[La Chanson de la semaine] She’s Lost Control (Joy Division)
Je l’avoue d’emblée, cet article n’a pas tourné comme je l’avais prévu. Je comptais vous parler de l’un de mes groupes fétiches, Girls Against Boys, et de leur version du titre de Joy Division, She’s Lost Control. Seulement, il y avait déjà tellement de choses à présenter pour ceux qui ne connaîtraient pas le groupe, et tellement d’anecdotes sympathiques pour ceux qui connaissent déjà ce morceau, que mon article aurait été indigeste ; j’ai donc finalement opté pour la solution raisonnable en consacrant l’article au titre original, et je me contenterai de vous parler de la reprise par Girls Vs Boys en fin de billet.
Jib avait déjà commencé (mais tout juste commencé, hélas : on attend toujours la suite de ta série « C’était mieux avant », mec !) à nous parler de Joy Division sur Même Esprit. Le groupe, né en Angleterre à la fin des années 70, a trouvé une fin abrupte en mai 1980 soit un an après avoir publié leur premier album, et à la veille d’une tournée aux Etats-Unis qui leur promettait une gloire qui ne fut que posthume. Au même titre que la qualité et l’originalité de sa musique, cette trajectoire éclair et la mort frappante de son chanteur, ont néanmoins permis au groupe de devenir l’une des références marquantes de l’Histoire du rock. Quant à Ian Curtis, dépressif, atteint d’une épilepsie qui commençait à lui valoir des crises en plein concert et finalement suicidé par pendaison, il est naturellement devenu une icône du rock, et du genre musical dans lequel s’illustrait Joy Division en particulier.
On catégorise généralement le groupe sous l’étiquette « post-punk« , un mouvement musical apparu à la suite de l’explosion du genre « punk » dans les années 70, mais qui n’a en réalité à peu près rien à voir avec le punk du point de vue musical, sinon dans sa philosophie d’ouverture du rock vers de nouveaux horizons. Passerelle « underground » entre le rock traditionnel et tout un pan du rock alternatif (du gothique à l‘indus), le post-punk (dont on pourrait citer comme autres figures emblématiques des groupes comme Wire, Killing Joke, ou même U2 ou The Cure (mais on parle là des tous premiers albums, hein !)) introduit l’électronique dans le rock, les effets de répétition, accorde une place prépondérante à la basse et s’autorise dans ses morceaux des expérimentations sonores là où jusque là les groupes de rock se contentaient de jouer de leurs instruments « traditionnels ».
She’s Lost Control (qui pour ceux que ça peut intéresser (maman ?) est l’un des premiers morceaux sur lesquels j’ai appris à jouer de la basse), reprend bien ces différents ingrédients pour composer une musique introspective, hypnotisante et angoissante, bien que toujours animée d’une énergie indubitablement rock, avec un son (notamment en ce qui concerne les percussions) très distinctif. Le chant, porté par la voix de baryton-basse d’Ian Curtis avec des échos distordus qui viennent la hanter, évoque un personnage féminin sujet à des pertes de contrôle qu’on croit pouvoir attribuer à l’épilepsie (mais qui pourrait aussi bien être tout autre dérangement mental pour autant qu’on peut en juger dans l’absolu). Les paroles (et leur traduction maison) sont retranscrites juste après cette vidéo :
Les paroles originales :
La traduction :
Bonus :
Pour les fans et pour les curieux, j’ai trouvé plusieurs choses intéressantes en préparant cet article. Il y a d’une part eu plusieurs versions officielles de She’s Lost Control : celle que j’ai posté en introduction est la première édition originale, parue sur l’album Unknown Pleasures, mais voici la version enregistrée en mars 1980 (ce qui en fait l’un des derniers enregistrements du groupe), et publiée après la mort de Ian Curtis (en mai 1980) sur un single en face B d’Atmosphere. Plus électronique, elle comporte aussi notamment une strophe finale supplémentaire.
La prise live ci-dessous témoigne quant à elle de la façon dont le groupe la jouait sur scène : plus rapide, plus agressive, elle est aussi rendue plus impressionnante par la performance personnelle d’Ian Curtis, rugissant sur les refrains et dont le regard perdu et la danse bizarre font écho à l’épilepsie évoquée dans le titre.
La dernière vidéo de Joy Division que je vous soumets est tirée de l’honorable Control d’Anton Corbijn, film paru en 2007 qui retrace le parcours chaotique d’Ian Curtis. Elle est notamment intéressante par ce détail (authentique) qu’elle révèle concernant l’enregistrement du morceau, avec cette bombe aérosol qui devient un véritable instrument, et signe (entre autres) le son très particulier de l’intro de She’s Lost Control.
Et pour finir, comme promis en préambule, je vous propose cette reprise du titre de Joy Division, par les New-Yorkais de Girls Against Boys. She’s Lost Control a fait l’objet de très nombreuses reprises, mais celle-ci a la qualité supplémentaire à mes yeux qu’elle possède à la fois l’identité sonore du morceau original (que j’adore), et celle du groupe qui la reprend (que j’adore), avec un son du coup plus lourd (la formation de Girls Against Boys comporte une guitare, une batterie et deux basses), plus « sale ». Quant à la voix unique de Scott McCloud, elle prend la relève sans rougir, quoique dans un registre très différent, de celle non moins unique de Ian Curtis.
Pour ceux qui l’ont appréciée, cette reprise est parue sur l’album officiel de reprises A Means To An End. Et pour ceux qui découvrent avec ce morceau le groupe Girls Against Boys et qui aimeraient en entendre davantage, je reviendrai du coup vous parler d’eux, et rien que d’eux, dans un prochain article… le plus dur restant de trouver LA chanson que je choisirai pour vous parler de ce groupe extraordinaire !