Deux semaines au Japon [5/7]

Résumé des épisodes précédents : Marion et moi avons passé 15 jours au Japon en août 2014. Ceci est la cinquième partie du récit de ce séjour (les quatre premières sont ici : 1, 2, 3, 4), avec mes notations sur l’intérêt des lieux visités, la qualité des hébergements où nous avons dormi, et des endroits où nous avons mangé, de * (misérable, à éviter) à ***** (extraordinaire, justifie le voyage à lui seul), pour donner des indications utiles à ceux qui prévoiraient d’organiser un voyage du même genre.
L’album avec la sélection des meilleures photos réalisées par Marion est ici.

Jour 10 : mardi 26 : voyage vers Koya-san – Kongobu-ji – Danjo Garan

Le Konpon-Daito, et son allure de vaisseau spatial

Arrivant au dernier tiers de notre voyage, nous défaisons tous nos bagages avant de les réorganiser, le but étant de regrouper tous nos vêtements sales dans notre plus gros sac, pour le faire envoyer directement à Miyajima (où nous sommes censés nous rendre, nous, dans 2 jours) via le très efficace et pratique système de takkyubin que nous avions déjà testé lors de notre départ de Tokyo pour Kyoto (voir épisode 2).

Notre journée est ensuite essentiellement constituée d’un long trajet en train vers la région du Mont Koya, avec de multiples changements ; c’est l’occasion de partager avec vous quelques considérations sur les transports au Japon, de bonnes idées dont les transports ici (et partout, d’ailleurs) pourraient utilement s’inspirer :
– Sur les quais, il y a des indications au sol permettant de savoir où vont s’ouvrir les portes du prochain train, et les gens se mettent en file derrière ces indications, rentrant ensuite dans le wagon chacun leur tour, de façon bien ordonnée : pas de prime au plus roublard, au plus rapide, où à celui qui pousse le plus efficacement les autres, c’est l’ordre d’arrivée qui compte.
– Les marquages au sol sur les quais comportent soit un rond, soit un triangle, et un train sur deux ouvre ses portes devant les ronds, le suivant devant les triangles. Selon sa destination, on se place ainsi au niveau du marquage des ronds ou de celui des triangles, et ça permet aux usagers de faire la queue pour un train ultérieur sans gêner l’embarquement/ débarquement des autres.
– les stations sont identifiées par la lettre de leur ligne (K,T,S…) et numérotées de 1 à 99, depuis la première station de la ligne, jusqu’à la dernière. On peut ainsi facilement repérer où on est et combien de stations nous séparent de notre destination sans avoir à retenir le nom des stations ni à compter le nombre de trajets restant (ex : Kyoto Station est la station K7, je dois aller à Materachi qui est la station K11, je sais que j’ai 4 stations avant de descendre).
– Les grands panneaux qui indiquent le nom de la station où on se trouve s’enrichissent de deux informations : en bas à gauche, le nom de la station précédente, et en bas à droite, précédé d’une flèche, le nom du prochain arrêt. Là aussi ça simplifie grandement le repérage.

Autre beau temple du Danjo Garan

Pour revenir au récit de la journée en cours, la fin de notre trajet s’effectue sur un funiculaire très raide et dont les allées et venues sont calculées à la seconde près : en effet, le wagon qui monte et celui qui descend circulent simultanément, mais il n’y a qu’un seul rail. Les deux rames ne peuvent donc se croiser que sur la seule section doublée du parcours, longue d’une vingtaine de mètres (soit pas loin de la longueur des funiculaires !). Pas de vue sur le paysage malheureusement sur cette portion du trajet, bien que nous soyons maintenant en pleine montagne.
Quelques minutes plus tard, nous arrivons dans la vallée ; toujours pas de vraie vue sur la montagne qui entoure complètement la cuvette dans laquelle le village est installé, mais la forêt est très belle.

Particularité du lieu : il n’y a pas d’hôtel, de chambre d’hôtes, d’auberge de jeunesse,… A Koyasan, l’ensemble des hébergements sont assurés par les temples (nombreux) qui constellent le village. Nous gagnons pour notre part le Jimyo-in****, où nous recevons un accueil très sympathique, dans un anglais décent, par deux jeunes moines, dont l’un sourit en permanence et fait des blagues visuelles pendant qu’il prépare la chambre ; l’autre nous fait signer nos formulaires avec un stylo Toy Story à l’effigie de Woody ! On nous présente notre chambre, très chouette (8 tatamis : au Japon, la taille des chambres s’exprime souvent en nombre de tatamis), avec une petite extension donnant sur le jardin, équipée d’une petite table et de deux fauteuils pour apprécier le décor. On nous sert un thé de bienvenue accompagné d’un petit gâteau et on nous explique le fonctionnement de l’hébergement.

Nous partons ensuite visiter la ville, puis le temple principal du Koyasan, Kongobuji***. Les panneaux de certaines pièces sont assez beaux – une pièce notamment, dont les 4 panneaux muraux représentent les 4 saisons, l’hiver étant particulièrement réussi : il s’agit de la pièce dans laquelle Toyotomi Hidetsugu (neveu de Toyotomi Hideyoshi, qui l’accusa de trahison après la naissance de son fils) fut contraint de se faire seppuku.
On trouve aussi dans ce temple le plus grand jardin de pierre du Japon, censé représenter deux dragons célestes venant défendre le temple (j’ai essayé de voir sur Google Earth si l’image était plus parlante vue du ciel, mais la qualité des photos satellites sur cette région ne m’a pas permis de mieux voir hélas), et –plus anecdotique- une cuisine avec une cheminée remarquable par sa très grande hauteur.

Une centaine de mètres plus loin se trouve le Danjo Garan****, ensemble de temples où domine le Konpon Daito, une énorme pagode rouge-orange qu’on pourrait prendre pour un vaisseau spatial (elle abrite d’ailleurs le Dainichi Nyorai, le Bouddha cosmique !) ; le site est composé de plusieurs autres beaux bâtiments, dont une autre jolie pagode plus petite et aux couleurs moins flashy, et une stupa. Nous avons l’avantage de dormir sur place, ce qui fait que nous effectuons cette visite quasiment seuls sur le site, à l’heure à laquelle tous les autres visiteurs ont dû se mettre en route pour rentrer ; j’imagine qu’au milieu de la foule, la visite doit être beaucoup moins plaisante. Dans ces conditions idéales pour nous, à la température idéale, dans le calme et dans le cadre des grands arbres qui nous entourent, je ne regrette en tous cas pas notre venue (on s’était un peu posé la question en voyant les heures de trajet qu’on allait devoir subir sur les trois prochains jours entre Kyoto/Koya-san/Miyajima/Tokyo).

Le repas végétarien bouddhiste traditionnel servi dans notre chambre

Le soir (enfin, à 18h30, quoi!) un repas végétarien bouddhiste traditionnel nous est servi dans la chambre, composé de nombreux plats, pas tous faciles (lire : agréables) à manger. Nous réussissons malgré tout à tout finir ; l’expérience me restera en mémoire pour son côté exceptionnel, mais je ne peux pas dire que j’ai apprécié ce que j’ai goûté.

Le repas terminé, notre novice vient remporter les plateaux, et installe à la place en quelques minutes les deux matelas de sol avec leur couverture, sur lesquels nous coucherons.

C’est ensuite l’heure de la toilette, et nous allons donc pouvoir découvrir les fameux onsen japonais. Les bains sont communs mais séparés par genre ; j’ai la chance (parce qu’être nu devant d’autres personnes m’est inconfortable) d’être seul à mon arrivée. Après avoir déposé mes vêtements dans un panier à l’entrée, je passe dans la salle des bains chauds, où je prends d’abord ma douche, ainsi qu’il convient, avant de pénétrer dans le bain, une petite piscine de 2,5m x 1,5m grosso modo, alimentée par un courant d’eau chaude permanent. Ne connaissant pas bien le mode opératoire, je commence par prendre le petit tabouret qui se trouve sur le côté, pour m’asseoir dessus dans le bain, mais le bassin n’est alors plus assez profond pour que je puisse y plonger tout mon torse ; je l’enlève donc, et comme je suis seul, je m’allonge tout simplement à une extrémité. Je profite ainsi de 5-10mn de bain très chaud et assez agréable, avant qu’un autre hôte entre dans la salle ; je me retire alors, en jetant un œil de temps en temps pour voir comment lui, procède : je découvre ainsi que le tabouret n’est pas destiné à aller dans le bain, et qu’on l’utilise en fait pour la douche, qui se prend assise. Je n’ai pas vu la suite : j’avais fini de me préparer et je n’allais pas non plus reluquer le type dans son bain…

Le cimetière du Koyasan

Je suis le premier de retour dans la chambre, me réjouissant pour Marion qu’elle ait pu profiter plus longtemps que moi du bain. Je me prépare pour le coucher, puis patiente sans voir Marion rentrer et finalement au bout d’une demi-heure j’entends qu’on frappe à la porte : croyant en entrant que Marion serait arrivée avant moi, j’avais en effet fermé le verrou de la chambre par automatisme, et cela faisait une demi-heure que la malheureuse faisait des aller-retours dans le couloir en frappant régulièrement à la porte, ce qu’au travers des paravents qui ferment la chambre je prenais pour le bruit d’autres hôtes retournant dans leurs quartiers !

Jour 11 : mercredi 27 : Okuno-in, voyage vers Miyajima

Nous nous levons à l’aube pour assister à la messe bouddhique de 6h30, mais comme nous nous sommes couchés tôt et que la nuit a été bonne (en dépit d’une couverture trop courte pour couvrir à la fois les pieds et les épaules, et d’un oreiller en billes auquel nous ne sommes pas habitués), le réveil n’est pas difficile.

Statuettes parées de vêtements destinés à attirer la protection des esprits sur les enfants

Nous arrivons légèrement en retard (qui est surpris ?) à la cérémonie, mais cela ne semble pas poser de problème. La cérémonie se passe dans un lieu plongé dans la pénombre, éclairé seulement par quelques bougies qui donnent à la scène une atmosphère apaisante et mystérieuse. Le décor de la salle de prière est riche d’objets et d’ornementations dont nous ne savons rien, mais on ne parle pas sans raison d’ « ésotérisme » en matière de religion ! La cérémonie consiste en une longue psalmodie (une demi-heure non-stop !) des deux prêtres officiant dos au croyants (qui sont assis sur le sol au premier rang, sur un tapis rouge) et aux personnes simplement venues assister (qui elles, sont assises sur des chaises un peu plus en retrait), avec de temps en temps un coup de gong donné par l’un des deux prêtres. A un moment, le plus jeune des deux vient proposer à ceux qui le souhaitent de venir « communier », ce qui consiste à s’avancer devant l’autel, s’agenouiller, s’incliner, puis à saisir dans l’un des deux bols disposés sur l’autel des pincées d’une poudre qu’on déposera ensuite dans un plus grand réceptacle. Selon les cas, les « communiants » prenaient de une à trois pincées, et une seule personne en a pris une du deuxième bol… mystérieux ! La première personne à être invitée à procéder était un occidental visiblement ignorant du rituel ; le moine le lui a brièvement expliqué, mais il s’est retiré sans l’effectuer. J’avoue que j’aurais été comme lui, bien embarrassé, à sa place ! Nous avons eu un petit moment de tension lorsque ça a été notre tour de passer, puisque nous avons été les premiers à purement et simplement décliner (suivis en cela ensuite par la plupart des gens assis en retrait sur les chaises, qui devaient être bien contents de ne pas avoir été les premiers à avoir à exprimer leur refus).
Bien que je ne partage rien de la croyance bouddhiste, je suis content d’avoir pu assister à ce service qui m’a donné l’impression de vivre un moment « particulier ».

Nous retournons ensuite dans notre chambre, où les matelas ont été rangés en notre absence et le petit-déjeuner servi (cette fois encore, tout un ensemble de petits bols de plats végétariens) ; l’idée de manger des algues à la sauce amère et du tofu m’a paru un peu plus difficile à accepter au réveil qu’au diner, mais finalement ça passe bien et comme il y a moins de plats que la veille au soir, nous n’avons pas vraiment à nous forcer – je n’irais quand même pas jusqu’à dire que j’ai apprécié, car tous ces goûts et ces textures sont trop différents de ce à quoi nous sommes habitués pour que la découverte puisse être véritablement agréable.

Notre timing étant assez serré (nous avons un long voyage en direction de Miyajima ensuite), nous effectuons rapidement notre check-out mais laissons nos bagages à l’accueil, pour pouvoir visiter tranquillement l’okuno-in****, le cimetière du Koya-san. Situé en pleine forêt, au pied de cèdres et d’autres arbres hauts de plus d’une cinquantaine de mètres (si vous ne vous représentez pas : c’est très haut !), ce cimetière abrite des milliers de stèles funéraires, de pierres et d’autels de toutes sortes, gagnées par la végétation. L’endroit est très calme et agréable… du moins à l’heure à laquelle nous le visitons (8h), et les rayons du soleil qui filtrent à travers les branches le rendent à la fois beau et romantique. Une très plaisante promenade qui nous conduit jusqu’au sanctuaire au nord du cimetière, où repose dans un état de « méditation éternelle » (hem) le moine Kukai, fondateur du site de Koya-san, qui avait ramené d’un long séjour en Chine la doctrine du bouddhisme Shingon. L’autel qui lui est consacré n’est pas particulièrement remarquable, mais il est gardé par le Pavillon des lanternes, qu’éclairent des centaines de… lanternes suspendues au plafond, dont deux (que nous n’avons pas pu identifier) brûleraient depuis plus de 1000 ans. L’atmosphère de clair-obscur générée par cet éclairage est très plaisante.

La nature fait partie intégrante du cimetière

Autre élément notable sur le chemin, la miroku-ishi, une pierre ovale placée dans une petite cabine de bois. Les visiteurs peuvent saisir la pierre par une ouverture à peine assez large pour y passer les deux mains, et son poids est censé différer d’un individu à l’autre, en fonction du poids de ses péchés… j’aime autant vous dire que les miens doivent être assez lourds (Marion n’a pas voulu essayer!), mais surtout, la pierre est très lisse, dense et pas équilibrée ce qui fait qu’elle est particulièrement difficile à saisir : malgré la fermeté de prise que m’a donné la pratique de l’escalade, j’ai dû utiliser mes deux mains pour la soulever, je n’y suis pas arrivé avec une seule.

Nous repartons ensuite un peu hâtivement pour ne pas risquer de manquer le bus qui doit nous ramener vers la civilisation (il n’y a qu’un bus toutes les demi-heures) ; les touristes et les moustiques commencent de toutes façons à envahir les lieux, promettant de les rendre rapidement infréquentables.

La façon dont nous avons visité Koya-san me paraît vraiment idéale : outre que le trip « nuit dans un temple » est très chouette, c’est aussi un moyen de tout visiter tranquillement sans personne, en fin d’après-midi puis au petit jour, alors que venir seulement pour la journée depuis une ville proche signifie se trouver sur les sites en même temps que toute la foule des visiteurs…
Ce moment de l’année est également optimal pour profiter des visites et des hébergements sans souffrir du froid (vu que là, fin août, c’était juste la bonne température, j’imagine qu’à partir de l’automne on doit commencer à ne plus trop trouver le côté « chambre séparée du jardin par une simple moustiquaire » aussi charmant !).

A noter : la ville comprend aussi le mausolée de la dynastie Tokugawa, trois tombes des Minamoto et celle d’Oda Nobunaga, mais nous n’avons pas eu le temps de les voir.

(à suivre…)

3 réflexions sur “ Deux semaines au Japon [5/7] ”

  1. Vortigern sur

    Je peux maintenant le dire… l’attente devant la chambre en sortant du bain n’a pas été si désagréable car j’en ai profité pour écouter, dans les couloirs déserts du temple, un moine qui s’exerçait à la guitare.

    Marion.

  2. Akodostef sur

    Hé ben ! Comme quoi ces articles ne sont pas complètement inutiles, hein !

  3. stoeffler sur

    Vous avez fait une partie de Trone de Fer recemment?
    8P

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