David LaChapelle (Monnaie de Paris)

David LaChapelle est un photographe américain. Son site est ici, un site amateur avec pas mal de ses photos de mode et de pub ici .

Une exposition rassemblant supposément près de 200 de ses œuvres se tient actuellement (du 6 février au 31 mai 2009 à la Monnaie de Paris. Celle-ci propose de retrouver les photos de l’artiste tirées pour la plupart en grand (voire très grand) format, classées par séries.

On attaque fort dès l’entrée avec deux photographies qui mêlent l’iconographie traditionnelle catholique avec la mythologie et le mode de vie contemporain : d’une part le célèbre Heaven to Hell, Pieta avec une Marie incarnée par Courtney Love
Heaven to Hell

 qui tient dans ses bras la dépouille d’un modèle qui personnifie à la fois le Christ et Kurt Cobain, et dont les bras sont percés de trous d’aiguille de seringue. Juste en face, une tête de Jésus noir sur fond rouge sang,
Jesus Noir
sur laquelle a été ajoutée (apparemment récemment) une main en relief (comprendre : elle n’appartient pas à la photo originale, mais a été imprimée à part, et découpée puis installée légèrement en premier plan pour donner une 3e dimension fictive à l’image comme dans les livres « pop-up ») qui tient un téléphone portable (grand classique de l’œuvre de Lachapelle).

La salle suivante reprend le principe du pseudo-relief à deux sous (bien laid mais génialement originâââââââââl), avec des œuvres condamnant le consumérisme occidental : d’un côté des compressions inintéressantes de voitures de luxe (à la Cesar mais en carton). De l’autre côté un diorama peuplé de jeunes gens et jeunes femmes bien faits et peu vêtus (voire nus), reprenant les codes des scènes classiques en peinture occidentale de dénonciation de la décadence (richesses, animaux en pleine fornication, poses lascives…) mais avec une esthétique typique de l’occident contemporain (joaillerie de luxe, lunettes de soleil, téléphone portable…). Suivent plusieurs photos du même acabit (sans relief toutefois), entremêlant les canons de l’art pictural classique et ceux de la photo de magazine.
 
Celles-ci m’ont intéressé en ce sens qu’elles mettent en perspective la perception que nous avons aujourd’hui des œuvres classiques, des scènes de débauche qui nous paraissent parfaitement acceptables mais qui étaient perçues bien différemment à leur époque (telle La Mort de Sardanapale, de Delacroix, par exemple).
La Mort de Sardanapale, de Delacroix, les innombrables nus qui peuplent les peintures classiques et qui nous semblent naturels et innocents parce qu’ils ne sont pour nous qu’une image et ont perdu leur dimension charnelle. Au-delà du questionnement sur la perception des œuvres classiques, c’était aussi pour moi une interrogation sur ma perception de ces œuvres-ci, comme celles de la série Déluge, qui figent des personnages contemporains dans des postures et avec des attributs qui leur donnent un aspect peu crédible, voire ridicule. Or ici encore, ce qui me frappe dans ces œuvres et me fait les déprécier, me semble parfaitement normal dans des œuvres classiques : cela me fait réévaluer les photos de LaCchapelle, que j’ai peut-être un peu trop rapidement condamné pour leur mauvais goût et leur côté putassier.

La salle suivante me renforce d’ailleurs dans cette nouvelle appréciation de l’auteur, avec la série des Awakened, dont les modèles sont plongés en apesanteur dans une eau pas complètement claire, donc une poursuite intéressante du thème de la catastrophe (les corps évoquent ceux de noyés victimes d’une inondation ou d’une crue subite) avec une esthétique cette fois plus sobre (les couleurs sont moins clinquantes que dans les autres séries).

La salle suivante présente la série Recollections, des montages réalisés par LaChapelle à partir de photos familiales anodines de l’Amérique profonde dans lesquelles il insère des éléments incongrus : drapeaux, armes à feu, personnages raides défoncés. Rigolo dans l’esprit, mais plastiquement moche.

Et on passe ensuite à des séries de photos à la frontière entre aspiration artistique et simple image de mode, glamour et souvent trash, avec quelques réussites mais globalement beaucoup de mauvais goût, de clinquant, et une fascination pénible pour le star system et le cul (toutes les photos que je poste ici sont parmi celles que j’estime réussies, donc pour les photos trash plus typiques de son travail, cherchez plutôt sur Google Images).

Alice
David LaChapelle est assurément un photographe talentueux. Plusieurs de ses œuvres, même celles que je trouve laides, témoignent de son sens de la composition, de sa maîtrise de la technique photographique, de la lumière, des couleurs (toujours incroyablement vives). Il y a dans certaines de ses démarches des aspects intellectuellement ou esthétiquement intéressants (ou simplement amusants, ce qui n’est déjà pas si mal), et j’étais ressorti de l’expo avec un avis mitigé mais quand même plutôt positif. Mais en préparant ce billet et en recherchant des images pour l’illustrer, je me suis aperçu que la production globale de Lachapelle était beaucoup plus orientée vers ces photos glamour et kitsch, hyper racoleuses (en gros : du cul, des célébrités, et des couleurs tape-à-l’œil). Combiné avec l’absence de message -voire pire : le gros prétexte clairement fallacieux de la condamnation de la guerre,

du consumérisme
Hou, méchant Coca-Cola!
ou de la décadence alors qu’il en adopte en vérité totalement les codes- ce constat me fait retrouver mon a priori initial concernant l’artiste : c’est d’un mauvais goût  branchouille total, une flatterie de tout ce que c’est supposé condamner et qui mérite pourtant effectivement d’être condamné, et c’est donc une grosse escroquerie intellectuelle sans intérêt.

En temps normal, quand je sors d’une expo en ayant trouvé 10 œuvres intéressantes je m’estime relativement satisfait, mais là, la pénibilité de l’ensemble de l’œuvre me fait déprécier des pièces que j’aurais trouvé individuellement réussies.

Par ailleurs, tous les textes relatifs à l’expo évoquent la présentation de près de 200 photos, il y en a en réalité bien moins (80, d’après certaines sources sur Internet : je ne me suis pas amusé à compter, mais clairement, on voit qu’il n’y en a pas 200), parce que Lachapelle a décidé après le vernissage d’en retirer un certain nombre. Le problème, c’est que les cartons explicatifs présents dans les salles n’ont pas été révisés, si bien qu’on se retrouve régulièrement à lire des textes qui parlent d’œuvres… qu’on ne verra pas. Ne pas avoir pris le soin de refaire 1 carton (1 feuille blanche A4, hein…) par salle, soit en gros 10 cartons au total pour éviter ce genre de plantage, c’est un signe de la considération des organisateurs et sans doute de l’artiste pour le public, dont ils doivent supposer qu’il n’est pas exactement venu pour lire du blabla, mais bien pour se rincer l’oeil. Hou !

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