Deux semaines en rando itinérante à La Réunion (GR R2 – Juillet 2022)

Marion et moi avons passé un peu plus de deux semaines à La Réunion en juillet 2022, où nous avons parcouru en 13 jours le sentier de Grande Randonnée R2 (GR R2) d’environ 165 km qui traverse l’ile du nord-ouest au sud-est (les ultra-trailers font le trajet en sens inverse pour concourir dans l’hallucinante Diagonale des Fous en… 23 heures pour les meilleurs Oo !). Ce qui suit est le récit de cette petite aventure, pour celles et ceux qui aiment lire ces histoires, pour celles et ceux qui auraient envie de la vivre eux aussi, et pour me permettre à moi-même de revivre ce périple quand j’en aurai oublié les détails parce qu’on ne se refait pas.
Pour ceux qui préfèrent les photos au blabla, voici le lien vers l’album de nos meilleures photos du séjour.

La carte de notre périple de 13 jours le long du GR R2

Je n’aime pas voyager.
J’ai vraiment apprécié chacun des voyages que j’ai pu effectuer grâce à ma moitié (et revivre chacun de ces voyages des années plus tard grâce aux articles que j’ai écrit ici est un plaisir extraordinaire), mais en-dehors du fait que pour ma part je pourrais parfaitement vivre sans faire de voyages, c’est pour moi chaque fois une énorme source de stress de partir en voyage.
Il y a d’abord toute l’organisation préalable, sur laquelle il ne faut pas se louper ; puis toutes les choses qu’il faut penser à emporter lorsqu’on prépare la valise ; le timing du jour du départ, et tous les impondérables qui peuvent le contrarier ; si on voyage en avion, le vol lui-même ne m’angoisse pas trop – je n’ai pas peur du décollage ni de l’atterrissage – mais ensuite il y a l’angoisse de ne pas voir arriver ses bagages sur le tapis roulant. Une fois sur place, la peur de se faire voler des trucs pendant le séjour, avec des conséquences potentiellement bien plus lourdes que lorsqu’on se fait voler des choses dans sa ville de résidence, l’inquiétude d’avoir un problème avec le véhicule de location, rebelote de tout ça avec le voyage retour, et à la fin la crainte d’un problème survenu chez nous pendant notre absence. Bref : je suis habituellement de nature plutôt optimiste et flegmatique, mais les voyages sont une source de stress pour moi, et le fait que Marion soit une boule d’anxiété à côté de moi n’aide pas beaucoup. Pourtant, même s’il nous est effectivement déjà arrivé une fois que nos bagages ne nous parviennent que le lendemain de notre atterrissage (lien) et même si nous avons bien eu deux soucis avec des voitures de location (une fois un pneu crevé, et une fois de la tôle froissée… en garant la voiture le dernier jour sur le parking de l’agence), on a globalement toujours été pas mal épargnés par les galères. Cette année par exemple, il y avait des mouvements sociaux à Roissy (notre aéroport) et chez Air France (notre opérateur) avec moult vols annulés… mais on a eu beaucoup de chance et on est passés au travers sans dommage. De même, alors que pour un vol de la durée du Paris-Saint-Denis de la Réunion (11h), il vaut mieux se lever régulièrement pendant le trajet pour faire un peu d’exercice et éviter les problèmes de circulation sanguine (mieux formuler), ce qui n’est pas toujours simple, pour ce vol on a pu avoir des places en bord de rang central à 4 sièges (si bien qu’on pouvait se lever quand on voulait sans déranger qui que ce soit, et que nos voisins pouvaient eux aussi sortir de leur côté sans nous déranger), et face à une cloison (si bien qu’on avait pas de siège devant nous, donc qu’on pouvait étendre nos jambes, les surélever si on voulait, et qu’on n’avait pas de voisin de devant qui incline à mort son siège sans se préoccuper de savoir l’inconfort que ça crée pour le passager derrière lui), ce qui s’est avéré assez agréable. Le prix de ce confort était qu’on était à côté des toilettes, avec pas mal de passage pendant tout le vol, mais s’il fallait le refaire, je signerai quand même sans trop d’hésitation.

Sur le trajet entre La Roche Écrite et Dos d’Âne

On n’a quand même dormi que 4 heures grosso modo l’un comme l’autre (eh, l’avion c’est quand même pas l’hôtel), mais on en a profité pour regarder plusieurs films (pour ma part, Notre Dame brûle et Uncharted – plutôt une bonne surprise). Néanmoins, à l’atterrissage à Saint-Denis, à 6h du matin locales, donc 4 heures de Paris, on n’était pas frais.

Comme nous avions fait le choix de passer par une agence locale (Horizon Réunion, très bien) pour organiser notre séjour (on avait essayé de réserver nos 12 nuits dans les gîtes le long du parcours, mais c’était vraiment très compliqué, et passer par une agence nous a coûté finalement à peine plus cher), c’est un chauffeur qui nous a récupérés à l’aéroport pour nous conduire à l’hôtel. La chambre n’était pas disponible de suite donc nous avons fait un premier tour dans la ville avant de revenir dormir une petite heure. Puis nous avons déjeuné avec un collègue de Marion, magistrat administratif en poste à La Réunion, avant de boucler notre visite de Saint-Denis… qui n’est pas une ville folle-folle même s’il y a quelques belles anciennes maisons coloniales (qu’on entrevoit pour l’essentiel entre ou au-dessus des grillages, donc pas très bien). Le parc de la ville était fermé le lundi, de même que les musées, donc on ne peut pas dire qu’on ait tout vu non plus, mais quelques heures restent à mon sens suffisantes pour ce tour.

Jour 1 : Camp Mamode – Gîte de la Roche Ecrite

Recourir aux services d’une agence nous offrait également le confort de voyager – un peu – plus légers : nous avons pu laisser à l’agence deux sacs avec la moitié des affaires que nous avions emportées, l’agence se chargeant de nous les rapporter à mi-chemin, où nous les échangerons avec les affaires utilisées pendant la première partie du parcours. Et nous avons par ailleurs pu choisir entre démarrer notre périple à Saint-Denis à 8h du matin, avec 1800m à gravir en huit heures de marche, ou à 11h à Mamode Camp, une voiture nous conduisant aux deux tiers du trajet, avec plus que 650m à monter et une petite journée de deux heures et demie de marche. Nous avons choisi cette seconde option ; même si la marche a été courte de ce fait, ce départ alternatif nous a permis de récupérer de notre nuit précédente, et de commencer tranquillement la randonnée, plutôt que de nous lancer dans une marche longue et éprouvante, après deux nuits trop courtes.

Sur le trajet entre La Roche Écrite et Dos d’Âne

Notre chauffeur, Billy de Mychauffeur.re, était très sympa. Il nous a accueilli avec des « bonbons au miel » qui sont des gâteaux qu’on pourrait croire orientaux parce qu’ils sont très chargés en miel, mais qui sont en réalité originaires de La Réunion. Il nous a raconté plein de choses sur les plantes, les animaux et le mode de vie réunionnais. Je ne sais pas si on aurait dû lui donner un pourboire pour le remercier de la qualité de son service ; je suis toujours gêné avec le concept du pourboire, et c’est encore plus compliqué aujourd’hui qu’on utilise pratiquement plus d’espèces…
La marche elle-même était une montée tranquille sous le couvert des arbres. Une bonne mise en jambes, la température était modérée, plus chaud aurait été désagréable (ce qui fait se poser la question des conditions dans lesquelles les gens doivent marcher en été…). Nous sommes arrivés au gîte dans les temps après 2 heures et demi de marche. J’ai été amusé d’entendre des marcheurs arrivés avant nous dire qu’ils avaient froid alors qu’on était plutôt en sueur Marion et moi (le collègue de Marion qui travaille à Saint-Denis nous avait déjà dit la veille qu’une fois acclimaté à la chaleur de l’île, cette température de 18 degrés, c’était effectivement froid) ; néanmoins, après 10 minutes sans marcher, et une fois le soleil disparu derrière les nuages, il s’est effectivement mis à faire bien froid, et on s’est rapidement mis à l’abri dans le refuge, où le feu de cuisine réchauffait un peu l’atmosphère (on a quand même gardé 3 couches de vêtements (4 pour Marion), et d’autres randonneurs ont diné avec leur bonnet sur la tête… ça donne une idée de la chute de température !).  Le diner était sympathique, servi sur une seule grande tablée, où on a partagé une soupe de carottes et chouchou (la christophine, une cucurbitacée des pays chauds, qui est un des aliments de base au moins dans cette partie de l’île), puis ce qui allait devenir notre base de plat principal pour les deux semaines à venir : du riz, du « grain » (une légumineuse – ce soir-là des lentilles) accompagnés d’un carry (la version réunionnaise du curry indien, ce soir-là au poulet) et/ou d’un rougail (cette fois, de morue, très salé). Nous avons filé nous coucher rapidement à la fin du repas pour nous réfugier sous les couvertures et échapper au froid. Nous avions fait l’acquisition avant le départ de « sac à viandes » en soie qui se sont avérés un très bon investissement, puisqu’ils étaient à la fois chauds, doux et légers. La nuit a quand même été moyenne, nous avons été réveillés plusieurs fois, dont une fois vers 4h du matin quand les braves sont partis pour voir le lever du soleil sur la Roche Écrite (ce que nous avons renoncé à faire pour ne pas fiche en l’air le rythme de sommeil qu’on essayait de mettre en place – et parce qu’on s’était dit que l’essentiel était d’avoir la vue, pas forcément le lever de soleil).

Sur le trajet entre Dos d’Âne et Aurère

Jour 2 : Gite de la Roche Écrite – Dos d’âne

Nous nous sommes levés à 6h15 pour prendre le petit-déjeuner avant de monter à la fameuse Roche Écrite. Et nous nous sommes retrouvés… de retour en Écosse ! Il faisait froid, il bruinait, on n’avait pas de vue… On a tenté notre chance, mais on a perdu. Comme on avait laissé les sacs au refuge et qu’on ne portait que nos bâtons et une gourde, c’était heureusement juste une petite mise en jambes pas fatigante (mais de trois heures quand même). Après un chocolat chaud au refuge pour se consoler, on a repris le chemin du GR. Le début n’était pas enthousiasmant, une descente sur un sol boueux, pas mal glissant, et il y avait toujours un peu de bruine et pas de vue. La végétation mi-haute, les différentes variétés de fougères (j’adore les fougères, je trouve que ce sont des plantes fascinantes) et la marche le long d’une crête nous ont rappelé une rando qu’on avait fait à Hawaï (la Napau Crater Trail). Le temps a fini par se dégager dans l’après-midi et on a enfin eu droit à quelques jolis points de vue sur le Cirque de Mafate, et même un bout d’arc-en-ciel. Sur le versant ouest du sentier, on a pu voir un bout de la côte et la mer à perte de vue (avec un horizon étonnamment haut qui aura fait se demander à Marion si ce qu’on voyait au loin était un hélicoptère alors que… c’était un bateau !). On aura vu plusieurs sortes de fleurs, et aussi deux spécimens de grosses araignées aux extrémités des pattes tigrées de jaunes, assez impressionnantes (dont on apprendra plus tard qu’il s’agit de bibes, ou néphiles dorées). Au bout de 4 heures de marche (donc 7 au total en comptant celles du matin), on commence quand même à fatiguer un peu, et Marion, qui fait particulièrement attention dans les descentes à cause de ses fragilités au genou et à la cheville, craque un peu. On finit néanmoins par arriver à Dos d’âne, dans une chambre d’hôtes (Les Acacias) où nous pouvons nous reposer un peu et prendre une douche… froide, bien vivifiante, mais on s’y habitue en s’y immergeant progressivement (Marion aura pesté comme un putois pendant 5 minutes, avant de conclure au moment de couper l’eau « bon, on s’y fait » :p ).

Sur le trajet entre Aurère et Grand-Place (les arachnophiles remarqueront la présente d’une « bibe » (ou « Néphile dorée« ) au premier plan

Jour 3 : Dos d’âne – Aurère

Nous repartons à 7h30 pour une longue descente de 3 heures (et 900m) jusqu’à Deux-Bras, une rivière en contrebas de Dos d’Âne. A la différence des jours précédents, on croise pas mal de monde, et notamment beaucoup de coureurs de trail (ce sport de fou où on court sur des pentes où les gens normaux descendent en faisant attention à chacun de leur pas, et remontent en soufflant péniblement à chaque mètre) ; cette « foule » relative est probablement dûe au fait que nous sommes le 14 juillet, jour férié. Il y avait au programme cinq traversées à gué de la Rivière des Galets, et nous nous sommes donc préparés en conséquence : tous les guides et commentateurs qui nous en avaient parlé nous avaient prévenus que l’eau pouvait arriver à hauteur des cuisses et nous avions donc apporté des méduses exprès pour cette portion du GR. Ce matin-là nous avons en plus emballé toutes nos affaires dans des sacs poubelles fermés, au cas où nous tomberions dans l’eau pendant l’une des traversées – en supplément, moi j’ai enfilé mon pantalon dont on peut dézipper les jambes pour en faire un bermuda.
Est-ce qu’on a simplement eu de la chance ? Au moment de notre passage, l’eau était si basse qu’elle ne couvrait pas le chemin de rochers disposés en travers de chaque passage, et qui permettait de traverser totalement secs, sans risque et sans effort : tous nos préparatifs se sont donc avérés inutiles. Bon, au pire, mieux valait être préparés et que ce ne soit pas nécessaire, plutôt qu’il faille être préparés et que nous ne le soyons pas.
Nous avons ensuite entamé une longue remontée jusqu’à l’ilet (le nom donné ici aux villages – on prononce « ilette ») d’Aurère : on a marché au total ce jour-là 5h30, « rattrapant » dans la montée le retard pris dans la descente. La promenade était physique, mais les forêts traversées sont toujours jolies (beaucoup de plantes grimpantes sur cette partie, une autre famille de plantes qui me fascinent), et on a pu avoir quelques vues sur le Cirque de Mafate. Nous sommes arrivés avant l’heure d’ouverture du gite, le Poinsetia, et en attendant nous avons donc été prendre un verre à la boulangerie de l’ilet (c’était à ma connaissance la seule vraie boulangerie de tout Mafate et c’était bien agréable qu’elle soit là). Une fois installés, nous avons eu tout le temps de faire quelques étirements (on a eu besoin d’étirements pendant les 4-5 premiers jours de rando – ensuite nos corps se sont habitués à l’exercice et on a pu s’en passer globalement), de prendre un apéro et de bouquiner et écrire. Le diner (ti punch en apéro, salade de chouchou, rougail de coq / de porc boucané, gâteau de bananes) était servi très généreusement, ce qui était une surprise par rapport à nos attentes pour un repas de gîte de montagne, mais qui s’est avéré en fait un standard durant tout le GR, une fois encore autour d’une grande tablée conviviale. La convivialité est d’ailleurs le maître-mot de la tenancière, Marie-Annick, qui a pris le temps de discuter avec chacun de ses hôtes comme si on était à une soirée qu’elle aurait organisée et que nous étions ses invités.

Sur le trajet entre Aurère et Grand-Place

Jour 4 : Aurère – Grand-Place

Malgré une très bonne nuit, nous nous réveillons avec quelques courbatures (Marion aux cuisses, moi aux mollets). Avant de partir, on récupère les grands sandwiches commandés la veille à la boulangerie. Nous traversons dans un premier temps des « champs » de chouchous (qui semblent en fait pousser librement au milieu des arbres), dont les tiges et les feuilles forment comme un tapis de lierre qui recouvre tout sur des hectares. Nous traversons ensuite deux ilets (à Malheur, à Bourse), des « villages » sympathiques habités par une dizaine de familles seulement, mais avec quand même une église et une école). Nous avons la chance de pouvoir observer un couple de rapaces (des papangues) grâce aux micro-jumelles que les parents de Marion nous ont offert, et profitons de belles vues sur l’intérieur du cirque de Mafate. C’est une petite journée de 4h30 de marche, et nous arrivons donc tôt au Pavillon à Grand Place, un gite plus confortable que le Poinsetia, mais plus fréquenté (nous serons le soir une quarantaine de personnes à table : le service est forcément moins personnel, voire un peu froid). Nous prenons une douche en arrivant, tiède une fois encore… Ce mode de vie nous donne une idée de ce que serait une vie plus sobre énergétiquement : dans Mafate, l’électricité est fournie par des panneaux solaires (et un groupe électrogène quand ça ne suffit pas). L’après-midi est ensoleillée et nous en profitons sur la terrasse du gîte – j’ai même l’occasion d’utiliser pour la première fois mon chargeur solaire ! Nous avons une chambre pour nous seuls, avec un lit double, ce qui est appréciable. En revanche, un groupe d’une vingtaine de personnes est arrivé en cours de journée, et nous avons la chance d’être dans la chambre juste attenante à celle dans laquelle ont été regroupés les enfants, qui sont visiblement contents de se retrouver (musique à fond, ça chante et ça rigole – mais pas jusqu’à trop tard et finalement à 21h tout le monde est couché comme d’habitude).

Sur le trajet entre Aurère et Grand-Place

Jour 5 : Grand-Place – Roche plate

La journée commence par une descente assez escarpée depuis Grand-Place. Nous traversons la Rivière des Galets en empruntant une passerelle, avant de remonter jusqu’à l’ilet des Lataniers, puis l’ilet des Orangers, villages encore une fois très calmes où nous déjeunons tranquillement. Le temps commence à se couvrir. On marche à l’intérieur d’un canyon, où nous croisons des randonneurs qui nous signalent qu’un sentier passant par le Maïdo est fermé, ce qui a rajouté plusieurs heures à leur rando du jour : c’est un point qu’il nous faudra vérifier pour la suite de notre propre périple (en l’occurrence, cette fermeture ne nous affectera pas). Une fois le col passé, la descente s’effectue dans une forêt sympathique où nous découvrons d’étranges plantes violettes (des Kalanchoe fedtschenkoi – pas sûr que j’arriverai à retenir le nom ^_^) mais nous n’avons plus de vues sur le décor environnant, et avec la petite pluie qui s’est mise à tomber on finit pas mal mouillés à Roche Plate. Notre gîte, Chez Merlin, est plutôt bien équipé, les sanitaires sont en bon état et nous aurons l’occasion d’y prendre notre unique douche chaude de tout le séjour dans Mafate. Nous avons également la bonne surprise de retomber sur Charlotte, une randonneuse croisée plus tôt au gite de la Roche Écrite puis de nouveau à Dos-D’Âne et avec qui en définitive on aura fait une grande partie de notre long trek de 13 jours. Ce jour-là, c’est son anniversaire : elle offre un verre à tous les locataires, et c’est l’occasion de passer une soirée à échanger avec d’autres randonneurs sympathiques, donc certains (Pierre et Coline, qui travaillent pour l’armée) avec qui nous auront l’occasion de marcher un peu lors des prochains jours.

Entre Roche Plate et Marla

Jour 6 : Roche plate – Marla

Blague récurrente du jour : nous croiserons plusieurs fois une femme égarée, visiblement pas une randonneuse expérimentée, abandonnée par son mari parti devant avec leur enfant. Nous lui prêtons notre téléphone pour appeler car elle a laissé son téléphone à leur fils… qui est donc avec le mari. Tout semble s’être bien fini pour elle, mais l’attitude du mari, qui abandonne plusieurs fois sa femme au milieu de la montagne, aura été un bon sujet de discussion. De notre côté, la balade est tranquille jusqu’à Trois Roches, où nous retrouvons Charlotte, Coline et Pierre pour un déjeuner sur les bords de la cascade. On reste 2 heures à buller au soleil sur cette plage improvisée en lave polie, où vivent aussi quelques chats, visiblement nourris par les randonneurs puisqu’on est loin de tout village. On remonte ensuite le lit de la rivière, dans un environnement plus sec et rocailleux. Nous arrivons tôt à Marla, l’un des points les plus hauts du Cirque de Mafate, où nous sommes confortablement logés Chez Yolande Hoareau, dans une chambre individuelle bien équipée (nous avons notamment la bonne surprise d’y trouver 3 prises électriques, ce qui tombe à pic parce qu’on était en rade sur pratiquement tous nos appareils). On finit l’après-midi au bar du village à boire des bières et des chocolats chauds, puis des ti’punch, pour se réchauffer… même si en fait plus les heures passent et plus l’air se rafraîchit méchamment. Après le dîner, convivial comme toujours avec une discussion animée entre sportifs (on était une vingtaine, et tout le monde avait l’air de pratiquer le triathlon, ou au moins la course en mode compétition Oo), une partie des convives (des filles du nord de la France) retournent boire au bar ; pour ma part il fait trop froid et j’ai déjà bu plus que d’habitude et pas envie de boire davantage : je convaincs Marion qu’il vaut mieux rentrer au chaud à la chambre.

Arc-en-ciel à Cilaos

Jour 7 : Marla – Cilaos

Je n’avais regardé le parcours du GR que de façon assez superficielle, et je n’avais donc pas retenu toutes les subtilités du parcours. La première fois que j’ai entendu parler du Col du Taïbit, j’ai à la fois ricané à cause du nom, et en même temps imaginé que ce serait une sacrée épreuve parce que la personne qui en avait parlé avait dit qu’elle l’avait fait et que si c’était à refaire, elle refuserait… En l’occurrence pour nous la montée a été bien moins physique que redouté ; en l’occurrence le parcours n’avait rien de remarquable du point de vue de l’effort requis. Nous avons été dans la brume pendant toute la montée, puis une fois le col passé, le paysage était dégagé. Sur le parcours, une tisanerie de fortune a été installée : on y trouve deux citernes remplies de tisane, l’une dite « tisane montante » et l’autre « tisane descendante », avec des compositions distinctes aux vertus probablement liées au type d’effort à fournir pour grimper ou descendre, mais comme tout le monde j’imagine nous avons choisi notre tisane sur la base des ingrédients qu’elle contenait ^_^. Étaient également proposés aux visiteurs des acras, et normalement du gâteau de banane (mais il n’y en avait pas cette fois-ci). Tout est en libre-service – personne ne tient le stand – mais chacun est invité à donner une participation libre et fait soi-même la vaisselle des verres qu’il a utilisés. Une initiative sympathique ! Notre roadbook nous proposait une option taxi pour couper la fin de la rando, mais compte tenu des conditions on n’en a vraiment pas eu besoin et on a continué jusqu’au bout à pied, ce qui nous a permis de déjeuner en haut de la plaisante Cascade de bras rouge, où un bloc de pierre posé à quelques pas de la chute d’eau nous a permis de faire un peu de grimpette. Nous avons dormi le soir à l’hôtel Le Vieux Cep, une halte confortable pour deux jours à la moitié de notre parcours pour nous requinquer et profiter de cette région riche en randonnées à la journée.

Depuis le Piton des Neiges

Jour 8 : Cilaos

Cette journée où nous terminions au même endroit d’où nous partions nous a permis de faire une petite randonnée hors du GR que nous suivions depuis le début de notre séjour, pour suivre le sentier de la Chapelle, une randonnée en aller-retour plaisante dans sa première partie forestière (jolie forêt, petites cascades), puis ludique dans la partie basse, avec plusieurs traversées de rivière à gué. Marion a enlevé ses chaussures pour traverser l’eau pieds nus et sans risque, moi je me suis amusé à sauter de cailloux en cailloux, ce qui était plus acrobatique donc rigolo, mais risqué (même si j’avais mis les appareils électroniques en « sécurité » dans la tête du sac à dos, tomber dans la rivière pouvait être un très gros problème : c’est d’ailleurs ce que nous avons appris qu’il était arrivé à une randonneuse qui faisait le GR2 seule et avec qui on a discuté un peu plus tard, et dont le portable a été mouillé et rendu inutilisable lors d’une chute dans l’eau…). La fin de la rando, arrivés à fameuse chapelle, est très jolie, avec des pierres noires et blanches qui évoquent une énorme profiterole sur laquelle dégoulinerait du chocolat noir, et au milieu une faille gigantesque creusée par la rivière. Les plus courageux traversent une dernière fois la rivière avec de l’eau jusqu’à la taille, pour aller voir l’intérieur de la faille. Marion a été de ceux-là (elle a évidemment enlevé ses vêtements de marche avant d’y aller, mais comme on n’avait pas connaissance de cette partie « aquatique », c’est en sous-vêtements qu’elle y est allée, comme pas mal de monde d’ailleurs) ; l’ironie bien sûr, c’est que nous aurions pu sur cette rando enfin justifier d’avoir emporté nos méduses avec nous, mais que comme nous ne savions pas qu’elles pourraient être utiles… cette fois nous ne les avions pas prises avec nous ! Pour ma part, j’ai attendu de voir la réaction spontanée de Marion en revenant de l’ « exploration » de la grotte et comme je m’y attendais, il n’y a rien de vraiment plus spectaculaire que ce qu’on voit depuis l’extérieur, et donc comme moi je n’aime ni me baigner ni le froid, j’ai passé mon tour, merci bien. De retour à Cilaos, nous avons fait une visite rapide de la ville et découvert un arc en ciel incroyable, le plus dense que j’aie jamais vu, parfaitement visible d’un bord à l’autre dans toute son intensité colorée. Nous nous sommes offert un petit goûter de crêpes et de glaces (un milk-shake à la rose pour moi) avant de retourner à l’hôtel. Les conditions météo se sont dégradées progressivement, le vent se mettant à souffler de plus en plus fort et il a commencé à faire bien froid… jusqu’au point où nous avons renoncé à sortir et décidé de dîner à nouveau à l’hôtel (où les plats étaient servis cette fois si généreusement que nous n’avons pas réussi à les terminer, et chose suffisamment rare pour être signalée, nous nous sommes par conséquent privés de desserts !).

Depuis le Piton des Neiges

Jour 9 : Cilaos – Gîte de la Caverne Dufour

Nous empruntons un bus pour monter au parking du Bloc et nous épargner 1h30 de montée sans intérêt sur une route de bitume très passante : nous débutons ainsi à 1380m l’ascension vers le plus haut sommet de l’ile, le Piton des Neiges à 3071,78m. Comme il n’y a pas d’eau courante au Gîte de la Caverne Dufour où nous passerons la nuit, je porte 6 litres d’eau soit la quantité nécessaire à la fois pour la journée et pour le lendemain, et autant de poids en plus dans le sac à dos… La montée est relativement rude, mais finalement pas si longue que ça, et comme nous arrivons au refuge vers 13h, nous suivons le plan de Marion d’oser l’ascension jusqu’au Piton des Neiges directement au lieu d’arrêter là la journée  : ce sera la bonne idée du jour, puisque non seulement cela nous permettra de voir la vue du sommet, mais ça nous épargnera le lendemain la montée dans l’obscurité pour le lever du soleil dans des conditions dantesques, qui nous auraient rendu la journée encore plus abominable. Nous changeons notre équipement en 5 minutes au Gîte pour effectuer le dernier segment du parcours plus légers et mieux couverts, et nous repartons sans perdre de temps ; j’ai malheureusement à cette occasion laissé mon portefeuille dans le sac à dos au refuge, ce qui va nous causer un stress (les sacs sont dans un espace commun et donc quiconque fouillerait pourrait nous priver de ma carte bancaire, qui est le seul mode de paiement que nous avons emporté pour ce voyage) dont nous nous serions passés… Nous sommes néanmoins récompensés de notre courage, car le sommet nous offre une magnifique vue sur le cirque de Cilaos et nous avons le plaisir d’y être entièrement seuls (à l’exception d’une tente qui a été installée là par des braves qui y passeront la nuit), mais il fait trèèèèèèèès froid et il y a beaucoup de vent. Quelques abris de pierres rudimentaires et sans toit ont été construits pour se protéger du vent, on s’y recroqueville pour déjeuner rapidement avant de prendre le chemin du retour vers le refuge ; à un moment, j’avais une telle sensation de gel dans la narine qu’elle commençait à me causer des douleurs au cerveau, c’est une sensation que je ne suis pas pressé de revivre. Après une ascension de 1700m, les 300m de redescente dans le vent et le froid après une longue journée de 8h d’efforts non-stop, ont raison des nerfs de Marion qui finit par ne plus supporter la hauteur des « marches » de lave durcie. Nous parvenons néanmoins à regagner le refuge avant la nuit, mais nous avons tellement froid que nous gardons toutes nos couches de vêtements sur nous pour le reste de la soirée, et Marion se réconforte avec une tisane bien chaude en arrivant.

Le Formica Leo

Jour 10 : Caverne Dufour – Bourg-Murat

Les nuits en dortoir sont toujours un pari (souvent perdant) en termes de qualité du sommeil. En dépit de conditions plutôt adverses (le froid, 9 personnes dans le dortoir, avec 5 personnes qui partaient à 4h45 pour tenter d’atteindre le sommet pour le lever de soleil), on a plutôt bien dormi : pas trop de ronflements, ni de bruit au départ des courageux qui ont tenté l’aventure. Nous avions pour notre part renoncé à retourner au sommet pour le lever de soleil, ce qui s’est avéré une décision judicieuse parce que les conditions étaient affreuses (vent, pluie, froid, aucune visibilité : affreuses, quoi), même si apparemment une partie des gens qui sont arrivés au sommet ont pu voir le lever de soleil et les Cirques. Vues les conditions nous avons gardé toutes nos couches de vêtements pour notre propre départ en direction de Bourg-Murat, plus de 1250m plus bas. Nous y avons rapidement ajouté la cape de pluie, qu’on n’aura ensuite pas quitté de la journée. La rando était longue et très pénible, sans doute déjà en temps normal compte tenu du fait qu’il s’agit presque exclusivement d’une descente, assez raide, mais elle était rendue bien pire par la bruine permanente, le froid, et le fait que ça faisait 4 jours qu’il pleuvait : le sentier était le lit d’un véritable petit ruisseau. On a mis le double du temps prévu pour descendre la première moitié, et pourtant on n’était pas honteusement lents puisqu’on a dépassé sur le chemin deux groupes partis avant nous, et qu’on n’aura été dépassés par personne. Après une longue partie rocheuse, on est arrivés dans la partie terreuse, et je ne vous apprendrai sans doute rien en vous disant que la terre quand c’est mouillé c’est… de la gadoue. Et c’est parti pour 4 autres heures dans la boue. Au bout d’un moment on a renoncé à essayer de préserver nos chaussures, et on a accepté de marcher dans la boue et les flaques d’eau. Difficile dans ces conditions d’apprécier le bois de couleurs dans lequel se prolonge la promenade, avec ses arbres au bois rouge, ses nombreuses mousses (dont certaines que j’ai beaucoup aimées, dont les couleurs passent du vert au rouge, puis à l’orange).

Un endroit du parcours s’appelle « La mare à boue » : le nom est très approprié pour l’endroit, mais je pense aussi qu’il y a un jeu de mot avec le nom du patelin attenant : Bourg-Murat, qui m’a inspiré ce dicton dont je ne doute pas qu’il a déjà été inventé avant moi : Qui va à Bourg-Murat, la boue remuera.

On a recouru à la fin à l’astuce proposée par l’agence qui avait planifié notre parcours, et fait appel à un taxi pour nous épargner la dernière heure et demie de marche sur du plat qui mène au village, et qui n’était plus vraiment de la rando – parce qu’on en avait bien marre, et parce qu’on risquait sinon d’arriver après la tombée de la nuit. Heureusement qu’on ne s’était pas infligés en plus la montée au Piton le matin ! Bilan de la journée : 8 heures de marche sous la pluie quasi permanente, 8 secondes de soleil (sans exagérer), 0 vues (brouillard permanent). En arrivant à l’hôtel L’Écrin, on a fait de notre mieux pour ne pas tout salir avec nos vêtements trempés et boueux, on s’est vite lavés à l’eau à peu près froide… On remercie tout de même la Providence (ou peut-être plus simplement la prévoyance des propriétaires, vraisemblablement habitués à ce genre de public – trempé, sale, fatigué et frigorifié) : cet hôtel est le seul lieu où nous avons résidé durant tout notre parcours où les chambres étaient équipées de radiateurs, et ceux-ci tombaient à point nommé pour nous permettre de sécher – au moins un peu – nos vêtements. Impossible bien sûr de sécher nos chaussures en une nuit, et nous savions donc qu’il nous faudrait terminer notre GR avec des chaussures trempées, l’idéal… Le diner en demi-pension, bien que ne nous laissant aucun choix dans le menu, était étonnamment très bon (gratin de papaye puis poulet sauté aux épices d’inspiration très asiatique, mais très réussi).

Percée au travers du brouillard à L’Oratoire Ste Thérèse

Jour 11 : Bourg-Murat – Piton Textor – Gite du Volcan

La journée commence dans le brouillard et la boue le long de terrains de pâturage, mais rapidement on grimpe dans une forêt (de cryptomérias parait-il) avec pas mal d’arbres renversés, des racines à nu et la terre creusée par les intempéries et… le passage des randonneurs. La météo s’améliore progressivement et nous obtenons une bonne vue au Nez-de-Bœuf. La végétation se raréfie en approchant du Rempart puis du Piton Textor mais la forêt est de retour à l’approche de L’oratoire Sainte Thérèse, où les nuages se trouent pour nous laisser la vue sur un premier paysage magnifique en surplomb (mon préféré du séjour !), puis sur la plaine de sable, avec le Formica Leo qui nous fait penser à Mustafar (la planète sur laquelle Anakin et Obi-Wan s’affrontent à la fin de Star Wars III : La Revanche des Siths). A notre arrivée au Gîte du Volcan, nous avons l’excellente surprise de voir qu’il est confortable et bien équipé (il y a même des poêles à bois dans les bâtiments !). Marion et moi sommes logés dans une chambre pour nous deux seuls, en lits superposés ; même si les cloisons ne sont pas épaisses et qu’on entend les mouvements dans les autres chambres et le reste du gîte, ce sont d’excellentes conditions pour un gîte de montagne. On retrouve Charlotte, avec qui nous avons effectué une partie du GR, et en attendant le souper, on partage avec elle le récit de nos aventures des derniers jours (elle est en avance d’une journée depuis notre pause d’un jour à Cilaos).
C’est pour nous la troisième journée consécutive à plus de 7 heures de marche, mais c’était une bonne journée sans pluie et avec suffisamment de soleil (mes chaussures ont séché pendant le trajet !), de belles vues et sur du bon terrain, qui nous remet un peu de baume au cœur après la journée de la veille.

Déluge au Piton de la Fournaise

Jour 12 : Ascension du Piton de la Fournaise

La journée commence mal, on part dans le brouillard, le vent et la pluie… et ça ne s’améliorera pas. On avait pourtant délibérément pris notre temps avant de partir en espérant que la météo allait s’améliorer, mais en commençant le sentier, on a croisé des dizaines de randonneurs qui rentraient dépités, partis plus tôt et ayant renoncé en cours de route. On finira par renoncer à notre tour, à une demi-heure du Piton de la Fournaise, vaincus par une dernière heure de vent et de pluie en pleine face, alors que les perspectives de voir quoi que ce soit au piton sont définitivement nulles. Même si on a eu beaucoup plus de pluie forte que deux jours plus tôt, la journée est pour moi néanmoins moins affreuse que la descente vers Bourg-Murat, parce que même si on n’a pas eu de vues, la marche sur la lave séchée avait quand même ses attraits : les diverses textures prise par la lave (lisse, polie comme un miroir, onctueuse comme une mousse au chocolat, membraneuse comme du chewing-gum) et les couleurs (beaucoup de noir et de gris bien sûr, mais aussi du bleu, du rouge, du vert, de l’orange), certains reliefs (des crevasses, des cratères, des protubérances, certaines crevées et qui révèlent donc leur intérieur) sont un vrai plaisir pour l’œil (impossible toutefois d’en réaliser des photos dans ces conditions, hélas…) ; et par ailleurs, les conditions météo cataclysmiques se mariaient assez avec ce paysage lunaire (j’ai eu une vision à un moment des Dry Heaps, dans Guardians même si je me doute que cette référence ne parlera pas à grand monde).
Rentrés au refuge, on s’est réchauffés tout l’après-midi auprès du poêle ; à l’extérieur, la météo est restée aussi pourrie toute la journée… Les gens qui faisaient comme nous le GR R2 envisageaient différentes possibilités pour terminer la boucle le lendemain : la redescente jusqu’au gîte de Basse Vallée s’annonçant longue (6 à 7 heures de marche annoncées), avec un dénivelé négatif de 1200 mètres, risquait de beaucoup ressembler à celle de la descente du Jour 10 si les conditions météo restaient aussi mauvaises. Notre copine Charlotte est partie sur un sentier alternatif, la famille de strasbourgeois avec qui nous étions en synchronisation depuis le Piton des Neiges a décidé de faire venir carrément un chauffeur pour les récupérer au Gîte du Volcan,… De notre côté, nous avons pris le parti de maintenir notre plan original et de descendre en finissant le GRR2 par la route traditionnelle malgré tout, en espérant que le destin sourie aux audacieux.

Redescente depuis le Gîte du Volcan

Jour 13 : Gite du Volcan – Gite de Basse Vallée

Nous nous sommes levés à 6h, mais le temps de préparer nos sacs et de prendre le petit-déjeuner, on n’a pas réussi à partir avant 7h40… en retard sur notre planning qui nous voyait partir à 7h vu que la journée s’annonce assez longue (officiellement 7 heures de marche, mais comme il y a 18 kilomètres et 1900 mètres de dénivelé négatif (l’équivalent de 630 étages à descendre grosso modo, avec des marches souvent hautes de plus de 50cm et glissantes…) et qu’on essaie d’être prudents dans les descentes pour préserver la cheville et le genou blessés de Marion, on sait qu’on en aura pour plus de temps… or c’est un chauffeur qui vient nous récupérer au point d’arrivée pour nous conduire ensuite à l’hôtel où nous terminerons notre séjour, et le rendez-vous est à 15h30 : on a donc un peu moins de 8 heures pour parcourir la distance. Ça ne nous a pas empêchés de commencer très (trop) tranquillement sur la première portion du parcours, relativement plate le long du cratère. Le temps est nuageux mais il ne pleut pas, et un arc-en ciel encourageant nous accueille dès la sortie du gîte. Nous en croiserons d’autres encore pendant la première demi-heure de marche, dont un dont nous voyons le pied, à moins de 5 mètres de nous : avec une pelle (et du temps…) nous aurions peut-être découvert un trésor !
Ce début de parcours nous donne l’occasion de voir enfin un peu le cratère du volcan de la Fournaise et ses coulées de lave les plus récentes (qui se distinguent nettement par leur couleur plus sombre) au travers de rares trouées nuageuses. Les nuages nous encerclent à nouveau, une pluie légère finit par nous tomber dessus… Nous avons déjà fait plusieurs fois le manège d’enlever, puis rajouter des couches (polaire, imper…). Comme le mauvais temps semble parti pour durer, j’envisage un moment de mettre ma cape de pluie pour mieux me protéger ainsi que mon sac, mais la cape de pluie complique quand même un peu les mouvements et comme je sais qu’on on approche de la partie en descente raide, je fais le pari de rester en simple imperméable. C’est en définitive le bon choix puisque la pluie s’arrête sans avoir tourné à l’averse, et bientôt les nuages s’éloignent.
Le parcours nous fait passer devant plusieurs points remarquables et tant qu’à être là et vu qu’on n’en aura pas à nouveau l’occasion avant longtemps, nous nous accordons quelques détours pour explorer un peu : on laisse nos sacs au pied d’une cheminée qu’on escalade à mains nues sur la roche coupante, on observe l’intérieur du Puys Ramond, vaste cratère couvert d’arbres et d’arbustes à l’intérieur comme à l’extérieur, alors qu’autour la végétation est beaucoup plus éparse et essentiellement minérale… puis c’est le début de la descente et des choses sérieuses. Dans les hauteurs, la végétation basse nous permet d’admirer de magnifiques vues sur la côte sud sauvage, avec le ciel bleu qui se confond avec la mer à l’horizon : un décor qu’on n’avait pas encore eu l’occasion de voir depuis le début du GR (on avait quand même entrevu la mer au loin au travers des nuages, par occasions), et qui fait bien plaisir après toute la partie minérale et nuageuse qu’on vient de quitter. Puis on traverse un bois de couleurs dense comme une jungle, riche d’une infinité de verts du plus vif au plus sombre : même la roche est verte ! C’est très beau.
Nous effectuons une pause déjeuner rapide sur un rocher, mais notre timing est serré donc on repart sans s’être vraiment reposés (mais un peu refroidis…), et ce sera notre dernière pause, ce qui fait peu pour une randonnée assez exigeante. Plus les heures s’accumulent (on est partis à 7h40, ce qui nous a fait encore une journée à plus de 8 heures), plus la patience de Marion (et ses genoux) sont mis à l’épreuve (comprendre : elle passe les dernières heures à maugréer et à pester contre tout, surtout la taille des marches, qui rend vraiment la descente pénible pour les gens qui font moins d’un mètre soixante-dix, disons).
Nous arrivons finalement à 16h au point de rendez-vous ; notre chauffeur, Billy de Mychauffeur.re, toujours très sympa, ne nous fait pas de reproches (j’imagine qu’il est rare que les gens soient parfaitement ponctuels à ce rendez-vous, avec une randonnée aussi longue), et nous offre même des samoussas à la Dakatine (un beurre de cacahouète arrangé à la réunionnaise, avec des épices). Il nous reconduit le long de la côte sud puis ouest jusqu’à notre hôtel, Lux à St Gilles, en nous racontant encore plein d’histoires et d’informations sur La Réunion.
L’hôtel est une petite station balnéaire en soi, il y a tellement de bâtiments qu’il faut un plan pour se repérer. Nous avons une grande chambre, la literie est super, nous dînons d’un buffet de ouf, riche et varié (avec notamment un tajine de légine, un poisson des mers australes, très bon et rare…
C’est la fin du périple et le début de trois jours de détente grand confort.

La plage de Saint-Gilles-les-Bains

Bilan :

Je suis vraiment très content de cette grande randonnée de 13 jours.
On a vu plein de beaux paysages.
On était à la fois loin de la civilisation, mais toujours avec un certain confort (on n’a jamais eu à craindre de pénurie de quoi que ce soit, et notamment pas d’eau, ce qui est une préoccupation importante quand on part sur une randonnée de plusieurs jours).
Le voyage était bien coorganisé avec l’agence locale Horizon Réunion, avec une alternance pour le couchage entre gîtes, refuges, et hôtels pour nous permettre d’avoir des périodes plus confortables par moments (on a eu pas mal de chance au niveau des couchages avec peu de dortoirs communs, et jamais de mauvaise nuit à cause des ronfleurs ou du bruit du vent ou autre, le genre de désagréments qui peut ruiner le repos et rendre la journée suivante plus difficile, et on a aussi eu exactement les conditions qu’il nous fallait à deux occasions : un gite avec des prises électriques le jour où on n’avait plus de batterie dans aucun de nos appareils, et surtout un hôtel avec des chauffages le jour où on a terminé trempés et qu’il fallait vraiment qu’on puisse sécher nos affaires). Le rythme des courses est très bien (même si à mon avis, il est vraiment préférable d’ajuster comme on l’a fait sur les journées au Piton des neiges, en montant au piton dans la foulée de l’ascension depuis Cilaos, et pas y aller dans la nuit pour le lever de soleil, et enchaîner avec l’éprouvante descente vers Bourg-Murat – cette ascension n’est pas au programme du GR, mais ce serait dommage de passer là et de ne pas aller voir, quand même).
La météo aurait pu être meilleure (on a eu deux jours de pluie non-stop, et peu de jours sans pluie du tout : les réunionnais qui nous en parlaient disaient que la météo était spécialement froide et pluvieuse cette année, et que ce n’était pas un hiver normal – pour mémoire c’est normalement la saison sèche), mais on a eu suffisamment de beau temps pour pouvoir voir pratiquement tout, dont plein de belles choses.
Enfin, j’ai beaucoup aimé l’état d’esprit tout au long de la rando, les gens qui nous accueillaient étaient souriants et généreux, on a partagé de bons moments avec plein de randonneurs sympas : ce furent de très bonnes vacances sportives !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *