Tête de Turc

Tête de Turc est un polar français de Pascal Elbé qui signe là son premier film en tant que réalisateur.

Je ne savais pas en allant voir le film qui était Pascal Elbé, et je ne savais pas non plus qu’il jouait également dans le film ; ce qui est assez curieux, c’est qu’Elbé m’est très familier alors qu’après consultation de sa bibliographie, je n’ai vu qu’un seul de ses films, Mauvaise Foi (sorti en 2006, et que j’avais trouvé tout à fait regardable).

Tête de Turc réunit également Roshdy Zem (acteur à mon avis un peu toujours confiné dans les mêmes rôles, mais que j’aime beaucoup ; c’est un peu Jean-Pierre Bacri avec des muscles et un flingue, non ?) et quelques autres, moins connus mais qui ont tout de même joué dans quelques grosses/bonnes productions, et notamment Simon Abkarian (L’Armée du Crime, Secret Défense, les séries House of Saddam et MI-5, etc.).

Après une descente de flics un peu musclée aux pieds d’une cité quelconque, une bande de jeunes voyous s’en prend au véhicule d’un médecin urgentiste venu soigner un habitant du quartier. Entraîné par ses copains, sans trop réfléchir, Bora, un jeune immigré turc de 14 ans, lance un cocktail molotov sur la voiture du médecin. La fuite précipitée de ses amis le sortira de sa torpeur, et il sauvera in extremis le médecin d’une mort certaine. Ce geste irréfléchi sera l’élément déclencheur de toute une série d’évènements qui bouleversera la vie de tout un ensemble de personnes :  le jeune Bora et sa famille ; Simon, l’urgentiste d’origine arménienne et Atom, son frère policier en charge de l’affaire. Il y aura également quelques victimes collatérales, qui ne sortiront pas indemnes de ce film (après un petit aparté comme je les aime, vous verrez que peu seront sortis indemnes de ce film…).

Le jeune Bora lance donc un cocktail molotov sur la voiture de Simon. D’accord, mais un cocktail molotov, c’est quoi exactement ? Tout le monde sait que c’est un russe, Molotov, qui les a inventé (le mot vient donc du nom de l’inventeur, comme pour les poubelles, la guillotine ou le macadam).

Ha, tiens, non, pas du tout.

En réalité, l’origine du mot remonte aux débuts de la seconde guerre mondiale et plus particulièrement à la Guerre d’Hiver, opposant la Finlande et l’URSS en 1939. Les finlandais, mal équipés et en sous-nombre, reprirent une arme déjà utilisée avec succès contre les chars soviétiques durant la guerre d’Espagne (1936-1939).

La version de base comporte une bouteille en verre partiellement remplie de liquide inflammable. L’embout de la bouteille est bouché par le haut avec un bouchon hermétique. Un morceau de tissu est solidement fixé autour du haut de la bouteille; juste avant l’emploi, le chiffon est imbibé de liquide inflammable, et allumé. Lancée sur la cible, la bouteille se brise sur l’impact, répandant sur la cible son contenu inflammable, qui est alors mis à feu par le chiffon en flamme. Des versions plus élaborées furent également mises au point au fur et à mesure du temps (avec des produits explosifs, de l’acide, du goudron, etc.).

Quand Molotov, ministre des affaires étrangères soviétiques, clama dans des émissions de radio que l’URSS ne bombardait pas mais livrait plutôt de la nourriture aux Finlandais affamés, ceux-ci commencèrent à appeler les bombes aériennes soviétiques les « paniers pique-nique de Molotov ». Bientôt ils répondirent en saluant l’avancée des chars soviétiques avec des « cocktails Molotov ». D’abord le terme a été employé pour décrire seulement le mélange brûlant lui-même, mais dans l’utilisation pratique le terme a été bientôt appliqué par métonymie à la combinaison de la bouteille et de son contenu.

Revenons-en à notre tête de turc. Franchement, j’ai été très déçu. Si Roshdy Zem, égal à lui-même, joue très bien le rôle du policier ténébreux, et même s’il est crédible en arménien, il se démarque bien trop de la physionomie de sa famille pour que l’on ne s’interroge pas sur ce choix de casting. Par ailleurs, certains passages du film, faisant référence à une tragédie familiale passée qui ressurgit à l’occasion des évènements, contraignent Zem à certaines répliques complètement artificielles auxquelles lui-même ne semble pas croire.

Pour le reste, j’ai trouvé les autres acteurs passablement mauvais, voir dans certains cas, vraiment-vraiment très mauvais : Bora, personnage principal du film, semble complètement extérieur aux évènements alors que ses actes traduisent tout de même différentes prises de conscience.  Sa petite amie m’a particulièrement exaspéré, récitant ses répliques improbables dans des postures artificielles (si des gens ont vu le film, je veux bien que l’on en parle ^^). Bref. La mère de Bora tire quant à elle un peu plus son épingle du jeu, de même que Simon, joué, donc, par Pascal Elbé (malgré des dialogues franchement pas terribles et des jeux de scènes assez curieux).

Le scénario du film, classique et dont tout est dit en 9 lignes (voir plus haut), est assez prévisible de bout en bout, et l’on devine assez vite de quelle manière, à peu près,  vont s’emboîter les différents éléments. En fait, en sortant du cinéma sous les reproches justifiés de Céline, j’avais avec ce film une impression de « déjàvou », en français dans le texte, et ce n’est qu’en écrivant ces lignes que cette impression m’est revenue : par certains aspects, « Tête de Turc » me rappelle assez fortement l’excellentissime Collision de Paul Haggis, 2004 : des personnages plutôt marqués par la vie, dont les destins vont se croiser et mener à des remises en questions assez profondes de leurs vies.

En conclusion, une déception.

3 réflexions sur “ Tête de Turc ”

  1. Stoeffler
    Stoeffler sur

    Collision, c’est bien!

    Au fait Jika, en regardant le titre de ton article, je pensais que tu allais nous expliquer d’ou venait l’expression tete de turc ;)

  2. Jika sur

    J’y avais pensé, puis j’ai oublié !

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    Sans chercher à remonter jusqu’aux Croisades, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le More et le Turc étaient les emblêmes des incroyants, des barbares cruels et sanguinaires.
    C’est probablement pour cette raison, et pour faire suite à l’expression « fort comme un Turc » citée au XVIIe, que, dans les fêtes foraines du XIXe siècle, on trouvait des attractions constituées d’une sorte de dynamomètre surmonté d’une tête enturbannée (symbole du Turc) dans laquelle il fallait taper le plus fort possible, la force du coup étant mesurée par une aiguille.

    Dans ces jeux, il était bien sûr plus viril de se frotter à un symbole de force, d’où la cible à la forme d’une tête de Turc.
    Mais c’est le fait que cette pauvre tête était constamment frappée par tout le monde, qui a fait de la tête de turc celui sur lequel chacun s’acharne.
    [/coller]

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