et Juno (que je n’ai pas vu mais dont je n’ai pas encore entendu dire de mal) : il réussit là encore à produire un film intéressant, amusant et pas banal, malin et émouvant dans sa chute qui échappe à la ligne téléphonée de la rédemption du personnage -je ne vous la gâcherai pas comme on me l’a gâchée en me la révélant avant que j’aille voir le film (merci p… de critique de Télérama :[  ).

Un film plaisant, à voir, même si pas forcément au cinéma (ça tombe bien, vu le rythme auquel j’écris, le voir dans une salle ne doit pratiquement plus être possible…).

A noter : un site officiel très soigné et assez sympa

5 réflexions sur “ In the air (Jason Reitman, 2009) ”

  1. Jika sur

    On a bien aimé le film nous aussi :)
    Moi, j’avais été un peu surpris parce que j’avais cru comprendre que c’était une comédie, et dès le début, le ton est donné : si humour il y a, il sera aussi noir que des chaussures cirées.
    Et puis pendant le film, j’ai été agréablement surpris des deux duos : on sort des clichés (le jeune et le vieux, la femme effarouchée et le vieux baroudeur, le gentil et le méchant, etc). Et effectivement, on a trouvé l’actrice qui jouait la business-woman tout à fait convaincante (et même « trop élégante », parait-il – ça ne se voit pas sur la photo ^^).
    J’étais quasi-certain que ça arriverait, et j’ai été bien content que ce ne soit pas le cas : Clooney n’est pas viré dans le film !

    Bref, un bon moment, mais pas non plus le meilleur cru 2010 (on l’espère ^^).

  2. Stoeffler sur

    Itou, j’ai bcp aime le film, parce que les personnages sont credibles, attachants et que le ton est tres juste.
    L’humour comme l’a souligne Jika est assez noir, mais je trouve que cela convient parfaitement au film.
    A noter les tres bonnes prestations de G.Clooney (de plus en plus de respect pour lui) et Vera machin, pas trop elegante et assez sexy pour ses 48ans… ;o)

    A voir aussi Juno pour ceux qui ne l’ont pas fait, un bon film avec de bons acteurs et notamment Ellen Page qui est tres bien et que j’avais vu dans Hard Candy, un excellent film a voir egalement mais ne pas lire l’histoire, car cela gache bcp du film!

  3. Vu! Et oui, ça fera plaisir à Stéphane, car dorénavant, élise et moi checkons si les films qu’ont veux voir ont déjà été critiqués sur memesprit! On en revient aux mêmes conclusions si ce n’est que j’ai plus de difficultés à excuser le film d’être seulement moyen quand toutes les clés du succès étaient réunies (thème, histoire et casting…). Bref, un gentil 12/20 de mon côté.

  4. Ah, on m’informe à l’instant que passer de l’autre côté de l’Atlantique peut avoir des effets néfastes sur l’orthographe…

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