Indignez-vous ! (Stéphane Hessel, 2010)

Stéphane Hessel est un vieux et grand monsieur, plus de 90 balais, qui a eu une vie riche en évènements, notamment pendant la seconde guerre mondiale (résistant, il fut arrêté et s’évada 4 fois, échappa plusieurs fois à son exécution, etc.). Il a ensuite été co-rédacteur de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948, été ambassadeur de France, etc.

Après plusieurs livres depuis une quinzaine d’années, il a publié l’année dernière un opuscule d’une trentaine de pages qui a rencontré un succès à la fois inattendu et retentissant, notamment durant le rush des fêtes de Noël. Ce succès a créé un buzz qui a alimenté le succès des ventes, qui a refait gonfler le buzz, ce qui a boosté les ventes, etc. Hessel a voleté de shows télé en émissions radio, plusieurs articles de presse dithyrambiques lui ont été consacrés, et au final, il a vendu plus d’un million d’exemplaires de son texte en deux mois.

J’en ai moi-même acheté 3 exemplaires à offrir autour de moi, et j’ai réussi à me le faire prêter ces derniers jours pour le lire.


J’avoue que j’ai été quelque peu surpris du succès rencontré par ce texte. Certes, c’est bien écrit. Certes, un auteur tel que celui-ci, au soir de sa vie après avoir traversé les tourments du siècle, a assurément quelque chose à communiquer, à transmettre. Mais… après ?

J’avais redouté de buter sur des passages complexes, de bloquer sur des concepts ardus : finalement, la lecture d’ « Indignez-vous » est extrêmement facile, tant sur le fond que sur la forme. L’idée majeure de Stéphane Hessel, son conseil aux générations suivantes, c’est de trouver un motif d’indignation, une raison de se battre, et de ne pas baisser les bras. Il invite notamment les jeunes à ne pas fermer les yeux sur les injustices sociales, sur le traitement réservé aux Roms et aux sans-papiers, sur les écarts de richesse qui vont s’aggravant, sur le conflit israélo-palestinien, etc.

Très honnêtement et pour rejoindre plusieurs avis que j’ai pu lire ici ou là, je n’ai pas appris grand-chose durant ma lecture, je n’ai pas eu de révélation, d’éclair lumineux…

J’avais cru comprendre qu’Hessel, fervent partisan de cause palestinienne, avais commis la faute d’utiliser à tort et à travers les termes « juifs », Israéliens » et « sionistes » (un peu comme on le fait parfois avec « Français » et « musulman ») : j’ai eu beau lire et relire chaque ligne des passages concernés, je n’ai pas trouvé trace d’un amalgame qui aurait effectivement été malheureux.

En revanche, j’ai déploré le traitement trop subjectif des parties en présence dans ce conflit : il cite par exemple le rapport Goldstone, qu’Hessel précise être juif, suite à l’opération « Plomb Durci » (l’occupation par Israël de la bande de Gaza fin 2008 – début 2009), comme un élément à charge contre l’état hébreu. Hessel mentionne un peu plus loin la destruction massive des infrastructures gazaouites par les chars israéliens, avant de se remémorer les enfants de Gaza, innombrables et « aux sourires inoubliables », qui jouent parmi les ruines tandis que leurs parents confectionnent des briques avec les moyens du bord.

Déjà, pour la forme, quelle est l’utilité de préciser que Goldstone est juif ? Cela lui donne plus de crédibilité lorsqu’il critique Israël ? Un musulman qui critique Moubarak ou Ben Ali est-il plus crédible qu’un américain ou qu’un belge ? Et s’il est plus crédible, est-ce que ce n’est pas parce qu’il est également tunisien ou égyptien, parce qu’il connait le pays, parce qu’il y vit ?

Ensuite, sur le fond du rapport, Hessel oublie de préciser que si Tsahal a été certes sévèrement critiquée, il en est de même pour le Hamas, et qu’au niveau de l’horreur des crimes commis, Goldstone les met d’ailleurs sur un pied d’égalité : le Hamas, ce n’est pas non plus le club des bisounours…

Ces approximations subjectives desservent le message de l’auteur, à mon sens (même si je ne suis pas forcément opposé à sa vision des choses concernant le rapport de force en Palestine).


Au final, « Indignez-vous ! » se feuillette d’une traite, entre deux  (ou même, semble-t-il, légalement et gratuitement sur le web) ; c’est rafraichissant, mais le lecteur averti devra tout de même faire un peu le tri et se poser quelques questions lorsqu’ici ou là l’auteur s’accommode avec la réalité.


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