Les noces rebelles (Sam Mendes, 2009)
Ce film, le 4e du réalisateur britannique Sam Mendes (auquel on doit notamment l’émouvant American Beauty), est l’adaptation du premier roman de Richard Yates intitulée comme le film en VO Revolutionary Road.
Mention spéciale pour le titre français du film, complètement hors sujet (Revolutionary Road est juste le nom de la rue dans laquelle habitent les héros : traduire ce titre par une évocation de la rébellion est vraiment hors de propos).
L’histoire est celle d’un couple de trentenaires américains dans les années 60. Le film commence assez étrangement (puisque ce choix occulte l’exceptionnalité supposée des deux héros auquel il est fait plusieurs fois référence ensuite) par le récit très condensé de la rencontre entre les deux protagonistes pour passer ensuite directement à la période où ceux-ci, mariés et installés dans un pavillon de banlieue avec leurs enfants, ont sombré dans le conformisme amer qui est le lot de tous leurs voisins. Frank Wheeler (Leonardo du Caprio) est commercial dans la même société que son père dont il voulait pourtant ne surtout pas suivre les pas ; sa femme April (Kate Winslet), actrice ratée, est mère au foyer, et malheureuse.
Leur insatisfaction individuelle rend leur vie de couple également catastrophique.
Alors que Frank s’apprête à s’enfoncer un peu plus dans la médiocrité en fuyant ses problèmes conjugaux dans l’adultère avec une secrétaire, April va au contraire lui faire envisager une porte de sortie : laissant derrière eux cette vie confortable mais qu’ils détestent, ils vont partir pour l’Europe et commencer une nouvelle vie… un projet ambitieux et plein de risques, qui va immédiatement avoir des conséquences dans le voisinage -où ce genre de projet heurte ceux qui se complaisent dans leur train-train, tout en rappelant à d’autres combien ils aimeraient, eux aussi franchir le pas sans en être capables- mais aussi au bureau de Frank, où n’ayant plus rien à perdre, il se montre plus entreprenant et donc plus intéressant pour son entreprise.
Naturellement, en même temps que les voisins, c’est le spectateur que film atteint en le renvoyant à ses propres idéaux abandonnés, à ces contraintes plus ou moins inconsciemment choisies avec lesquelles il entrave sa liberté.
Le film est remarquablement réalisé (l’image un peu lisse mais parfaitement maîtrisée colle bien à l’ambiance 60’s et son côté ouaté à la léthargie dans laquelle se complaisent les protagonistes), les acteurs impeccables, et les personnages intéressants et assez subtils, même quand ils ne sont que secondaires (le mari de la voisine réac’, qui choisit la surdité pour ne plus entendre la méchanceté gratuite de son épouse, le couple des voisins qui envient les Wheeler mais ne le reconnaîtront jamais ; et mention spéciale au fils sociopathe qui jette crûment à la face de tous l’absurdité des conventions sociales et leur caractère aliénant, sans pour autant être un héros admirable, ou même aimable, lui-même).
Le film porte en fait sur le même thème que Yes Man que nous avions vu très peu de temps avant (l’insatisfaction inévitable qui ne peut que résulter de la soumission au rythme d’une vie monotone), mais selon un angle clairement plus dramatique et déprimant, là où Yes Man, moins ambitieux et moins remarquable pour ses qualités cinématographiques, envoyait un message positif et une énergie communicative (bien que probablement vaine chez 99% du public (donc Marion et moi, nous ne nous mettons pas au-dessus du lot)). C’est au final ce qui, même si j’ai apprécié « Les noces rebelles » et malgré un final émouvant, me fera quand même lui préférer (si si) Yes Man. Notez que normalement les films sur l’insatisfaction des gens me barbent royalement : le fait que celui-ci m’ait quand même à la fois touché et intéressé est sans doute le signe d’un film remarquable d’un auteur décidément bon (il faudra que je nous dégote ses deux autres réalisations), même s’il n’a pas eu le succès attendu pour une production qui réunissait le couple mythique de Titanic (argument commercial de choc qui a dû attirer une bonne partie du public).