Mêmesprit

Je me souviens parfaitement de la première fois que j’ai entendu les Gossip. Nous étions en vacances entre potes dans les Gorges de l’Ardèche, et Stoeffler avait ramené leur 3e album, Standing in the way of control, que nous écoutions dans la voiture sur la route. J’avais été assez peu réceptif au départ, trouvant qu’effectivement la chanteuse (l’aujourd’hui fameuse Beth Ditto) avait un coffre impressionnant, mais trouvant leur son un peu trop dépouillé et froid (rappelons qu’il y a donc une seule guitare, une batterie, et la chanteuse). Le morceau qui m’avait finalement retourné était le génialissime Yr mangled heart, qui reste mon morceau préféré à ce jour, irrésistible et pour lequel je suis descendu de voiture pour me mettre à danser (bon, il y avait une exigence de pause pipi de la part d’un des passagers, mais j’aurais pu rester dans la voiture ! ^_^). Ma réserve conservatrice vaincue par ce morceau, je me suis laissé séduire par l’album entier, excellent de bout en bout, dansant et plein d’énergie, que je me suis acheté rapidement en rentrant à Paris.

J’ai ensuite redécouvert les deux premiers albums du groupe (That’s not what I heard et Movement), qui m’ont moins emballé parce que moins dansants que Standing in the way (…), plus primaires, avec un chant plus criard. Plus punk, quoi, et moins funk. Le dernier album, paru en 2009, Music for men, grâce au carton de Standing in the way, a connu à son tour un gros succès public, la carrière des Gossip étant désormais lancée. Poursuivant la trajectoire musicale du groupe, l’album est encore moins âpre que Standing in the way, et son son, s’il reste rock, est finalement plus pop que punk ; même si certains morceaux sont très bons et que j’apprécie l’album dans son ensemble, il ne me paraît pas du même niveau que le précédent, qui restera sans doute leur Nevermind, leur Violator, leur Blue album, bref, leur indépassable apogée.

J’avais déjà vu quelques prestations scéniques du groupe, et compte tenu de leur style musical, j’imaginais naturellement que la scène devait bien convenir à leur énergie dansante… mais je trouvais que la chanteuse criait plus que nécessaire, ce qui gâchait un peu l’ensemble. Quelques semaines avant le jour J, je n’étais donc pas bouillant pour le concert au Bataclan (les concerts, en fait, puisque devant le succès prévu du show, deux soirées consécutives, puis finalement 3 les 15, 16 et 17 novembre 2009 furent retenues ; nous ne sommes évidemment allés qu’au premier), plutôt dans l’expectative compte tenu de l’impression mitigée que m’avait fait le dernier album et redoutant que ça ne braille trop. Heureusement, le groupe a donné un « concert privé » dans la (très chouette) émission du même nom sur Canal+, jouant l’intégralité de Music for men avec une sonorité rock plus tonique et moins surproduite que celle de l’album : cette prestation quelques semaines avant la date du concert m’a réconcilié et avec l’album et avec le chant en live de Beth Ditto.

C’est donc finalement avec grand plaisir que je me suis rendu avec Vorti au Bataclan ce dimanche soir-là, et il n’y avait effectivement rien à regretter : le son était parfait, la salle de taille presque idéale pour apprécier le jeu de scène du groupe, qui a joué impeccablement avec énergie et bonne humeur et le show était assuré par une Beth Ditto qui en faisait beaucoup (enlevant sa robe à mi-parcours -il est vrai qu’il faisait trèèèèèèèèèès chaud- pour finir en maillot une pièce noir menaçant de laisser jaillir à tout moment l’un de ses énormes seins), mais pas trop. J’ai quand même regretté le final, où chantant leur morceau le plus connu, l’excellent Standing in the way of control, elle est descendue dans le public -ce qui a priori est plutôt sympa-, traversant la salle entière… et entraînant avec elle l’attention de tout le public, qui se détournait progressivement de la scène pour la regarder progresser, pendant que les autres membres du groupe continuaient de jouer avec tout le monde qui leur tournait le dos. Un peu dur pour eux, d’autant que bien que Beth Ditto remplisse remarquablement son rôle de chanteuse-bouteuse de feu et captive efficacement l’attention, sur scène et hors scène, les autres membres du groupe (le guitariste Brace Payne (qui joue aussi remarquablement du clavier à un doigt), qui fait pour moi l’essentiel du son du groupe ; la batteuse Hannah Billie dont le frisé fait aussi beaucoup pour le côté funky de leur musique; et le nouveau venu à la basse -uniquement sur scène- avec sa tête de tout gentil, et qui est tellement peu estimé que je n’ai pas réussi à trouver son nom sur le Net, même sur le site du groupe Oo) n’en sont pas moins excellents et avec leurs dégaines tout aussi improbables que celle de la chanteuse, mériteraient à mon sens un peu plus de considération de la part du public comme des médias.

A part ce léger bémol, l’ambiance était excellente, et ce concert se classe facilement dans mon top 10 des meilleurs concerts auxquels j’aie assisté. Les Gossip repassent à Paris les 25 et 26 mai 2010 et à Strasbourg le 1er juin : il reste des places pour ces deux dernières dates, si leur musique vous botte au moins un peu, je vous recommande de prendre vos billets, le show devrait achever de vous convaincre !