Les procès faits aux animaux

Cette idée d’article remonte à mon voyage à New-York en septembre dernier, lorsque je suis tombé sur une façade d’immeuble repeinte aux couleurs d’un cabinet d’avocats pour animaux. Je m’étais immédiatement dit que ce serait une idée d’écrire un article léger sur le sujet, avec en toile de fond la fameuse rengaine « sont fous ces américains ».

L’idée, comme tant d’autres, était passée.

Puis récemment, elle m’est revenue à l’esprit, à l’occasion d’une de mes lectures à propos de la mort d’un roi méconnu, Philippe : couronné et sacré roi à 13 ans, le roi Philippe en a 15 lorsqu’en octobre 1131, il décède suite à une chute à cheval provoquée par un cochon s’étant jeté dans les pattes du destrier (à l’époque, effectivement, les cochons pullulent dans les grandes villes et y jouent le rôle d’éboueurs : grâce à son appétit vorace, le porc, qui déambule donc librement dans les faubourgs, engloutit les déchets humains qui s’y entassent). Il n’est donc pas rare que des accidents comme celui-ci surviennent, mais suite à la mort du roi, la divagation des porcs sera interdite en ville.

L’Histoire ne dit pas ce qu’il est advenu du cochon régicide, mais même après cette interdiction, il ne fut pas rare que des enfants soient attaqués et tués par des porcs affamés… Ces bêtes furent parfois jugées et condamnées à mort : saviez-vous que pendant près de 600 ans (à compter du 12ème siècle), on jugea et condamna des animaux, les exécutant par le feu, la pendaison, la décapitation, etc. ?

De fait, toutes sortes d’animaux s’attirèrent les foudres de la justice au travers des siècles : taureaux, bœufs, porcs, chats et même des insectes !

Barnabé Warée, dans ses Curiosités judiciaires, publiées en 1859, cite par exemple :

  • 1120 – Mulots et chenilles excommuniés par l’Évêque de Laon
  • 1266 – Pourceau brûlé à Fontenay, près de Paris, pour avoir dévoré un enfant.
  • 1314 – Taureau pendu dans le comté de Valois pour avoir tué un homme à coups de cornes
  • 1404 – Trois porcs suppliciés à Rouvres, en Bourgogne, pour avoir tué un enfant dans son berceau.
  • 1451 – Sangsues excommuniées par l’Évêque de Lausanne, parce qu’elles détruisaient les poissons.
  • 1474 – Coq condamné à être brûlé, par sentence d’un magistrat de Bâle, pour avoir pondu un œuf.
  • 1499 – Taureau condamné à la potence pour avoir encorné un jeune homme.
  • 1585 – Expulsion de chenilles du diocèse de Valence par le grand vicaire qui leur avait octroyé un procureur pour assurer leur défense.

La procédure était extrêmement formalisée, avec arrestation et mise en détention de l’accusé, mise en accusation, audition des témoins, débat contradictoire, etc.

Rapidement, des voix s’élevèrent contre ces pratiques comme par exemple au 13ème siècle Philippe de Beaumanoir, jurisconsulte : « ceux qui ont droit de justice sur leurs terres font poursuivre devant les tribunaux les animaux qui commettent des meurtres; par exemple lorsqu’une truie tue un enfant, on la pend et on la traîne ; il en est de même à l’égard des autres animaux. Mais ce n’est pas ainsi que l’on doit agir, car les bêtes brutes n’ont la connaissance ni du bien ni du mal »

Cette position minoritaire ne fut pas suivie : excepté dans les cas de zoophilie (auquel cas l’animal était jugé en même temps que son partenaire humain et tous les deux étaient le plus souvent exécutés), ce n’est qu’à partir des 15ème et 16ème siècles que l’on commença à se retourner vers le propriétaire de l’animal ayant causé le dommage.


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *