The National (Zénith de Paris, 18 Novembre 2013)

C’est une collègue de Vorti qui lui a fait découvrir The National. Étant d’un naturel mélomane et curieux, et ne consacrant plus assez de temps à la découverte de nouveaux groupes par moi-même, j’avais jeté une oreille à leurs albums, en commençant par leurs premiers.

Comme je n’ai pas réussi à aller jusqu’au bout de l’écoute des 5 albums (Trouble Will Find Me, le dernier album, n’était pas encore sorti), saoulé par une musique que je trouvais molle et répétitive, l’impression qui m’en était restée était qu’il s’agissait d’un groupe globalement barbant, jouant des morceaux lents et monotones, avec heureusement quelques fulgurances (notamment Fake Empire, que je vous mets en illustration ci-dessous).

Clairement, avec The National, on est plutôt dans la veine « intello » du rock, que dans le Cock Rock. Le fait qu’ils recourent aussi fréquemment à des structures musicales atypiques (avec des morceaux composés en 7/8, 3/4, etc.-c’est-à-dire un nombre de mesures asymétriques, contrairement à la plupart de la musique généralement produite en Occident, dont le rythme est binaire (4/4 essentiellement)) me faisait d’ailleurs les ranger sans problème dans la famille du « Math Rock » (vous avez vu comme je suis fort pour attribuer des étiquettes ?), mais apparemment je suis le seul à penser ça : personne ne l’évoque jamais dans les articles que j’ai lus les concernant.
Comme Vorti a néanmoins pas mal accroché, et que Fake Empire avec son rythme original et le jeu très créatif du batteur m’avait suffisamment séduit pour me donner envie d’en entendre davantage, j’avais décidé de lui offrir des places pour leur concert au Zénith du 18 novembre 2013, espérant -en plus de lui faire plaisir- les découvrir réellement en les écoutant sur scène : je suis un optimiste comme ça.

Le concert s’est ouvert sur l’apparition sur le grand écran qui occupait toute l’arrière-scène, du groupe vu depuis les coulisses, image artistiquement détériorée par un second film en surimpression aux couleurs dé-saturées ; un dispositif que j’ai trouvé sobre mais élégant, et qui a été conservé ensuite sur l’ensemble du concert pour donner un accompagnement visuel, une tonalité complémentaire à certains titres.
Quoiqu’élégant dans son costume trois-pièces noir, le frontman Matt Berninger n’avait pas l’apparence que j’avais imaginée à l’écoute de sa voix : avec sa barbe épaisse et ses lunettes, il avait l’air plus âgé et bien moins séducteur que je n’avais supposé, ce qui me l’a rendu aussi plus sympathique.

Le premier morceau, Don’t Swallow the Cap, m’a lui aussi surpris : d’une part, il était plutôt énergique, et d’autre part, le chanteur quittait les barytons qui définissent pourtant assez nettement l’identité sonore de The National pour une voix un peu plus haute que sur les disques, me faisant redouter que cette voix ultra basse des albums ne soit qu’un effet de studio. Heureusement, la suite m’a détrompé, et Berninger a retrouvé pour le reste du concert sa séduisante signature vocale, un peu plus déchirée que sur disque (et qu’il se sera évertué à déchirer encore un peu plus sur certains morceaux, là encore de façon assez inattendue pour moi, qui n’avais pas entendu ces éclats de voix sur les albums).

Je me suis retrouvé à vraiment apprécier le concert dès ces premières minutes, les arrangements des morceaux en live leur donnant bien plus de vitalité que leur morne version studio, les explosions instrumentales gagnant considérablement en puissance et en émotion, même si, vers le dernier tiers du concert, j’ai commencé à trouver un peu répétitif le schéma quasi-systématique « entrée moribonde, puis montée croissante vers la tempête finale ».

Le rappel aura été marqué par deux petits « événements » sympathiques : d’abord la descente du chanteur dans la fosse pendant l’un des tous derniers morceaux, un geste plutôt risqué que je vois prendre de plus en plus souvent, mais qui continue à faire son petit effet et qui surprend d’autant plus de la part d’un groupe réputé « intello » ; puis le dernier morceau du concert (Vanderlyle Crybaby Geeks), joué en acoustique avec une seule guitare, le groupe rassemblé à un mètre du micro pour laisser le public chanter avec eux -un moment émouvant de communion avec des fans à la hauteur, qui reprenaient les paroles en chœur sans jouer les timorés (ce qu’on aurait pu redouter de la part d’un public lui aussi supposé « intello »).

Dans les semaines qui ont suivi, et comme souvent après un bon concert, j’ai eu envie de réécouter leurs albums plus attentivement, espérant retrouver les bons moments vécus en live et imaginant que j’avais dû manquer d’attention sur mes premières écoutes.
Hé bien non au final : je continue de trouver que sur album, The National est un groupe qui produit essentiellement des chansons monotones, lentes et barbantes. Je réitère donc mon jugement initial, même si les choses changent à partir de leur antépénultième album, Boxer, très bon, et que les suivants (High Violet et Trouble Will Find Me) contiennent suffisamment de bon morceaux pour me donner envie de les écouter à l’occasion.

J’ai aussi été archi déçu en me penchant avec un peu plus d’attention sur les textes de Matt Berninger, dont on retient  facilement certaines phrases accrocheuses (« We’re half awake/ in a fake empire » (Fake Empire), « Little voices swallowing my soul » sur le magnifique final d’Afraid of everyone, en illustration ci-dessous). S’agissant d’un groupe « intello », je m’attendais à des paroles profondes, engagées ou poétiques… et en fait elles n’ont aucun sens. Et là, franchement, il y a un moment où la « licence poétique » ne peut pas tout justifier : ça ne raconte rien, ça n’évoque rien, ces textes sont du foutage de gueule, indigne de la complexité d’écriture du reste de la musique de The National.

Reste que je retournerai volontiers les voir sur scène, où leurs arrangements sont beaucoup plus énergiques et mélodiques : malgré la tonalité globalement négative que prend peut-être cette chronique, j’ai passé un très bon moment avec eux sur ce concert au Zénith !

 

 

La playlist du concert (merci setlist.fm):

Don’t Swallow The Cap
I Should Live In Salt
Sorrow
Bloodbuzz Ohio
Demons
Sea Of Love
Hard To Find
Afraid Of Everyone
Conversation 16
Squalor Victoria
I Need My Girl
This Is The Last Time
Exile Vilify
Abel
Slow Show
Pink Rabbits
England
Graceless
About Today
Fake Empire

Rappel :
Lean
Humiliation
Mr. November
Terrible Love
Vanderlyle Crybaby Geeks

2 réflexions sur “ The National (Zénith de Paris, 18 Novembre 2013) ”

  1. Stoeffler
    Stoeffler sur

    Interessant…

    Je suis assez de ton avis sur les differences entre prestations sceniques et celles sur CD.
    Recemment, j’ai ressenti bcp de difference entre l’energie et le punch qui se degageait d’un groupe sur scene puis la deception d’ecouter l’album et d’entendre un son contenu et souvent barbant. Cet effet est d’autant plus accuente lorsque tu decouvres un groupe d’abord en live, puis qu’ensuite tu achetes leur galette.

    Mes deux zenis…

  2. Akodostef sur

    D’après la collègue de Vorti qui est fan du groupe et qui les a déjà vus plusieurs fois sur scène, leurs arrangements sont d’habitude plus pêchus encore que lors de ce concert au Zénith, qu’elle a trouvé, elle, un peu mou par rapport à ce qu’elle avait vu précédemment. Je me demande du coup ce qu’elle aime sur les versions albums ! Mais bon…

    Pour moi, il y a quelques années, les versions studios étaient forcément meilleures que les live, parce qu’en studio, tu maîtrises tout, tu n’enregistres que les partitions parfaitement exécutées, et tu rends le son que tu veux, à la différence d’un concert où le son échappe largement à la maîtrise des artistes. Pour The National par exemple, une de leurs chansons que je préfère, Fake Empire, fonctionne mieux en version album que sur scène, peut-être parce que son tempo bizarre donne l’impression qu’il y a un problème quand on l’entend en direct, peut-être parce qu’elle perd un peu de puissance à être jouée sur une grande scène alors qu’elle n’a besoin que d’un piano, une batterie et une voix pour fonctionner ; mais en dehors de cette exception, tout était mieux sur scène…

    Aujourd’hui mon avis est donc plus partagé : selon les morceaux, selon les circonstances, le studio ou la scène peuvent être préférables. Le plus fort, c’est quand un groupe réussit à produire un morceau aussi génial sur disque que sur scène. Ça existe !

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