Procrastination (Terry Pratchett, 2002)

Règle N°1 : ne pas agir sans réfléchir face à un petit vieux chauve qui sourit.

On va finir par pouvoir trouver sur ce blog la critique de tous les romans de Terry Pratchett si on continue comme ça (d’autant que j’ai oublié pour l’instant d’écrire un billet sur Carpe Jugulum et Jeux de nains, dont je m’occuperai plus tard (ceux qui savent ce qu’est la procrastination apprécieront l’ironie de cette promesse ;) )), mais fidèle à la ligne que je me suis fixé, je publie quand même cet article qui me permettra de me souvenir de ce que j’ai lu une fois que je serai passé à autre chose.

Une première qualité de ce 27e tome (qui peut se lire, rappelons-le, complètement indépendamment des 26 précédents) des Annales du Disque-Monde : le titre de sa version française ! Confirmant la qualité des traductions assurées depuis le premier tome par Patrick Couton, ce titre français surclasse l’original en anglais (Thief of time). Naturellement, « procrastination » est un terme qui existe vraiment (et qui désigne (le saviez-vous ? ;p ) la pathologie universellement répandue qui consiste à remettre systématiquement les choses à plus tard), mais il est tellement peu utilisé, est si compliqué, et désigne une chose qui n’a tellement pas besoin de porter un nom, qu’il en devient rigolo. Si j’ai bonne mémoire, ce titre est en tous cas l’argument qui l’a fait acheter à Vorti ! ^_^

Pour ceux qui envisageraient de lire davantage que le titre, je vous rassure, ce n’est pas sa seule qualité ; et en fait, Procrastination est même un très bon Pratchett. On y retrouve bien sûr la fantaisie qui est la marque de fabrique de son auteur, et des personnages récurrents savoureux (les Igor, sortes de monstres de Frankenstein qui sont les serviteurs traditionnels des savants fous, portent tous le même prénom, et ont pour coutume de se transmettre de père en fils leurs organes et leurs membres les plus efficaces et qu’ils se greffent à la place ou en plus des leurs propres ; la Mort, accompagnée ici de la Mort aux rats, son avatar chez les rongeurs,…) mais le thème est aussi l’occasion d’aborder des questions assez intéressantes, sur la façon dont le temps peut se distordre si bien que des moments peuvent paraître durer des secondes et d’autres des heures, par exemple.

On y fait aussi la rencontre des Contrôleurs, des entités sans corps qui n’aiment que l’ordre et cherchent à retrouver celui qui existait dans l’univers avant l’apparition de la vie (et qui ont trouvé dans l’Homme le seul être vivant capable de se tirer une balle dans le pied, et de servir leurs intérêts au détriment du sien) : contraints d’emprunter la forme humaine pour mettre leurs plans à exécution, ils découvrent avec cette enveloppe ce que signifie être humain, ce qui est la source de pas mal de gags de situation et de beaucoup de nonsense assez tordant. Du côté des gentils, on trouve notamment Lou-Tsé, moine zen a l’air de rien et dont la voie philosophique est elle aussi bien marrante (en gros, dans son tao, tous les koan sont des proverbes de bistrot et de la « sagesse de bonne femme ») mais qui sait découper le temps pour le prolonger et ainsi en gagner par rapport au commun des mortels, ce qui en fait un adversaire redoutable et justifie pleinement la Règle N°1. Et on trouve toujours comme d’habitude une foule de trouvailles rigolotes, dont cette fois une, formelle, dans le dessin d’un petit balancier qui ouvre chaque chapitre et dont le rythme révèle quelques bizarreries à celui qui y sera attentif.

Attention, dans ce tome encore plus que dans d’autres Pratchett, les premières pages sont vraiment très chaotiques et il est difficile de suivre un fil conducteur avant que le récit se stabilise un peu et s’attache plus précisément à certains personnages. Pour qui n’y est pas habitué, ça peut très certainement être un motif d’abandon. La fin m’a aussi un peu déçu parce qu’elle est un peu plate (après une course contre le temps pourtant bien rythmée) et que l’épilogue est assez longuet. Mais entre les deux, c’est 300 pages de Pratchett très cool, qui m’ont un peu rassuré sur le fait qu’on pouvait lire beaucoup de ses bouquins sans pour autant finir par ne plus être touché par son humour et son imagination (impression qui avait commencé à me gagner après avoir lu Carpe Jugulum et Jeux de nains, qui m’avaient moins fait sourire).

Au final, je pense que Procrastination n’est pas forcément un bouquin pour n’importe quel lecteur, mais qu’il pourra néanmoins plaire à la fois aux habitués de Pratchett (qui apprécieront d’y voir leur auteur favori se renouveler), et à de nouveaux lecteurs qui (comme avec La Vérité) seraient capables de dépasser la confusion des premiers chapitres pour atteindre le moment où tout ça commence à faire sens et où l’intrigue s’avère à la fois intéressante et inventive.

7 réflexions sur “ Procrastination (Terry Pratchett, 2002) ”

  1. Marga sur

    I have problems remembering all the plots of the TP novels, because I don’t find them that important – I like the characters and the details. But I remember this as being one of his better books too!!
    On the other hand, I really liked Carpe Jugulum, so I disagree with you there! :o)

  2. Akodostef sur

    I also liked Carpe Jugulum ! But I found it more dark (especially because of how Pratchett paints Granny Weatherwax (« Mémé Ciredutemps » en français), whose demeanor and mood in this book are rather dark and who is on the verge of answering to the dark side’s calls. The threat posed by the vampires also seems pretty impossible to counter, which makes the situation close to desperate.
    I quite liked the atmosphere but I don’t remember smiling a lot reading this one… Would you like to write the article about Carpe Jugulum ? :)

  3. Marga sur

    I don’t remember the details of CJ, but I generally quite like the suggestions that the characters can be more than the funny exterior they present, such as Granny Weatherwax’s suggestion of being pulled by the dark side, or when Vetinari reminders of how he got to power in the first place (I suspect the details are bloody), but hey, that’s why we’re all allowed our own opinions…
    I’d be happy to write the CJ article, but it might take me a while, as it’s been at least 5 years since I read it, and at the moment i manage a book a month, so not till after christmas please teacher!

  4. Marga sur

    oops, my horrible grammar – shocking!…That should be « or Vetinari’s reminders of how he got to power in the first place »
    Sorry:o(

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