Akseli Gallen-Kallela (Musée d’Orsay)
Vous n’avez probablement jamais lu, ni entendu son nom. Pour être honnête : moi non plus.
C’était l’un des enjeux de cette visite au Musée d’Orsay (où l’exposition qui lui est consacrée se tiendra du 7 février au 6 mai 2012) : découvrir cet artiste qui est considéré comme l’un des plus importants de Finlande, mais qui reste largement inconnu sous nos latitudes.
L’œuvre d’Axel Gallén, produite sur une petite trentaine d’années allant de la fin du XIXe siècle au début du XXe, est relativement étonnante par sa variété. On observe chez de nombreux artistes des évolutions de style, qui peuvent généralement s’analyser par « périodes ». L’exposition du Musée d’Orsay suit cette logique en présentant d’abord les débuts de Gallén, marqués par le réalisme, aussi bien pour ce qui concerne le traitement des œuvres (voir ci-contre Garçon et Corbeau (1884), presque photo-réaliste) que leur sujet (des scènes de la vie à la campagne, puis de la vie à Paris quand il y poursuit ses études d’art). Ces œuvres ne sont pas passionnantes, mais elles prouvent en tous cas que Gallén possédait le savoir-faire qu’on attendait encore d’un artiste à la fin du XIXe siècle. Les cartons de l’exposition m’ont quand même fait un peu peur sur ces deux premières salles, parce qu’ils se contentent de décrire littéralement ce qui était visible sur les toiles, ce qui n’a strictement aucun intérêt vous en conviendrez.
Le parcours de l’exposition suit ensuite le retour au pays de Gallén, où il se laisse gagner par deux puissantes influences : d’une part le nationalisme (après avoir été sous domination du Royaume de Suède, la Finlande fut jusqu’à la première guerre mondiale un duché autonome de l’Empire Russe), et d’autre part le symbolisme. L’amour des terres de Finlande le voit peindre des dizaines de paysages, avec un style qui évolue de façon assez visible, et une œuvre notable qui témoigne d’une certaine sensibilité aux thèmes de la « modernité » qui cherchent à transformer la peinture à cette époque : les Chutes de Mäntykoski (1892), traversée de 5 fines lignes verticales dorées qui évoquent une partition musicale et introduisent une dimension inattendue dans l’œuvre, qu’on considère cette dimension comme fantastique ou sonore.
C’est la défense de l’identité culturelle finlandaise qui fait transformer à l’artiste son nom d’Axel Gallén en Akseli Gallen-Kallela, sa forme finnoise ; c’est l’attrait pour le symbolisme qui le fait introduire dans les thèmes de ses œuvres une part de fantastique. Et c’est la combinaison de ces deux influences qui va lui faire produire sa série de tableaux la plus intéressante et pour laquelle il reste essentiellement connu aujourd’hui : le Kalevala. Illustrant une épopée écrite au début du 19e siècle à partir d’anciens poèmes finnois chantés, ces œuvres au style varié exaltent la valeur du peuple finlandais en présentant dans des scènes spectaculaires les aventures de héros mythiques affrontant de fantastiques ennemis pour la propriété du Sampo, un artefact enchanté censé apporter la prospérité à celui qui le possède.
Ce sont ces toiles que j’ai préféré dans l’exposition, pour ce qu’elles évoquent d’une mythologie méconnue, et pour l’originalité plastique de certaines d’entre elles : avec des figures aux contours très appuyés et aux couleurs peu nuancées, elle fait penser clairement à une bande dessinée tout ce qu’il y a de plus moderne, et pour ce qui me concerne, à l’esthétique très particulière et que j’aime beaucoup, des jeux vidéos en cell-shading… deux références assez inattendues s’agissant d’un artiste né à la fin du XIXe siècle !
L’exposition se poursuit avec une salle consacrée au Mausolée Juselius, du nom d’un riche industriel Finlandais qui demanda à Gallen-Kellal de décorer le bâtiment funéraire qu’il fit ériger à la mémoire de sa fille décédée et que celui-ci orna de fresques relativement sinistres (mais vous me direz, c’était l’ambiance appropriée). Suivent quelques pièces d’art décoratif modérément intéressantes, Gallen-Kallela ayant choisi de dessiner lui-même le mobilier de sa maison-atelier. La dernière salle est consacrée à l’exil volontaire de l’artiste en Afrique suite à l’oppression Russe grandissante en Finlande après 1907 : Gallen-Kallela y explorera une nouvelle forme d’art, l’expressionnisme. Je ne suis d’habitude pas du tout client de l’expressionnisme, mais les quelques toiles présentées ici contournent ce que je considère comme le principal défaut de ce genre artistique, en conservant une finesse et une élégance du trait malgré l’intensité des couleurs ; ces pièces-ci restent des œuvres mineures, mais bien qu’évacuées assez rapidement autant dans la bio de Gallen-Kallela que dans la construction de l’exposition, elles sont loin d’être dépourvues d’intérêt.
Au final, voilà une exposition sympathique, qui m’a permis de découvrir un artiste méconnu et un texte, le Kalevala, qui me donne envie d’en apprendre davantage. Pas de claque esthétique ou de révolution intellectuelle, donc, mais un moment agréable à passer dans le Musée d’Orsay rénové et agrandi. Tant qu’à faire, au prix du billet d’entrée (9€, quand même) et vu que l’exposition est assez courte, profitez-en pour visiter le reste des collections permanentes, le musée regorge de merveilles !