Holy Motors (Leos Carax, 2012)
Bon, j’annonce pour commencer : je ne connais rien de la filmographie de Leos Carax dont je n’avais jusque là vu aucun film, et bien que j’aime voir des films (et les commenter, visiblement), je ne m’estime pas du tout cinéphile (je ne connais pas les classiques du cinéma et je n’ai aucune connaissance de la technique du cinéma).
Voilà.
Donc je ne vais pas me faire passer pour ce que je ne suis pas, mais je pense que ma position sera du coup aussi celle d’une partie conséquente du public.
La raison pour laquelle Vorti et moi sommes allé voir Holy Motors, c’est qu’on voulait se faire une toile et que parmi les films à l’affiche actuellement, celui-ci semblait pouvoir constituer une surprise (qu’on espérait naturellement bonne) par rapport à des choses plus stéréotypées comme L’Age de glace 4, ou Spiderman, la resucée. Le risque, évidemment, c’était aussi de se retrouver devant un film qui nous laisserait totalement de côté, comme The Tree of Life ou Melancholia, réputés chefs-d’œuvre mais qui m’ont barbé à mort. Mais comme la possibilité d’un vrai plaisir était plus attractive que la certitude d’une satisfaction tiède, on a pris le risque quand même.
L' »histoire » est celle d’un personnage mystérieux, appelé « Monsieur Oscar » (Denis Lavant) par la femme élégante (Edith Scob) mais relativement âgée qui conduit sa limousine de lieu en lieu dans Paris, et dont le film suit la journée chargée : son activité va consister à changer intégralement d’apparence plusieurs fois dans la journée à l’aide de costumes, de postiches et de grimage de professionnel, pour incarner successivement plusieurs personnages au cours de scènes qui n’ont aucun lien entre elles.
Pour qui ? Pour quoi ? Ces performances ne semblent pas avoir de public, et on découvre au fur et à mesure du film que certains des protagonistes de ces scènes sont également des « acteurs », comme Monsieur Oscar. Quant à notre héros, il déclare lui-même à l’étrange personnage venu jusque dans sa limousine lui reprocher (légitimement) sa fatigue, qu’il continue à faire ce qu’il fait pour « la beauté du geste ».
On ne peut s’empêcher de rechercher une cohérence entre les scènes qui se suivent, d’essayer de comprendre où se situe le réel dans ce qui nous est montré. A défaut, on cherche un message, un sens à ces épisodes…
Pour ce qui est de la cohérence, il semble vain d’en chercher une : chaque scène ne semble qu’être un « flash » de l’auteur, une situation qui lui est apparue et qu’il a voulu tourner. Idem pour ce qui concerne le message, Carax déclarant lui-même ne pas avoir de discours à tenir. Quant au réel, entre les situations littéralement invraisemblables, les personnages qui meurent, mais pas vraiment, jusqu’au deux séquences finales qui partent dans un délire loufoque, autant dire qu’il n’existe simplement pas.
On se situe ici plutôt dans le domaine de la poésie : ces images et ces ambiances sont supposées nous entraîner dans leur univers, nous faire ressentir des émotions sans nécessairement faire appel à notre intellect. Et après tout, pour moi qui suis fan de David Lynch, voilà un genre de concept qui ne devrait pas me poser de problème, sur le principe. C’est d’ailleurs une question que je me suis posée pendant le film : quelle différence pouvais-je faire entre ce film baroque, hors du réel, qui ne cherche pas à tenir un discours ou à véritablement raconter une histoire, et un film de Lynch ?
Question d’atmosphère (le découpage en saynètes sans continuité n’aide certes pas à en faire naître une), ou question de puissance des images invoquées (en dehors de la scène onirique d’introduction, que j’ai trouvée effectivement très forte, le reste m’a paru plutôt fade), peut-être ? En tous cas, Holy Motors, sans m’avoir rasé comme les films cités plus hauts, m’a laissé froid et indifférent du début à la fin malgré quelques passages qui m’ont plus intéressés que d’autres et malgré son originalité, qui reste incontestable. Comme un OVNI, mais qui m’aurait laissé sur place au lieu de m’enlever sur sa planète…