Edvard Munch, L’oeil moderne (Centre Pompidou, 2011)

La Madone, d'Edvard Munch

Edvard Munch (apparemment, on prononce « MUNK« ) est évidemment avant tout connu pour son tableau mondialement célèbre, Le Cri. On ne verra pourtant pas ce tableau célébrissime dans l’exposition du Centre Georges Pompidou consacrée au peintre Norvégien, pas plus que l’autre tableau le plus connu de Munch, La Madone. Non pas parce que -souvenez-vous- ils ont été volés en 2004 (ils ont été retrouvés depuis). Mais parce que cette exposition, comme la récente expo Munch, l’anti-cri en 2010 à la Pinacothèque (oui oui, ça fait bien deux expos consacrées à Munch à Paris en un an et demi), ambitionne de nous faire découvrir d’autres aspects de l’œuvre foisonnante de Munch.

Le parti pris de l’exposition du Musée Pompidou est plus particulièrement de présenter le peintre Norvégien comme un artiste moderne, intéressé par les nouveaux médias (le cinéma et la photographie), utilisant déjà des concepts qu’on a plutôt l’habitude de trouver dans un art plus contemporain (les reproductions, les séries).

A l’inverse de l’exposition sur Diane Arbus au Jeu de Paume dont je vous parlais récemment, qui se contentait éhontément du strict minimum en matière de scénographie et de discours, les commissaires de cette expo-ci ont planché sur leur sujet et ont intelligemment organisé la dizaine de salles dont ils disposaient, pour illustrer leur propos. Les deux premières salles ont ainsi la particularité amusante et pertinente de présenter… les 6 mêmes œuvres, ou plutôt deux séries des 6 mêmes œuvres, mais dans des versions réalisées à plusieurs années d’écart. Ceci pour rendre compte de manière visuellement très éloquente de cette manie qu’avait Munch de produire de nouvelles versions -allant généralement de plus en plus vers l’épure- de certaines de ses toiles ; et avec l’intérêt supplémentaire que trois de ces 6 tableaux sont parmi les plus forts de l’exposition, et parmi les plus beaux de l’œuvre de Munch : le Vampire, une version du Baiser dans laquelle les deux figures se fondent l’une dans l’autre, et L’enfant malade, qui évoque sa jeune sœur, morte alors qu’il n’était qu’un enfant. Paradoxalement, la succession des deux salles m’a aussi fait juger que ses premières versions étaient plus réussies que les suivantes,  comme quoi on ne s’améliore pas forcément à force de refaire les mêmes choses, notamment bien sûr en matière d’art, où la question de l’inspiration -rarement aussi forte que lors d’un premier jet- est décisive pour la puissance d’une œuvre. Dans le même esprit, une salle un peu plus loin, consacrée au thème de la compulsion, sera, elle, entièrement dédiée aux différentes versions qu’il aura réalisées d’une seule toile, en quelques mois, d’après une photo d’un modèle berlinois, une femme nue dans une chambre au lit défait.

Vampire, d'Edvard Munch

La troisième pièce est une fois encore astucieusement pensée, et me fait décidément saluer les concepteurs de l’exposition : on y entre en s’avançant vers un vaste cadre vide qui est comme un second cadre à l’œuvre qui se trouve derrière, qui représente une foule qui marche vers nous, et qui crée une sorte de 3D improvisée qui renforce singulièrement l’effet qu’est censé produire l’œuvre originale. Une excellente idée pour cette pièce qui présente des tableaux dans lesquels Munch use lui aussi d’astuces formelles pour donner l’illusion au spectateur que son sujet va jaillir du cadre à sa rencontre. La salle suivante reste sur le même thème, mais en regroupant des toiles dans lesquelles Munch, au lieu de faire sortir ses personnages du tableau, fait à l’inverse plutôt entrer le spectateur dans le cadre : son association avec le metteur en scène Max Reinhardt lui donne ainsi l’occasion de travailler sur la notion de séparation entre l’espace scénique et l’espace dans lequel se situe le spectateur, et sur la façon de l’abolir pour transformer la nature du spectacle.

Le fameux "Cri" de Munch... ou pas !

J’ai été moins emballé par les salles suivantes, que ce soit pour des raisons esthétiques (la salle consacrée au « Rayonnement », qui évoque effectivement un thème neuf, mais qui plastiquement ne donne pas grand chose d’excitant) ou de principe (celle sur ses innombrables autoportraits, et je n’aime ni les portraits, ni les nombrilistes). Quant aux salles qui présentent ses photos ou l’un de ses films, ni les images ni leur sujet n’ont le moindre intérêt à part pour montrer qu’il s’intéressait effectivement à ces nouveaux médias, mais bon : une fois l’idée entendue, on peut traverser rapidement pour passer à la suite.

Une dernière salle est « rigolote » à sa façon, en vérité passablement glauque : installées dans une salle circulaire, ce sont des toiles peintes par Munch alors qu’il était atteint d’une espèce de glaucome, une poche de sang qui lui masquait une partie de la vision de l’œil droit. L’artiste avait décidé sur ces œuvres de reproduire ce que son oeil voyait avec cette tâche qui encombrait son champ de vision, à laquelle il donnait parfois une forme concrète (un aigle, une tête de mort,…) ou se contentait sur d’autres de simplement reproduire en motifs complètements abstraits.

Au final, pour moi qui ne connaissait à peu près pas Edvard Munch, j’ai trouvé l’exposition assez intéressante, bien conçue, permettant de découvrir un panel assez large de l’œuvre de Munch (même si en vérité on n’en voit ici qu’une toute petite partie) et d’apprécier plusieurs très belles toiles et sculptures. L’entrée est un peu chère (12 €), mais c’est tout de même une bonne expo ; et pour ceux qui redoutent les files d’attente et les salles bondées, une astuce : Pompidou est ouvert jusqu’à 21h (23h le jeudi) et le soir, c’est tranquille.

 

Exposition jusqu’au 9 janvier 2012

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