We Are Four Lions (Chris Morris, 2010)
Pas top en phase avec l’actualité puisque ce film n’est plus visible en France depuis plus d’un mois (après l’avoir été difficilement -n’étant proposé que dans 3 salles sur la région parisienne-, pendant à peine trois semaines), je rédige enfin mon article sur We are four lions (dont le titre original – Four lions – nécessitait clairement qu’on lui trouve ce nouveau titre pour la version française).
C’est Jika qui était tombé sur la bande-annonce (cf ci-dessous), nous l’avait fait suivre et nous avait du coup donné à (presque) tous envie de voir le film : dans le genre bande-annonce tordante, celle-ci se posait là, quand même.
L’histoire est celle de 5 musulmans immigrés vivant dans la province anglaise, et qui décident de se lancer dans le djihad, sans tous vraiment savoir pourquoi (par haine viscérale de tout ce qui existe pour l’un, par bêtise pour un autre, pour faire comme les copains pour un troisième,…). Leur problème, outre leur inexpérience, c’est qu’ils sont aussi presque tous d’une bêtise crasse, et le film, sur le ton de la comédie outrancière, raconte en forçant franchement le trait leurs aventures de pieds nickelés souvent grotesques.
J’ai bien aimé le film, qui m’a fait souvent sourire même si comme souvent avec les comédies, la plupart des meilleurs sketches étaient dans la bande annonce (à part notamment un, dans lequel les apprentis-terroristes utilisent un forum pour enfants pour se réunir en toute discrétion, et discutent par l’intermédiaire de leurs avatars puffins, très marrant).
Reste que le film cause un certain malaise : on a déjà vu des films avec des malfrats tellement mauvais qu’ils en deviennent ridicules (Arnaques, crimes et botanique, Louise-Michel,…), mais le terrorisme est un crime qui, parce qu’il vise précisément la mort de civils sans distinction, prête moins à sourire. Le choix du thème est donc, au moins, provocateur, d’autant plus que les anglais ont reconnu dans l’escouade de 4 islamistes provinciaux du film une bande très -trop- similaire à celle qui a causé la mort de 56 personnes à Londres en juillet 2005.
Peut-on rire d’un événement de ce genre ? Eh, pourquoi pas : Chaplin tournait bien Hitler en ridicule dans Le dictateur et je trouve généralement plutôt salutaire de ne pas s’interdire de parler de quoi que ce soit, tant que l’auteur a conscience de l’enjeu supplémentaire dont son propos se retrouve chargé, et qu’il se montre capable du talent ou de l’adresse suffisante pour éviter de se vautrer avec son sujet casse-gueule.
Le pari est-il réussi ici ?… pas tout à fait, en vérité. La faute au personnage central de l’histoire, le seul qui soit globalement sensé et intelligent dans cette foire où personne n’est épargné (les services secrets, les forces de l’ordre, les politiciens, ou encore les fondamentalistes rétrogrades mais pacifistes ne sont pas plus brillants que les terroristes). Le fait que ce personnage, en apparence parfaitement intégré à la civilisation occidentale, ne se pose jamais la question du bien fondé de son projet et soit persuadé de bout en bout qu’il est tout à fait légitime, ce en quoi sa femme et son fils le confortent de façon incompréhensible, comme si tout ça était très ordinaire, fait s’interroger sur le propos du réalisateur. Le final, étonnamment pessimiste, du film, me laisse quand même penser qu’il juge ces actions dérisoires et vaines, mais je continue à me demander si avec ce personnage de bon père de famille intégré mais djihadiste, il veut signifier que se faire exploser avec des passants pour gagner la gloire éternelle ce n’est pas si grave, ou s’il veut dire que des gens qui sont apparemment de bons voisins peuvent en vérité être de vils terroristes projetant de tuer un maximum de leurs concitoyens…
Une idée qui fait débat et qui approche dangereusement du racisme paranoïaque, mais qui ne parait pas si inconcevable à une époque ou un nombre de gens de plus en plus important juge qu’il est approprié qu’une femme soit harnachée sous une cape intégrale ne laissant voir que ses yeux, parfois au travers d’une grille, une conception qui est pour moi toute aussi hallucinante et incompréhensible que celle de vouloir se donner la mort en emportant le plus grand nombre possibles de passants au hasard, notamment quand on mène une existence agréable et accomplie.
Au final, We are four lions est un film gentiment marrant, mais qui comme le promettait son pitch dès le départ, met un peu mal à l’aise.
Pour l’anecdote, saviez-vous que le réalisateur, Chris Morris, est aussi l’acteur qui incarnait le terrible Denholm Reynholm (« Are you sure ?« ) de l’excellente série IT Crowd ?
Et pour finir, une spéciale dédicace au type qui était assis à côté de moi, qui a mangé son KFC pendant la première moitié du film avant de s’endormir en ronflant. Bâtard !
On prenait pour un gag un peu poussif les idées de l’islamiste haineux qui encourage ses potes à viser des musulmans avec leurs attentats pour les pousser à réagir… et Anders Behring Breivik nous prouve que non : les terroristes peuvent vraiment avoir ce genre de raisonnement malade… :/
J’ai lu un truc récemment (dans Courrier International je crois) où il était mention de deux théories qui s’étaient opposées au sain d’Al Quaida et concernant les attentats visant au moins en partie des musulmans : est-il « justifié » (vous noterez les guillemets !) de tuer des musulmans qui n’adhèrent pas à l’idéologie extrémiste (qui sont alors considérés tout simplement comme des kafirs, des non musulmans) ?
Pour aller au paradis avec les 1000 vierges, tapez 1 ; pour mourir bêtement à cause des idées nauséabondes d’un autre, tapez 2 ; pour voir une vidéo marrante, cliquez ici.