Mêmesprit

Ça fait bien longtemps que je n’avais plus écrit de récit de voyage ici, mais le moment est venu de rattraper le temps perdu avant que ma mémoire (la mienne, pas celle de mon ordinateur) ne perde tout. Histoire que l’article puisse éventuellement intéresser deux ou trois personnes en plus de ma famille et des gens qui étaient avec nous là-bas, je vais comme pour les récits de voyage précédents indiquer avec une notation allant de * (archi-pourri) à ***** (mérite de faire le voyage à lui tout seul) mon appréciation des lieux où nous sommes allés et des endroits où nous avons mangé. Pour ceux qui veulent encore plus d’images que ce que j’ai déjà mis en illustration dans l’article, vous trouverez aussi ici un album complet avec nos meilleures photos.

5 jours à Barcelone à Pâques en 2014, vamos !

Vendredi 18 avril :

Vue de Barcelone depuis les hauteurs du Parc Güell

Nous sommes partis à 8 (4 couples) mais en deux vagues de 4. Du fait d’un léger malentendu, j’avais pris des billets pour la fin de matinée qui nous ont fait arriver vers 15h à l’appartement que nous avions loué ensemble alors qu’un rendez-vous avait été fixé au départ à 13h (et pas 15h) (13, pas 15, vu ?). Le bon côté c’est que du coup on ne s’est pas levés à l’aube et qu’on était en pleine forme pour attaquer ce week-end prolongé, le mauvais côté c’est que du coup les autres n’ont pas complètement pu commencer à profiter du séjour avant qu’on arrive (en fait, si apparemment : comme il faisait beau, ils ont fait des balades dans le quartier pour découvrir et ça n’était pas du temps complètement perdu, ouf). Comme en plus il y a eu un retard d’une vingtaine de minutes à l’embarquement, ça n’a pas arrangé nos affaires.

Vue du Parc Güell depuis le « Calvaire »

C’est donc seulement vers 15h30 que nous sommes arrivés à notre hébergement : le « Beautiful Bohemian » *** de Sergio dans un appartement fin XIXe mélangeant mobilier moderne et déco d’époque (sol en carrelage à l’ancienne, fresques murales d’origine), loué sur Air B’n’B (site sur lequel les particuliers peuvent mettre leur appartement en location, que je ne connaissais pas du tout mais qui depuis qu’on a loué chez eux ont pu visiblement se permettre une campagne d’affichage massive dans le métro parisien puisqu’à partir de là, ils étaient partout Oo).  L’appartement est situé dans le Raval (quartier réputé mal famé de Barcelone, mais en fait ça va), à 2mn de la Place de Catalogne, archi centrale, près de la Rambla (les « Champs Elysées » de Barcelone, pour le dire vite) et du Barri Gotic : un emplacement assez idéal. Je me souviendrai quand même de notre lit tout grinçant, légèrement plié en deux au milieu (idéal pour dormir tout collé contre l’autre en amoureux, certes), avec la partie haute (là où on pose sa tête) inclinée vers le bas… L’appart est très bien, les lits mouaif-mouaif.

Le « dragon » de la fontaine

Bref, vous n’êtes pas là pour que je vous raconte mes nuits (rappelez-moi ce que vous faites là d’ailleurs ?), une fois nos affaires posées, nous avons commencé la découverte de Barcelone pour de bon, en prenant le bus jusqu’au Park Güell***.
Prévu à l’origine pour être une cité-jardin avec 60 maisons à l’intérieur, le parc conçu par l’incontournable (à Barcelone, son nom est partout !) architecte catalan Antonio Gaudi est finalement resté inachevé faute de moyens pour financer les constructions et on ne trouve donc aujourd’hui que trois maisons à l’intérieur du parc.

Le double escalier menant à la terrasse

Arrivés à l’entrée, nous avons eu l’immense bonheur d’apprendre qu’il y avait désormais un système de réservation pour entrer dans la partie principale du parc, celle dans laquelle se trouvent les constructions de Gaudi -ce qui a l’avantage d’éviter qu’il y ait trop de monde à l’intérieur, qui élimine de fait la présence des vendeurs à la sauvette qui colonisaient apparemment la terrasse, mais qui nous a pris totalement au dépourvu : le premier créneau pour lequel nous avons pu obtenir des entrées était deux heures plus tard… Vu l’heure qu’il était et le temps de trajet pour arriver là, il n’était pas question de renoncer pour autant, sauf à considérer qu’on ne ferait rien de cette première journée, et nous avons donc passé ces deux heures à marchouiller dans la partie du parc restée libre d’accès, pour une flânerie agréable, mais en mode exagérément ralenti ce qui a un peu agacé tout le groupe.

Une maison qu’on croirait faite de bonbons et de pain d’épices !

Il y a pourtant de jolies choses à voir dans ce parc, entre les aqueducs construits pour ressembler à la végétation qui les entoure, et les nombreux panoramas sur la ville, dont celui depuis la surélévation destinée à l’origine à accueillir la chapelle de la cité-jardin, marquée aujourd’hui par une simple croix. Une fois autorisés à pénétrer dans le saint des saints, nous avons passé un bon quart d’heure à faire des photos de groupe sur l’original et ingénieux banc ondulé de la terrasse de mosaïques (on parle ici de trencadis) prévue à l’origine pour accueillir le marché de la cité. Puis nous sommes descendus, découvrant les 84 colonnes mi-doriques mi-classiques -dont certaines étonnamment penchées- qui soutiennent le plateau ;  poursuivant notre visite à l’envers (nous arrivions là à ce qui est normalement l’entrée principale du parc), nous avons descendu le double escalier ondulé de mosaïque blanche qu’habite le fameux « dragon de la fontaine », très coloré… et puis nous sommes partis. Bizarrement, après avoir passé tant de temps à visiter le reste du parc au ralenti, nous avons ensuite très (trop à mon goût) rapidement évacué la partie pour laquelle nous avions payé, n’accordant clairement pas assez d’intérêt aux deux maisons qui encadrent cette entrée, pourtant typiques du style Gaudi et très chouettes avec leur aspect de « maisons pain d’épices » tirées d’un conte de Grimm.
Pour vraiment profiter du Parc Güell, et pouvoir le visiter au bon rythme, un seul conseil, donc : réservez !

Sous la terrasse, les colonnes mi-doriques, mi-modernes

Nous avons conclu cette premier journée par un dîner En ville****, (c’est le nom du restaurant), une sorte de bistrot chic… à la française. Pas très typique, donc, mais très bien néanmoins.

Samedi 19 avril :

Plafond surélevé de la Cathédrale Santa-Creu

Notre deuxième journée a commencé par un petit-déjeuner au Forn de Betlem***, une petite boulangerie de quartier sans prétention, pas chère et tout à fait correcte.

Nous sommes ensuite partis visiter le Barri Gotic, quartier médiéval de la Vieille-ville de Barcelone qui constitue l’un des « immanquables » pour quiconque vient découvrir la ville, avec un passage pour commencer par la Cathédrale Santa Creu**** (Sainte-Croix, en bon français, souvent surnommée La Seu par les Catalans), majestueuse et impressionnante de hauteur. Bénéficiant d’un éclairage très réussi qui met en valeur son atmosphère  (nous avons eu la chance en plus de visiter pendant un office et avions donc en bonus le chant des prêtres), la cathédrale abrite aussi deux curiosités qui contribuent à la distinguer de ses semblables : d’une part, on trouve dans la salle de prière le « Christ de Lepante », une sculpture du Christ en croix qui se tenait à la proue de l’un des navires lors de la Bataille de Lepante (l’une des plus importantes batailles navales de l’Histoire, opposant les Ottomans aux Chrétiens et considérée par certains historiens comme marquant la fin de l’expansionnisme Ottoman) : c’est la position étonnante du Christ (le bassin très excentré) qui lui vaut sa réputation, la légende voulant qu’il se soit ainsi décalé pour éviter un boulet de canon lors de la bataille… Plus loin, c’est le cloître, fameux pour les 13 oies qui l’habitent en permanence (en hommage à une jeune gardienne d’oie de 13 ans qui subit à l’époque romaine 13 martyrs, et qui est devenue depuis Sainte Eulalie, patronne de Barcelone). La cathédrale abrite aussi en son chœur des stalles décorées des armes des Chevaliers de la Toison d’Or, mais du fait de l’office religieux qui avait lieu lors de notre visite, nous n’avons pas pu les voir, pas plus que la crypte qui abrite les restes de Sainte Eulalie.

Il y a quelques passages notables dans le Barric Gotic, mais personnellement j’ai été plutôt déçu de la visite du quartier lui-même. Les guides recommandent par exemple tous de visiter la Placa Sant Jaume**, qui n’a à mon sens pas le moindre intérêt ; j’avais trouvé très chouette le pont qui surplombe la Carrer del Bisbe Irurita, mais je découvre en rédigeant cet article qu’il date en fait de 1928 (ce qui ne l’empêche pas d’être chouette, mais contribue à faire de la visite du soi-disant « quartier médiéval » une sorte d’escroquerie assez décevante).
En nous baladant dans les rues, nous sommes tombés sur des musiciens qui jouaient du hang, un instrument de percussion au son étonnant, proche de celui d’une harpe, qu’on ne rencontre probablement nulle part ailleurs dans le monde (il est mentionné dans les guides, c’est dire s’il est lié à la ville), mais qui a été inventé en réalité… en 2000, en… Suisse. Là non plus, ça n’empêche ni la découverte ni l’expérience d’être plaisantes, mais ça entache pas mal le côté « authentique » de la visite. Bref, le Barri Gotic** ne m’a pas enthousiasmé.

La Carrer del Bisbe Irurita

Nous avons ensuite pas mal galéré pour trouver un endroit où déjeuner. Personnellement je trouve toujours que l’idéal quand on est en visite, c’est de faire un gros petit-déjeuner pour pouvoir se permettre de sauter le repas du midi, et d’éviter de perdre deux heures à chercher un endroit, y aller, puis y manger- et c’est exactement ce qui s’est passé : on a perdu deux heures à aller d’un endroit à un autre sans trouver ce qui conviendrait à tout le monde, le fait qu’on soit 8 avec des appétits différents n’arrangeant rien à l’affaire (comment ça le ton de cet article est en train de tourner à la bougonnerie d’un vieux grincheux ??!). Nous avons fini par aller au Stoke***, un petit bar à tapas qu’avait repéré Nadège lors de la première journée, où nous avons déjeuné de tapas simples mais très correctes.

La statue de Christophe Colomb (qui pointe vers la Méditerranée, et pas les Amériques)

Une fois restaurés, nous avons marché jusqu’à la marina, croisant la statue de Christophe Colomb qui du haut de sa longue colonne, montre du doigt la direction à suivre (celle de la Méditerranée en l’occurrence, et non les Amériques !), plus loin la statue du Visage de Barcelone de Roy Lichtenstein, pas très réussie à mon goût (mais je dois devenir réactionnaire avec l’âge). Nous sommes tombés par hasard sur un magasin de hamacs quinze minutes après que Gary ait justement évoqué qu’il aimerait trop en avoir un chez lui. Nous avons passé un petit moment dans la boutique le temps que Gary et Catherine choisissent celui dont ils allaient effectivement faire l’acquisition (on ne se détourne pas comme ça d’un signe ostensible du destin !), profitant dans l’attente du confort des hamacs (et c’est vrai que ça donne envie d’en avoir un chez soi !), puis nous nous sommes séparés en plusieurs groupes : avec Marion nous sommes partis vers le quartier de La Ribera pour visiter notamment la basilique gothique Santa Maria del Mar**, très sobre, dont la particularité est qu’elle fut construite en seulement 55 ans (une prouesse), et qu’elle fut financée par les commerçants du quartier et construite par les marins de la Ribera eux-mêmes : c’est en quelque sorte (et c’est apparemment vrai encore aujourd’hui) l’église du peuple.

La façade du Palau de la Musica Catalana

Nous avons ensuite gagné la plage***, où nous avons retrouvé les autres par hasard (enfin pas complètement : on savait que c’était là qu’ils étaient allés, eux, directement -j’imaginais juste qu’ils auraient terminé leur balade bien avant nous qui avions fait un détour), et marché avec eux jusqu’à la baleine (El Peix)*** de métal de 35m sur 54 de Frank Gehry.

Nous avons enfin effectué un dernier détour par le Palais de la Musique Catalane***, bâtiment luxueux décoré par Lluis Domenech i Montaner, l’une des importantes figures du modernisme catalan avec Gaudi. Nous ne sommes pas rentrés à l’intérieur (je ne suis pas sûr qu’on puisse, sans avoir de billet pour une représentation, et puis il commençait à être tard et nous étions tous assez claqués), et les petites rues qui l’entourent manquent un peu de recul pour permettre d’en apprécier vraiment la façade, mais ce qu’on en a vu était déjà séduisant.
Après cette journée très chargée, nous avons dîné tranquillement le soir de pâtes à l’appart pendant que les aficionados (saviez-vous qu’aficionado désigne à l’origine précisément les amateurs de corrida, avant que l’usage étende son emploi à l’ensemble des gens qui aiment quelque chose ?) du Burger King se régalaient de leur (déjà !) deuxième burger du séjour.

Dimanche 20 avril :

Nous avons pris notre petit-déjeuner au bar Dos Trece**, où la musique était cool, mais le menu légèrement étriqué (« alors, oui on peut vous servir un petit-déjeuner, par contre désolés, on n’a plus de chocolat, on n’a plus de lait, on n’a plus de jus d’orange, on n’a plus de viennoiseries, on peut rien vous faire à base d’œuf,… »), et assez cher.
Puis, nous avons commencé notre « marathon Gaudi », qui a commencé par ce qui fut pour moi une vraie surprise, et le clou de ce séjour, le Palau Güell*****, ancienne résidence d’un riche industriel, conçue par Gaudi, d’une splendeur, d’une originalité et d’une richesse de détails, de matériaux et de finesse d’ouvrage comme je n’en avais encore jamais vues. Du parquet en briques de bois (pour atténuer le bruit des sabots des chevaux) de l’entrée, aux murs de marbre multicolore, des ferronneries incroyablement élaborées à la marqueterie des plafonds, chaque pièce regorge de détails magnifiques qui renforcent le prestige de ce lieu unique, culminant dans la salle de bal centrale dont le plafond en coupole est percé de minuscules ouvertures qui lui donnent l’apparence d’un ciel étoilé. Même les anciennes écuries, au sous-sol, sont magnifiques !

Pièce centrale du Palau Güell

Une visite absolument incontournable, à effectuer avec l’audioguide pour bien prendre le temps de profiter de chaque pièce, en comprendre la fonction et ne pas risquer de manquer les subtilités de la construction ou de la décoration. Mémorable ! (tiens, allez, je crée un album spécifique avec nos meilleurs photos du palais pour vous permettre de comprendre ce que je veux dire sans avoir à farfouiller dans tout l’album de Barcelone)

Nous avons poursuivi avec un passage au Centre de l’Image (dans le baroque Virreina Palace, qu’on a pour le coup à peine regardé), pour jeter un oeil à une expo rassemblant des œuvres du début de carrière du photographe anglais Martin Parr, « Les non-conformistes »**. Quelques photos ironiques et/ou amusantes, un témoignage sur un mode de vie et une communauté en voie de disparition (disparue depuis, d’ailleurs), l’exposition se visite assez rapidement.

Vue sur le puits de lumière depuis le toit de la Pedrera

C’est ensuite à la Pedrera** (dont le véritable nom est en fait Casa Milà) que nous sommes allés. Cette autre œuvre majeure (et l’une des dernières) de Gaudi est un immeuble de 6 étages surtout célèbre pour sa façade toute en ondulations et les cheminées qui animent son toit. Pour ce qui est de la façade, pas de chance, elle était en cours de ravalement ; la cour intérieure, puits de lumière pour l’ensemble des appartements, en dépit de ses formes originales (rien n’est jamais lisse dans les façades de Gaudi), m’a paru triste et pas plus belle qu’une cour de HLM ordinaire… La montée sur le toit ne m’a pas plus enthousiasmé : les sculptures qui habillent les bouches des cheminées m’ont fait penser aux vieilles œuvres qui décoraient les dalles des immeubles de mon enfance. Davantage encore enlaidi par la rambarde grillagée destinée à protéger les visiteurs de toute chute dans le vide, ce toit m’est apparu relativement ludique, mais tout sauf beau. La visite de l’un des appartements (incroyablement vaste) permet de se faire une idée de ce que ce devait être de vivre là, dans un appartement bourgeois de la grande époque, mais là encore, à part pour la curiosité, rien qui mérite vraiment d’y passer. Une visite très décevante, encore plus rétrospectivement compte tenu des autres bâtiments que nous avons visité ce jour-là.

Les cheminées du toit de la Pedrera

Nous avons marqué une pause pour déjeuner de tapas à la Cerveceria Catalana****. Il était à ce moment-là trois heures de l’après-midi, pas exactement l’heure à laquelle on s’attend à ce que les restos soient pris d’assaut, et pourtant, celui-ci était archi-complet, avec du monde qui attendait dehors d’avoir une table (ce qui est d’habitude pour moi un joli signal pour dire : « FUIS ! »), mais nous avons néanmoins effectué une réservation pour une demi-heure plus tard (le fait d’être à 8 nous a pour une fois plutôt servi : comme derrière les bars de l’entrée ils ont de très grandes tables rondes… pour 8, on a pu relativement rapidement récupérer une table de ce genre qui se libérait). Et pour le coup, c’était vraiment très bien, les tapas originaux (pas juste de la charcuterie et du fromage : des plats vraiment cuisinés), élaborés et savoureux, le service rapide, et l’addition d’un montant tout à f ait raisonnable ; je redoutais un peu le coup des quinze tapas à 3-4€, qui te donnent l’impression de n’avoir que grignoté alors que ta note grimpe à trois chiffres. Là au contraire on a mangé à satiété, et on en a eu pour environ 50€ à deux, de mémoire. Très bonne adresse, et pas du tout « hype » contrairement à ce que la foule à l’entrée et le design « Champs Élysées » de la devanture m’avaient fait redouter.

La Sagrada Familia et ses grues… pas facile à prendre en photo !

Il était temps de retourner à nos visites, et à un autre monument emblématique de la ville, la Sagrada Familia***. Chef d’œuvre titanesque et délirant de Gaudi (qui lui consacra ses quinze dernières années, et s’y fit inhumer), la basilique est encore aujourd’hui en construction (et donc en large partie défigurée par les grues et échafaudages qui l’ensevelissent à moitié). La façade principale (dite de la Nativité), archi-originale avec son style naturaliste-moderniste, semble en pleine fusion (alors qu’en réalité, quand on regarde en détail, ces pierres qui donnent l’impression d’être en train de dégouliner sont simplement couvertes de motifs végétaux). Elle regorge de détails et de décorations souvent hallucinantes, à la frontière du ridicule, du génie, et de la laideur… Elle ne ressemble clairement à aucune autre et mérite donc déjà le détour à ce seul titre ; mais la décoration est si foisonnante que -comme probablement la quasi-totalité des touristes, qui n’accorde que peu d’attention aux détails de la façade- je me suis dit qu’il serait plus facile de la découvrir par des photos plutôt que là, de visu. C’est un peu idiot, mais je reste de cet avis, quoi qu’il en soit (preuve que je suis un idiot, puisque je ne change pas d’avis), et effectivement on apprend plein de choses en lisant la page wikipedia consacrée à l’œuvre, par exemple, sur tout un tas de symboles dispersés ça et là et qu’on ne peut franchement pas distinguer quand on est au pied de la Sagrada Familia.

La façade, décriée, de la Passion

Surprise, quand on passe de l’autre côté de la basilique, la façade dite de la Passion présente un tout autre aspect, beaucoup plus dépouillé, carré, et froid ; toujours moderne, mais d’inspiration plus cubiste. Comme j’imagine un grand nombre de touristes quand ils découvrent cette deuxième façade, nous avons alors tenu entre nous un petit débat sur la fidélité à l’esprit de l’œuvre originale, les sculptures de Josep Maria Subirachs (mort 10 jours avant notre visite, soi-dit en passant) paraissant dénaturer le projet naturaliste/réaliste de Gaudi. En fait, il semble que Gaudi avait bien souhaité que cette façade crée un fort contraste avec celle de la Nativité, l’une représentant le foisonnement de la vie, l’autre, anguleuse et dépouillée, devant évoquer la souffrance et la mort (la Passion, quoi). Je crois être le seul du groupe à avoir trouvé cette façade-ci intéressante (bien que forcément moins forte que celle de la Nativité), les autres l’ayant détestée et rejetée -à tort, donc !- comme une trahison envers Gaudi.

La façade de la Casa Batllo

Le groupe s’est à nouveau séparé devant la Casa Batllo*****, que Marion et moi avons choisi de visiter malgré les souvenirs de Jika (qui l’avait déjà visitée et n’en avait pas gardé la moindre image -un mauvais signe) et le prix exorbitant de l’entrée (21,50€ par personne, franchement…). Mais franchement, aucun regret à avoir : l’intérieur de l’immeuble est aussi magnifique, original et intéressant que le promet sa façade, décorée de masques vénitiens et de mosaïques éparses qui sont comme autant de confettis.
L’univers marin a été une profonde inspiration pour ce bâtiment unique : les formes toujours très arrondies, comme polies par les eaux ; les nombreux arcs dont la répétition évoque les vagues, ou les marques qu’elles laissent dans le sable ; les céramiques qu’on croirait faites de nacre ; la prédominance du bleu marine, de plus en plus foncé au fur et à mesure que l’on monte dans les étages ; la forme des vitraux et des décorations, qui rappellent la forme de coquillages…). On se croirait parfois à l’intérieur d’un sous-marin fantastique à la Jules Verne, parfois dans les entrailles d’un monstre.

Le puits de lumière de la Casa Batllo. Ça ne rend pas, mais c’est vraiment très joli

Comme le met en lumière une petite animation vidéo beaucoup plus intéressante qu’on ne pourrait le supposer en arrivant dans la pièce où elle est diffusée, qui projette des images évocatrices sur une maquette de la façade de l’immeuble, la Casa Batllo raconte aussi une histoire : sur son toit, on peut distinguer la forme et les écailles multicolores d’un dragon ; la cheminée qui orne sa façade symbolise le pommeau de l’épée plantée par Saint Georges, le saint patron de la Catalogne.

La Casa Batllo restera avec le Palau Guell mon meilleur souvenir de Barcelone : c’est un bâtiment poétique, lumineux, et unique, qu’il faut absolument visiter (avec là aussi l’audioguide à l’oreille pour ne pas passer trop rapidement à côté de détails amusants ou d’explications enrichissantes sur l’interprétation de l’œuvre ou les intentions de l’architecte) !

Le soir, après quelques empanadas achetés au coin de notre rue et que nous avons mangé à l’appartement, nous avons effectué une balade nocturne dans le quartier, El Raval**… une promenade pas particulièrement intéressante, qui nous aura fait croiser autour d’un jardin d’enfants illuminé la nuit (!??) des vendeurs de bière à la sauvette, des prostituées… et des rats ! Je crois que pendant ce séjour, on est globalement passé bien à côté de la fameuse vie nocturne Barcelonaise !

Vue sur le port depuis le Castell de Montjuic

Lundi 21 avril :

Nous avions repéré une jolie pâtisserie sur les Ramblas, la Pasteleria Escriba****, qui nous avait fait envie avec sa belle devanture Art Nouveau (tiens, je glisse au passage ce lien vers cette page très bien faite expliquant la différence entre Art Nouveau et Art Déco, qu’on a souvent tendance à confondre) et ses appétissantes viennoiseries exposées : c’est là que nous avons pris notre petit-déjeuner ce jour-là, et c’est effectivement une très bonne adresse où nous avons dégusté des viennoiseries et pâtisseries, donc, mais aussi des crèmes catalanes concoctées devant nous, des chocolats chauds épais à souhait,… Mais comme nous n’étions pas venus à Barcelone QUE pour manger, nous sommes ensuite repartis, en direction de la colline et des jardins de Montjuïc. Sur notre route, nous avons fait la rencontre du Gros Chat (El Gato Gordo), une grosse sculpture de bronze de Botero -pas franchement réussie, mais bon… On s’est amusés à grimper dessus (enfin, les gars seulement), avant de revenir à nos moutons.
Après une ascension en téléphérique souterrain (un métro, quoi… je n’ai pas compris pourquoi ils l’appelaient téléphérique ; parce qu’il n’y a que deux stations peut-être ?), nous avons atteint le Castell de Montjuïc***, qui domine l’ancienne ville et le vieux port de Barcelone. L’endroit en lui-même n’est pas particulièrement remarquable, mais en faisant le tour du château on accède à de nombreux panoramas sur la ville et le port. Comme nous avions déjà effectué l’essentiel des visites impératives lors des deux derniers jours, nous nous sommes baladés tranquillement, en se perdant un peu au passage, mais sans urgence, pour le plaisir. C’est en descendant dans les Jardins de Monjuic****, nombreux, variés, et très plaisants, que nous avons réellement commencé à apprécier la promenade, même si le temps, gris et frais, n’était pas idéal pour cette balade qui doit être bien plus agréable par beau temps.
Nous sommes finalement arrivés à la Fondation Miro**, qui expose de nombreuses œuvres de l’artiste éponyme (oui, c’est l’artiste qui est éponyme et pas l’œuvre, contrairement à ce que laisse croire l’usage journalistique abusif qui est fait de ce mot à peu près à chaque fois qu’il est utilisé ; si vous ne me croyez pas, la preuve ici), Joan Miro donc, artiste surréaliste Catalan que je ne connaissais à peu près pas, et que j’espérais mieux connaître à cette occasion. Malheureusement, en dépit des efforts visiblement faits pour développer la médiation culturelle au sein du musée avec la présence de jeunes intervenants disposés à dialoguer avec les visiteurs, son travail d’invention d’un « nouveau langage » artistique m’est resté assez hermétique et ce que j’ai découvert, c’est surtout que je n’aimais pas.

L’impressionnant bâtiment du Musée National d’Art de Catalogne

Le soir, nous avons accompagné Jika pour un diner au Burger King (son troisième du séjour quand même), qui n’a ce jour-là pas pu réaliser son rêve d’obtenir enfin une casquette à l’enseigne de la chaîne (on a les rêves qu’on peut, hein…), la caissière avec laquelle il avait sympathisé deux jours plus tôt et qui la lui avait promise n’ayant pas été présente à l’heure du rendez-vous… Les burgers étaient néanmoins très bons pour des burgers de chaîne.
Nous sommes sortis ensuite prendre un verre dans un bar trendy, le 33/45, à la déco vintage relativement destroy qui a passé exclusivement du Joy Division (choix qui m’allait très bien, en l’occurrence) pendant tout le temps où nous sommes restés dans leurs confortables canapés déchiquetés, à siroter mojitos et black russians.

Jeux d’eau devant le Mnac

Mardi 22 avril :

C’était le dernier jour du séjour, et nous avions chacun des horaires différents pour nos avions, et des envies différentes pour occuper nos dernières heures à Barcelone. Après un nouveau petit-déjeuner au Forn de Betlem (qui nous a coûté cette fois sensiblement plus cher que la première, sans qu’on sache si l’anomalie venait de la première ou de la deuxième addition), nous nous sommes donc séparés, Marion et moi reprenant la direction de la colline de Montjuïc pour visiter le Musée National d’Art de Catalogne (Mnac), fermé la veille quand nous avions voulu y passer avec le groupe.
Nous avons eu la chance d’arriver au moment où les fontaines étaient en pleine animation, avec quelques effets (impression de bouillonnement vaporeux, jets d’eau à près d’une dizaine de mètres de hauteur,…) assez spectaculaires. Nous avons donc pris un peu de temps pour en profiter avant de monter jusqu’au musée lui-même… où nous avons appris que l’aile qui nous intéressait le plus, celle consacrée à l’art moderne, était fermée.
Nous avons donc visité à la place les salles exposant l’art roman, puis l’art gothique ; n’étant pas très instruit dans ces deux domaines, j’ai apprécié essentiellement en profane, avant tout pour les qualités esthétiques ou historiques des pièces exposées. Il y avait en particulier plusieurs pans de peintures murales récupérées dans de petites églises de campagne en ruines, avec à l’entrée un petit film en plusieurs séquences expliquant comment les pigments des peintures murales sont récupérées sur une bande collante, avant d’être transférés sur ce qui deviendra le support définitif (si on utilisait le premier collage, les peintures seraient inversées) : très instructif. J’ai néanmoins davantage apprécié les pièces gothiques, notamment pour leurs fonds dorés très finement gravés.

Vue sur la Place d’Espagne depuis le MNAC

Lorsque nous avons commencé à nous lasser, nous avons effectué une petite visite du musée lui-même, d’une part en nous rendant dans la gigantesque salle -pratiquement une arène- dans laquelle s’était tenue à l’origine l’Exposition Universelle pour laquelle ce bâtiment avait été construit, puis ensuite en montant sur la terrasse, à côté de laquelle passent apparemment tous les touristes sans la voir (j’avoue que si Marion ne m’y avait pas conduit je l’aurais loupée aussi) puisque nous étions là-haut pratiquement seuls au monde, avec une vue imprenable sur le paysage tout autour -la grande allée conduisant à la Place d’Espagne d’une part, les élégants jardins de Montjuïc de l’autre.

Puis il a été temps de retourner à l’appartement récupérer nos affaires, sous un beau soleil qui nous aura manqué un peu pendant le reste du séjour, mais c’est la vie !
Le week-end de Pâques terminé, la ville avait une toute autre physionomie avec toutes ses boutiques ouvertes… Même si on a passé du bon temps et vu de très belles choses (en tête desquelles je place sans la moindre hésitation le Palau Güell et la Casa Batllo), je crois qu’on est passés en partie à côté de ce qui fait le charme de la ville -le soleil et la vie dans les rues. Le week-end de Pâques n’est peut-être pas la meilleure période pour visiter Barcelone…!