[La Chanson de la semaine] Hurt (Nine Inch Nails)

Pour la plupart des chansons que je vous ai présentées jusqu’à aujourd’hui, la vidéo qui accompagnait le musique n’avait généralement  qu’une importance secondaire. Cette fois, je vous invite à écouter la Chanson de la semaine en regardant la vidéo, qui a été un aspect capital de la fascination qu’a exercé le morceau sur moi la première fois que je l’ai entendu. Cette version officielle de Hurt, du groupe de rock industriel (on dit généralement « indus ») Nine Inch Nails, tirée d’un enregistrement live reprenant les effets sonores et l’instrumentation qui figuraient sur l’enregistrement studio, est en effet une de ces chansons qui frappent à la fois par la beauté terrassante de sa mélodie, la puissance de ses paroles, et la séduction morbide des images qui l’accompagnent. Je préviens quand même avant : si vous étiez d’humeur joyeuse, écouter cet hymne désabusé sur l’autodestruction risque de vous faire descendre un ou deux paliers vers une méchante déprime…

Evoquant la génèse de cette chanson, Trent Reznor aurait dit « I wrote some words and music in my bedroom as a way of staying sane, about a bleak and desperate place I was in, totally isolated and alone. »[« J’ai écris ces quelques mots et cette musique dans ma chambre pour éviter de perdre la raison, pour parler de l’espace sinistre et du désespoir dans lequel je me trouvais, complètement isolé et seul. »] A mon sens, la traduction de cette détresse est ici puissamment réussie avec cette construction évoluant d’un début minimaliste vers une certaine colère, avant une accalmie puis la fêlure, la déflagration finale.

Mais ni Nine Inch Nails, ni l’indus en général ne sont très grand public, et pourtant si vous ne connaissiez pas cette chanson, il est probable que vous ayez néanmoins l’impression d’en avoir déjà entendu la mélodie ; et c’est bien possible, et même si vous n’êtes pas particulièrement mélomane. Hurt a en effet été utilisée pour habiller cette pub internationale pour Nike ; comme vous le remarquerez, quoi que dans un registre totalement différent, là encore la vidéo est assez dure (ce qui l’a sans doute aidée à rester dans les mémoires).

Vous l’aurez remarqué, la chanson n’est pas tout à fait la même que celle que je vous ai présentée en début d’article ; il s’agit d’une reprise, par l’icône du rock Johnny Cash, parue sur son ultime album American IV: The Man Comes Around, un an avant sa mort -ce qui fait souvent dire aux critiques ou aux fans que cette reprise est l’épitaphe de Cash, son dernier message avant la disparition. Pour moi, la version originale de Nine Inch Nails reste plus forte -peut-être parce que je l’ai découverte avant, sans doute aussi et surtout parce que les sonorités de l’indus me parlent davantage que celles du rock « old school » de Cash ; mais bon nombre de gens sont de l’avis inverse, donc à vous de vous faire votre opinion. J’en dirais simplement qu’à nouveau, et encore une fois dans un registre très différent, le choix des images (cette fois des évocations du passé de l’artiste au crépuscule de sa vie) qui accompagnent la chanson contribue à la rendre d’autant plus émouvante.

Paroles originales :

I hurt myself today
To see if I still feel
I focus on the pain
The only thing that’s real
The needle tears a hole
The old familiar sting
Try to kill it all away
But I remember everything

What have I become?
My sweetest friend
Everyone I know
Goes away in the end
You could have it all
My empire of dirt
I will let you down
I will make you hurt

I wear this crown of shit
Upon my liar’s chair
Full of broken thoughts
I cannot repair
Beneath the stains of time
The feelings disappear
You are someone else
I am still right here

What have I become?
My sweetest friend
Everyone I know
Goes away in the end

You could have it all
My empire of dirt
I will let you down
I will make you hurt
If I could start again
A million miles away
I would keep myself
I would find a way

Traduction maison :

Je me suis fait mal aujourd’hui
Pour voir si je pouvais encore ressentir.
Je me concentre sur la douleur,
La seule chose qui soit réelle.
L’aiguille creuse un trou,
La vieille piqûre familière.
J’essaye de tout faire disparaître
Mais je me souviens de tout.

Que suis-je devenu ?
Mon ami le plus cher.
Tous ceux que je connais
Finissent par disparaître.
Je vous laisse tout,
Mon empire de poussière.
Je vous laisserai tomber,
Je vous ferai souffrir.

Je porte cette couronne de merde
Sur mon trône de menteur
Plein de pensées brisées
Que je ne peux réparer.
Sous les marques du temps
Les émotions disparaissent
Vous, vous changez
Mais moi je reste à la même place.

Que suis-je devenu ?
Mon ami le plus cher.
Tous ceux que je connais
Finissent par disparaître.

Je vous laisse tout,
Mon empire de poussière.
Je vous laisserai tomber,
Je vous ferai souffrir.
Si je pouvais tout recommencer
A des millions de kilomètres d’ici
Je me protègerais
Je trouverais un moyen.

Pour l’anecdote, on notera que dans la version de Cash (qui était paradoxalement un respectueux chrétien), le vers « I wear this crown of shit » [« je porte cette couronne de merde« ] a été changé en « I wear this crown of thorns » [« je porte cette couronne d’épines« ], transformant une vision cruellement auto-dépréciatrice en une image de martyr religieux plus « convenable ».

Pour ceux que le son « sale » de la vidéo originale de Nine Inch Nails (qui colle pourtant parfaitement à l’atmosphère et au propos de la chanson) rebute, je termine cet article avec une version de Hurt complètement dépouillée, interprétée en 2005 par Trent Reznor seul au piano, à l’occasion d’un concert de charité pour les victimes de l’ouragan Katrina : une belle façon de garder l’esprit et la force de la chanson tout en l’offrant à un plus large public.

 

Une réflexion sur “ [La Chanson de la semaine] Hurt (Nine Inch Nails) ”

  1. Stoeffler sur

    Chouette chanson… je vois que tu n’as pas mis Closer a la place :)
    Certainement une chanson encore moins grand public.

    Et je me souviens aussi de la pub pour ce grand equipmentier; je ne savais par contre pas que c’etait le Cash qui en avait fait la reprise.

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