L’épouvantail (Michael Connelly, 2010)
Quand j’ai commencé à lire des bouquins, j’avais du mal à en trouver qui me plaisaient, et j’en commençais souvent que j’abandonnais en cours de route, au bout d’une centaine de pages lorsque j’étais patient (et je n’étais pas patient à l’époque).
Ce qui fait que quand je trouvais un auteur qui me plaisait, je lisais TOUT ce qu’il avait écrit : c’est ainsi que j’ai lu tous les Conan Doyle, tous les Dumas, mais également tous les Graham Masterton, tous les Dan Simmons (j’ai essayé, du moins), tous les Ed Mc Bain, les Denis Lehanne, les Tonino Benaquista, etc.
Ça m’est un peu resté, même si c’est pour d’autres raisons : entre autres, j’ai beaucoup moins le temps de lire, et donc je prends moins de risque dans mes choix d’achat.
Michael Connelly est pour moi une de ces valeurs sûres (à la différence de Dan Simmons, par exemple, qui a signé l’excellentissime Echiquier du Mal, mais qui est ensuite parti dans une autre direction (dimension ?) avec Hypérion et ses suites, et même avec un recueil de nouvelles dont j’attendais beaucoup mais qui s’est avéré sans intérêt). Bref, Connelly, pas Connolly, pond un bon gros polar par an ; un peu à la manière d’Ed Mac Bain, plusieurs personnages récurrents peuplent son univers sombre et réaliste, et dans l’Epouvantail, le lecteur suit pour la première fois la vie de Jack Mc Evoy, journaliste au Los Angeles Times, déjà rencontré à de très nombreuses reprises dans les précédents romans de Connelly, et même personnage principal du très bon « Poète ». Il croisera également la route de Rachel Walling, agent spécial du FBI, une autre habituée des lieux.
Sur fond de crise du secteur de la presse – notre héros est viré comme un malpropre dès les premiers chapitres -, le journaliste va entamer quelques vérifications sur une affaire apparemment banale : l’assassinat d’une fille blanche toxicomane aux mœurs légères par un jeune dealer noir, dans la cité où la fille se fournissait en drogue. Malgré les aveux du prétendu assassin, certains éléments troublants, ainsi que la volonté de pondre un magistral dernier article, vont pousser Mc Evoy à entamer une contre-enquête qui l’entraînera bien plus loin que prévu, et bien plus près de l’assassin qu’il ne l’aurait souhaité (brrr, cécholà !).
Certains critiques ont reproché à Connelly une perte de vitesse ces dernières années, selon lesquelles le maître aurait perdu sa muse. Il se trouve qu’effectivement, les récits des différentes aventures d’Hyeronimus Bosch (le personnage principal des romans de Connelly) sont inégaux, mais peut-on reprocher à un auteur relativement prolifique de ne pas être toujours au top ? Enfin, certaines critiques concluaient en indiquant qu’enfin, après des années de vache maigre, Connelly nous proposait un roman digne de son talent… Ha ?
J’ai bien aimé ce bouquin, mais ce n’est certainement pas celui de Connelly que je relirai en premier. Certes, il est bien écrit, l’intrigue bien ficelée, les personnages sont crédibles, et globalement, ce pavé de 500 et quelques pages ne souffre d’aucun défaut majeur.
J’ai même particulièrement apprécié retrouver Mc Evoy : d’une part, parce que cela change d’Harry Bosch car pour le coup, c’est plutôt le personnage qui s’essouffle un peu : autant j’avais dévoré ses premières enquêtes avec appétit, autant je me souviens que les derniers bouquins centrés sur lui m’avaient un peu moins plu. Sans entrer dans les détails, Bosch est un personnage complexe – sombre, désabusé mais dévoué – mais surexploité (ha, l’inévitable soirée passée dans sa maison qui surplombe la ville à siroter des whiskies en écoutant du jazz… un moment récurrent dans chacun des romans qui lui est dédié). D’autre part, j’aime bien les romans dans lesquels des personnages auxiliaires deviennent principaux, sans pour autant en faire un « Exercice de style » à la Queneau, et notamment, j’ai apprécié retrouver Mc Evoy « La fouine », considéré par Bosch comme un mal nécessaire tout au long de ses enquêtes successives. Ses difficultés de journaliste traditionnel de la presse écrite face à la concurrence du web rendent le personnage à la fois sympathique et crédible (le passé journalistique de l’auteur y est assurément pour beaucoup).
On retrouve dans « L’Epouvantail » plusieurs ingrédients du « Poète » : le tueur machiavélique et manipulateur, les difficiles relations presse-police, les nouvelles technologies et leurs dangers, etc. Ces éléments classiques du polar contemporain s’intègrent parfaitement dans la trame, mais sentent tout de même un peu le réchauffé. Ayant lu « Le Poête » il y a quelques années, ces similitudes m’ont moins dérangé que la propension des méchants à vouloir tout théâtraliser, ce qui les conduit inexorablement à leurs pertes : ils n’ont jamais lu de polar, ou quoi ?
.
.
Au final, « L’Epouvantail » est de bonne facture : assez classique dans sa construction, sans réelle surprise, cela reste un bon polar « à la Connelly », même si à mon avis un peu en deçà de quelques autres titres de l’auteur ; ce n’est pas celui que je conseillerais de prime abord à quelqu’un voulant découvrir l’auteur, mais cela reste un bon titre.
.