Deux semaines au Japon [6/7]
Résumé des épisodes précédents : Marion et moi avons passé 15 jours au Japon en août 2014. Ceci est la sixième partie du récit de ce séjour (les cinq précédentes sont ici : 1, 2, 3, 4, 5), avec mes notations sur l’intérêt des lieux visités, la qualité des hébergements où nous avons dormi, et des endroits où nous avons mangé, de * (misérable, à éviter) à ***** (extraordinaire, justifie le voyage à lui seul), pour donner des indications utiles à ceux qui prévoiraient d’organiser un voyage du même genre.
L’album avec la sélection des meilleures photos réalisées par Marion est ici.
Jour 11, 2e partie : mercredi 27 : Miyajima
Notre voyage de Koya-san vers Miyajima est quasiment un inventaire de tous les moyens de transports existant au Japon : bus, puis funiculaire, puis train local, puis train express, puis métro, puis shinkanzen, puis re-train, puis ferry, puis navette : 8 changements et 9 trajets pour ce voyage ! Heureusement, tout s’est passé sans problème ; le fait d’être à deux aide quand même bien à se repérer et à se diriger pendant le transport, qu’il s’agisse de trouver le bon chemin à suivre ou le panneau qui indique les informations pertinentes pour poursuivre. Nous nous félicitons aussi clairement d’avoir choisi de faire expédier notre plus gros bagage directement à Miyajima la veille, parce qu’en comptant le premier trajet depuis Kyoto, ce petit détour vers Koyasan aura occasionné au total 14 changements : vraiment pas l’idéal quand on voyage chargés !
Il faut importer ce système en France !
Nous arrivons sur l’ile de Miyajima par le ferry. Comme on a lu que le ryokan n’était qu’à 15mn à pied de la jetée, on avait décidé de faire le chemin à pied et d’en profiter pour voir la ville au passage, mais la navette étant juste devant la sortie du ferry, en train de nous attendre, on a écouté la voix de la raison, et décidé de commencer par se débarrasser de nos bagages -deux sacs quand même assez lourds-, pour pouvoir ensuite visiter la ville tranquillement.
Gros effet à l’arrivée au ryokan Iwaso**** : toute une cohorte d’hommes et de femmes en kimono nous accueillent en se courbant profondément… moi qui déteste être servi, c’est un peu trop pour moi ! On nous conduit à notre chambre, un peu plus grande que celle dans laquelle nous avions dormi au temple du Koya-san, avec depuis ce premier étage une vue en hauteur sur la cascade, le petit cours d’eau du jardin et la forêt d’érables autour. Nous avons cette fois nos propres toilettes (avec siège chauffant et toute la batterie de jets d’eau dont les Japonais sont très friands) et un lavabo bien équipé pour la toilette de base. On nous sert un thé (glacé) de bienvenue, puis Marion et moi filons voir le fameux torii pour lequel l’ile est fameuse : peint tout de rouge et dressé fièrement sur la plage, il se retrouve régulièrement en partie englouti par la mer, une vision assez magnifique. Nous remarquons aussi que les piliers de l’axe central sont de véritables troncs bruts.
Lors de notre premier passage, il est totalement émergé car la marée est basse, mais nous nous promettons de repasser d’ici le coucher du soleil pour des photos avec les pieds dans l’eau ; les algues laissées sur les pieds de l’arche indiquent que la mer peut les immerger jusqu’à un bon mètre cinquante. Un nombre incalculable de pièces parsème le sable autour de ces poteaux, les croyants déposant des pièces sur chaque rebord disponible, et jusque dans les interstices du bois, avant que la mer les en déloge.
Comme à Nara (même s’ils ont l’air moins misérables dans cet environnement moins urbanisé), des cerfs sika se promènent en liberté, mais comme là-bas ils n’hésitent pas à happer tout ce qui peut s’apparenter à de la nourriture. Nous assistons ainsi au vol du sac plastique d’une touriste, dont on ne saura pas ce qu’il contenait, mais qu’un cerf a consciencieusement entrepris de mâchonner, sans relâcher sa prise lorsque sa victime a tenté de lui arracher le sac… Cocasse, mais aussi navrant (j’imagine que manger des sacs plastiques ne doit pas être très bon pour leur santé). L' »incident » nous incite en tous cas à faire attention à nos propres affaires qui pourraient pendouiller…
La ville en elle-même consiste essentiellement en une succession de petits commerces, cafés et boutiques d’artisanat, typiques des stations balnéaires ; nous profitons de la ballade pour goûter le Fanta ananas (après le Fanta pomme, très bien ; et le Fanta raisin rouge, très bien aussi mais dont le goût n’a rien à voir avec celui du raisin), qui a le goût… d’un jus d’ananas avec des bulles !
Nous retournons au torii, qui commence à être gagné par les eaux. Nous assistons à la montée progressive de la mer et au reflux des touristes, Marion profitant de sa tenue (short et sandales) pour rester les pieds dans l’eau et continuer à faire des photos jusqu’assez longtemps, lorsque les 6 pieds du portique sont bien entourés d’eau, que le ciel est devenu presque noir et que les projecteurs commencent à éclairer l’arche pour la mettre en valeur ; il nous faut alors courir pour rejoindre le ryokan car l’heure du dîner a été fixée à l’avance à 19h et l’heure approche… et en fait bien qu’il ne soit pas encore 19h à notre arrivée, nous sommes apparemment en retard quand même, puisque l’hôte chargée d’assurer notre service nous attend dans le hall. Le temps de nous rafraîchir, et on nous conduit sans plus de délai dans une chambre privée différente de la nôtre et un peu plus petite, sans décoration, dans laquelle le repas nous sera servi. Nous avons droit pour ce premier diner à la plus haute gastronomie japonaise, dite kaiseki : beaucoup de petites choses, toujours joliment présentées, avec quelques surprises (du fromage frais auquel on a donné la forme et la couleur d’un fruit japonais ; un tentacule de poulpe qui n’a rien de caoutchouteux et a même une saveur de viande ; la plus petite tomate du monde ; une excellente tranche très fine de bœuf cuit à la vapeur). Il y a beaucoup de poissons et de fruits de mer (nous n’avions pas demandé de repas sans poisson pour ce premier repas kaiseki, Marion acceptant de manger les fruits de mer dans les restaurants de haute gastronomie), mais à ma grande surprise, Marion mange pratiquement tout (y compris des sashimis, et du riz mélangé à des sortes de fœtus de poisson).
Je suis content d’avoir pu déguster cette cuisine élaborée, dans ce cadre particulier (dans une chambre privée, avec une hôtesse en tenue traditionnelle qui vient nous servir à genoux sur le tatami), mais j’avoue que je continue d’avoir du mal à apprécier la nourriture elle-même, et l’arrivée continue de nouveaux plats alors que nous n’avons pas terminé les précédents est un peu dérangeante (on a l’impression de ne pas pouvoir manger à notre rythme -le mien étant notablement lent).
Le repas terminé, nous retournons dans notre chambre (où la table basse a été poussée contre le mur, et où les matelas de sol ont été mis en place par de petites mains discrètes et efficaces), puis nous partons pour les bains.
Je suis cette fois moins perdu (d’autant que les petits tabourets sont ici directement installés en face des douches, donc leur fonction est claire), et je profite de quelques minutes de tranquillité, seul dans le onsen. Malheureusement, j’ai bêtement pris avec moi mon portefeuille et mon téléphone (qui ne quittent pratiquement jamais les poches de mon jean), et comme je les ai laissés dans mon panier (sans sécurité donc, à la japonaise) dans le vestiaire, je me mets à psychoter lorsqu’un autre hôte occidental y pénètre, et je finis par sortir en hâte pour récupérer mes affaires (le mec qui sait se gâcher ses vacances).
De son côté, Marion, plus audacieuse que moi, s’est glissée dans le deuxième bassin situé en extérieur, profitant ainsi à la fois de la chaleur du bain, et du plaisir du décor naturel.
Nous passons ensuite une très bonne nuit sur nos matelas confortables bien que disposés à-même le sol, avec une couverture à notre taille et un oreiller épais et moelleux (la version « luxe » des couchages futons des temples du Koya-san).
Jour 12 : jeudi 28 : Miyajima
Après un petit-déjeuner occidental (je m’autorise un break de temps en temps, quand même) nous partons visiter le temple « flottant » (sur pilotis, en vérité) d’Itsukushima*** après avoir pris quelques inévitables photos du torii flottant (cette fois immergé au maximum, la marée étant à son plus haut).
Historiquement, l’ile de Miyajima était sacrée, et il était interdit d’y poser les pieds, c’est pourquoi le temple et l’arche ont été construits sur l’eau, une jetée permettant de débarquer directement d’un bateau dans le temple sans toucher la terre : c’est ce qui fait l’originalité et le charme de ce temple dont les allées sont autant de pontons de bois. A noter aussi, la présence dans le temple de plusieurs scènes sur lesquelles étaient données des représentations (notamment de danse bugaku), ainsi qu’une scène de théâtre Nô, la seule au monde construite sur l’eau.
Nous poursuivons la visite un peu au-delà, mais la ville elle-même ne présente pas de réel intérêt. J’accompagne Marion pour une heure de shopping dans la rue commerçante, au cours de laquelle elle achète une jupe au design original, quelques jolies cartes postales pour les envoyer à ses parents et des boucles d’oreilles dans une boutique de créateur, et moi une boite de gâteaux au haricot rouge en forme de feuilles d’érable à la fabrique locale, pour mes collègues.
Un rapide retour à la chambre pour poser nos achats et nous repartons cette fois pour une véritable randonnée jusqu’au Mont Misen***. Plusieurs itinéraires permettent d’atteindre le sommet en environ 2 heures (et pour les moins sportifs/ les plus pressés, un téléphérique permet d’éviter les ¾ du parcours). Nous suivons pour monter la « Daisho-in course », constituée presque entièrement de marches de pierre solidement ancrées dans la terre (enfin, pour la plupart : en basculant sur une pierre branlante, Marion fait une chute qui lui vaudra quelque éraflures et un choc sur son appareil photo). Ce long escalier traverse la forêt luxuriante, le long d’un cours d’eau et de petites cascades qui brisent ponctuellement sa course. Nous sommes à l’affût de singes, évoqués par le Lonely Planet mais que nous ne verrons jamais (nous entendons juste quelques cris au loin, sans pouvoir déterminer s’ils ont réellement été poussés par des animaux ou par des enfants).
Au sommet, nous nous accordons une pause casse-croûte sur un large rocher isolé qui surplombe la forêt, et le paysage a un aspect quasi-préhistorique. Nous rejoignons ensuite l’observatoire, bien plus fréquenté puisque c’est là que se rendent tous les touristes qui ont choisi l’option « simple promenade avec téléphérique », mais d’où on a une vision pratiquement à 360° sur l’ensemble du paysage, montagnes, forêts, mers et iles alentour. Nous redescendons enfin par l’une des autres pistes reliant le Mont Misen à la ville en contrebas, celle passant par le parc Momijidani et qui s’avère correspondre davantage à ce qu’on qualifie de chemin de randonnée, avec davantage de sentiers de terre et moins de marches de pierre.
L’ensemble de la promenade est assez joli, mais personnellement je trouve le grincement constant des insectes japonais assez harassant nerveusement.
De retour à l’hôtel, on nous offre un thé matcha (thé vert) glacé avec un petit gâteau servi dans notre chambre, puis nous allons nous doucher et nous baigner dans le onsen (étonnamment beaucoup plus fréquenté à cette heure -17h). Un vieux japonais arrivé en même temps que moi s’excuse en anglo-japonais de ne pas pouvoir discuter avec moi car il a un appareil auditif qu’il va devoir laisser au vestiaire (ce qui laisse penser qu’il peut arriver que les gens se parlent pendant le bain, bien que tous ceux que je croiserai cette fois encore ne s’adressent pas même un regard…) ; la norme vise aussi visiblement à ne pas rester plusieurs minutes d’un bloc dans le bain chaud, mais à plutôt s’immerger pour un instant, se doucher à l’eau froide, puis retourner au bain, plusieurs fois. Je le note pour la prochaine fois que je pourrai profiter d’un onsen… ce qui devrait être dans plusieurs années, maintenant hélas.
Propres et reposés (le onsen a un effet extrêmement délassant), un hôte vient nous chercher pour nous emmener diner, dans une pièce un peu plus décorée que la veille : ce sera cette fois un « hot pot » japonais (une sorte de fondue, avec un bouillon aromatisé aux légumes, dans lequel nous trempons de longues mais très fines tranches de bœuf japonais -on pense qu’ils nous auraient dit si c’était du bœuf de Kobe, réputé pour sa très grande tendreté, mais ce n’est pas impossible néanmoins) : c’est extrêmement savoureux ; le reste du menu n’est pas kaiseki (haute gastronomie) et est constitué d’une succession de plats (cette fois, Marion a droit à des aliments alternatifs quand j’ai du poisson ou des fruits de mer), tous très bons. Au final, j’apprécie davantage ce repas que celui de la veille, d’autant que notre hôte se montre moins formel et distant, prenant le temps de discuter avec nous, de nous montrer comment manger les plats qui nécessitent une explication… Un repas vraiment très agréable, que nous prolongeons par une dernière balade sur le remblai, où nous prenons une série de photos du torii flottant immergé et de nuit, histoire d’avoir capturé toutes les versions possibles.
[à suivre, pour l’ultime chapitre du récit !]