Rock en Seine 2023 (journée du dimanche)

Cela fait quelques années que nous n’étions plus retournés à Rock en Seine (visiblement je n’ai pas écrit d’article sur l’édition 2019 pour laquelle nous étions pourtant bien présents, je me souviens d’avoir beaucoup aimé le concert de The Cure), en partie à cause d’une certaine pandémie qui nous en a privés en 2020 et 2021, en partie parce qu’on s’est retrouvés le bec dans l’eau en 2022 avec l’annulation du concert de Rage Against the Machine, seul concert pour lequel on avait pris nos billets.
Bref, cette année on était contents d’y retourner, et on y a passé une belle journée, le dimanche 27 août, avec comme chaque fois quelques chouettes découvertes, et de bons moments passés à écouter certains groupes mieux connus.

Julie (Scène Firestone) :

Comme d’habitude, j’avais écouté les différents groupes à l’affiche de cette journée pour nous préparer un programme en sachant à peu près où on mettait les oreilles. Julie, un trio de jeunes shoegazers, avait retenu mon attention pour ce premier créneau de notre journée. Je n’avais pas beaucoup écouté leurs productions, mais je suis assez client de ce type de rock aux guitares vaporeuses saturées d’effets et je me suis dit qu’on verrait sur scène ce que ça valait. Le concert a bien commencé avec un bon premier morceau rythmé, mais ensuite j’ai trouvé que les compositions n’étaient pas forcément passionnantes, et les conditions du concert en extérieur – et au soleil – n’aidaient pas trop à adhérer à leur performance. Plutôt déçu, donc, même si certains de leurs morceaux studios me plaisent bien quand même.

Murder Capital (Scène de la Cascade) :

J’avais déjà écouté un peu ce groupe de post-punk Irlandais, parce que j’aime bien le post-punk et parce que j’avais lu plusieurs articles dithyrambiques sur eux, et j’avoue que je n’avais pas trop compris ce qu’ils avaient de si extraordinaires : je partais donc assez sceptique, mais je me suis dit que les voir sur scène serait l’occasion de découvrir un peu plus leur musique et de mieux juger leur intérêt. En l’occurrence, musicalement j’ai été plus séduit par ce que j’ai entendu là et j’ai été content d’assister à ce concert qui a changé positivement ma perception du groupe, auquel je prêterai une nouvelle oreille. Le chanteur avait une attitude de poseur que je n’aime pas trop, mais j’ai trouvé assez touchantes ses interactions avec le public, dans les premiers rangs duquel il n’hésitait pas à se fondre, quitte à se battre un peu avec les vigiles qui cherchaient à le retenir.

The Reytons (Scène Firestone) :

La première chose qui m’a sauté aux oreilles quand j’ai commençé à écouter les anglais de The Reytons, c’est la proximité de leur style avec celui du premier album des Arctic Monkeys. On peut trouver négatif qu’un groupe sonne comme un autre, mais pour ma part, si la référence est bonne et que le groupe est bon, alors c’est signe que la musique est bonne et je ne vois pas de raisons de la snober (et en définitive, c’est surtout vrai sur leur premier EP qui date de 2018 : ils semblent vouloir s’en détacher depuis – à l’instar des Arctic Monkeys eux-mêmes, qui ne jouent plus du Arctic Monkeys des débuts depuis un moment maintenant –  ce que je trouve finalement dommage). La performance sur la petite scène Firestone a confirmé que les gars jouent bien, que leur musique a bien la pêche et qu’ils savent entraîner leur public : tout le monde sautait joyeusement, c’était assez cool.

Wet Leg (Scène de la Cascade) :

Wet Leg était le groupe qui m’avait le plus accroché lorsque j’avais fait mes pré-écoutes avant le festival, avec sa musique indie pop sautillante qui m’a rappelé sur ses meilleurs titres Le Tigre ou The Ting Tings. Malheureusement, ma mémoire étant ce qu’elle est, le jour du festival j’avais oublié que j’avais vraiment eu envie de les écouter et donc je n’ai pas émis d’objection quand Marion et les potes avec qui on était venus ont proposé qu’on fasse une petite pause mangeage. Du coup, je n’ai entendu que d’une oreille lointaine la première moitié du concert, qui avait pourtant toutes les qualités que j’en attendais a priori ; lorsqu’on a rejoint la scène avec nos (bonnes) frites et notre gaufre, c’est la pluie qui s’est mise à tomber… Heureusement on avait prévu le coup et on a rapidement enfilé nos imperméables, et profité du mouvement de foule – les gens se précipitant sur les côtés pour se mettre à l’abri des arbres – pour nous rapprocher de la scène. On s’est retrouvés quand même pas mal mouillés (penser à plutôt prendre les capes de pluie la prochaine fois…), mais on a pu bien apprécier le final dont le fameux et imparable Chaise Longue qui clôturait le set. Les nanas ont l’air assez décalées (dans le genre marrantes) et ce que j’ai vu et entendu m’a bien plu : c’est un groupe que je vais continuer à suivre.

Foals (Grande Scène) :

On commence à bien connaître maintenant ce groupe qu’on a déjà vu plusieurs fois sur scène, dont j’ai tous les albums mais que je n’écoute pas souvent… Pour ce concert-ci, ils ont commencé par une série de morceaux pétillants avant une plage atmosphérique, plus emblématique de leur musique à mon sens, avant de conclure sur le dernier tiers par une brochette de leurs titres plus rythmés et puissants, qui sont ceux que je préfère chez eux. Ça m’a permis d’apprécier de plus en plus le concert à mesure de son déroulé : je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour tout leur public, mais en ce qui me concerne j’ai trouvé du coup que c’était un très bon choix, même si j’ai été un peu déçu qu’ils ne jouent pas leur premier hit Cassius. Je vous mets en illustration la vidéo de The Runner, que je découvre en rédigeant cet article et que je trouve assez chouette.

The Strokes (Grande Scène) :

J’avais toujours trouvé les Strokes surévalués, je ne comprenais pas trop ce qui leur valait d’être adorés comme ils l’ont été à une époque – au début des années 2000. Il faut dire que, comme beaucoup de groupes malheureusement, la qualité de leur musique a pas mal chuté à mesure de la sortie de leurs albums, avec un premier album excellent (Is This It ?), un bon deuxième (Room on Fire), le troisième (First Impressions of Earth) OK, et ensuite à peu près plus rien d’intéressant : ça encourage pas mal le fait de les oublier progressivement, puis complètement. Du coup, on avait pris nos billets pour Rock en Seine en choisissant cette journée en partie parce qu’ils étaient à l’affiche mais en tout cas en ce qui me concerne, sans être particulièrement excité à l’idée de les voir non plus. En apprenant que c’étaient eux qui clôturaient le festival – ce qui impliquait que le concert serait de 22h à 23h30, avec une heure sans concert intéressant à écouter entre la fin des Foals et celui-ci – je me proposais même de le zapper, c’est dire.

Au final, je suis très content d’y avoir assisté, même si ça restera sans doute un des concerts les plus lunaires auxquels j’aurai assisté dans ma vie.
Content, parce qu’ils ont joué presque exclusivement des titres des premiers albums et que ça m’a permis de redécouvrir pourquoi on les avait aimés (et je les réécoute beaucoup depuis), qu’ils jouaient bien et qu’entendre la voix de Julian Casablancas en direct m’a fait réaliser en quoi elle est effectivement unique, et si importante dans l’identité du groupe : pour avoir eu l’occasion de chanter des titres des Strokes, je ne trouve pas sa partition particulièrement difficile, mais la gravité de son timbre et la façon dont il déchire nonchalamment sa voix tout en restant parfaitement mélodique est remarquable, j’ai vraiment aimé.

En revanche, le concert a été plombé par trois choses : d’une part, le son n’était pas assez fort. Le son est rarement très bon sur la Grande Scène de Rock en Seine, à cause de la taille de la scène et de la distance qui peut nous en éloigner, mais pour une fois le son était correct – juste, pas suffisamment fort, ce qui est dommage pour un concert rock.
Ensuite, sur le dernier tiers du set, on a aussi eu droit à des problèmes techniques, avec le micro du chanteur notamment qui crachait ponctuellement et même à un moment une demi-seconde pendant laquelle il n’y a plus eu de son du tout… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais c’était la première fois que je voyais ça dans un concert pro.
Enfin, je ne connaissais le groupe que par ses albums et je ne sais donc pas si Casablancas a toujours été comme ça (à lire leur page Wikipedia, on voit qu’il a quand même l’air d’être assez pénible) mais son animation de la scène était assez dérangeante : il a commencé par un truc un peu rigolo sur la langue française, avec deux-trois mots en français sans accent, mais qui a fini en vrille lorsqu’il s’est mis à reprocher au bassiste de ne pas vouloir parler en français, puis chanter une chanson en français, en prétendant qu’il était français… Un peu plus tard, c’est au batteur qu’il s’en est pris, lui reprochant de ne pas avoir débuté au bon moment dans une chanson, se lançant dans une séquence embarrassante sur le fait qu’il avait fait une « douche de silence » (« shower of silence« ) – une expression qui deviendra peut-être un mème puisque j’ai déjà vu passer quelques reprises ironiques depuis sur le Net. Après avoir humilié ses musiciens, lancé quelques improvisations bancales entre deux morceaux, à un quart d’heure de la fin Casablancas a commencé à évoquer le fait que c’était bientôt la fin du concert, avec le ton de celui qui trouve que c’est bien que ça finisse, et qui se demande comment il va meubler d’ici là (il a demandé aux autres ce qu’ils allaient jouer ensuite comme s’ils avaient fini la playlist prévue, alors qu’ils avaient manifestement encore plusieurs titres programmés puisqu’ils ont continué à jouer de façon carrée et concertée.
Au final, le concert a fini plus tôt que l’heure prévue (alors qu’ils avaient commencé avec 5 minutes de retard), et toute velléité de rappel a été rapidement avortée avec le rallumage des lumières et une petite musique de fond tandis que les techniciens montaient sur scène pour remballer, alors que le public en voulait clairement plus… Je ne crois pas avoir jamais vu ça avant !

On avait pourtant eu un indice annonciateur de ce qui allait suivre avec le choix du premier morceau du concert – Whatever Happened –  qui commence par ces paroles :
« I wanna be forgotten / And I don’t wanna be reminded / You say « please don’t make this harder » / No, I won’t yet »
(« Je veux être oublié / je ne veux pas qu’on se souvienne de moi / vous dites « ne rends pas ça plus compliqué » / non, je ne le ferai pas »).
Même si j’ai trouvé ce comportement assez hallucinant, je suis moins outré ou surpris que pas mal de gens dont j’ai lu les réactions depuis : je trouve l’attitude finalement très cohérente avec la nonchalance affichée de Casablancas, qu’on entend dans sa façon de chanter, et qui fait partie intégrante de l’image du groupe. Ce qu’on a appris ce soir-là, c’est que cette nonchalance n’est pas qu’affichée, elle est également incarnée, ce qui est plutôt une bonne chose à mon sens dans l’esprit : ce n’est pas qu’une posture, ce n’est pas du marketing, c’est vraiment ce qu’il est, et c’est entre autres ce qui en fait un authentique artiste rock.
Ce qui crée la friction ici, ce n’est donc pas la nature de l’artiste, qui est réellement ce qu’il prétend être et qui fait – entre autres – qu’il séduit, mais plutôt la contradiction entre les attentes du public (auquel je m’associe, ce n’est pas un jugement) qui aiment The Strokes pour leur côté rock « pur », à l’ancienne, mais qui attendaient une performance calibrée, propre, pro.Il y a des groupes qui arrivent à faire les deux, mais quelque part personnellement ça ne me choque pas que l’un rende l’autre impossible, par principe…

Pour qu’on se rappelle malgré tout pourquoi The Strokes c’est quand même vraiment bien, je vous mets en illustration You Only Live Once, dont je découvre là encore la vidéo en rédigeant cet article, et que je trouve aussi très chouette.

 

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