Koryo (Monster Games, 2013)
Koryo, dont le nom signifiait Corée à l’époque où il n’y en avait qu’une, est un jeu de cartes sorti il y a une quinzaine de jours chez Moonster Games. Il s’agit d‘un jeu de majorité dans lequel les joueurs vont poser des cartes personnages afin de remporter des majorités et de bénéficier des pouvoirs spéciaux desdits personnages tant qu’ils sont majoritaires. A l’issue des 8 tours de jeu, on compte les points de victoires (valeurs des cartes où l’on est majoritaire + jetons de victoire remportés) et le joueur en ayant le plus est sacré Chef Suprême de la République Populaire et Démocratique de Corée (j’déconne). A chaque tour, les joueurs piochent un certain nombre de cartes et vont en poser autant qu’il veulent ou peuvent ; chacun devra cependant respecter la limite de cartes posées à la fin du tour et éventuellement défausser le surplus : parce qu’en effet, au fil de la partie, les joueurs vont piocher de moins en moins de cartes (de 10 au début à 3 à la fin), et pouvoir en avoir de plus en plus de posées devant eux (de 3 à 10). Les cartes choisies chaque tour doivent toutes être de la même « famille » (banquier, espion, commerçant, etc.), et chaque famille est représentée un nombre de fois variable dans la pioche (le commerçant a ainsi une valeur 9, il y en a 9 dans le paquet ; le sénateur a une valeur 3, il y en a donc 3 dans le paquet, etc. C’est bon Stoëffler, t’as compris ?). Ha, et l’armateur, c’est la carte de rang 5, il y en a donc 5 dans le paquet, aussi.
Ce point est primordial parce que d’une part les majorités sont assurées avec plus ou moins de cartes et d’autre part les valeurs des cartes indiquent les points remportés à la fin de la partie pour chaque majorité détenue. Vous vous demandez peut-être déjà pourquoi ne pas se concentrer sur les cartes de valeur haute : principalement parce qu’entre autres, la puissance des pouvoirs va décroissant avec les valeurs ; le commerçant de valeur 9 n’a par exemple aucun pouvoir durant la partie mais remportera 9 points à celui qui en aura le plus au dernier tour ; inversement, le sénateur ne remportera que 3 points à la fin de la partie, mais vous aura permis de dépasser la limite de cartes posées à chaque tour durant toute la partie, ce qui peut être un avantage appréciable.
Vous pouvez également à votre tour jouer des événements (deux types différents, pour un total de 10 cartes) afin de pourrir vos adversaires : vous pourrez ainsi échanger deux cartes au choix ou plus brutalement en détruire une ; ces actions vont cependant se matérialiser sous forme de cartes -1, qui seront autant de malus à la fin de la partie et qui comptent dans la limite de cartes posées à la fin du tour (cependant, si vous disposez de la majorité des prêtres, vous aurez la possibilité de vous absoudre de ces mauvaises actions…). Le jeu est réellement bien pensé, avec une interaction permanente entre les joueurs, la possibilité de tester différentes stratégies ; il faudra sans cesse s’adapter aux jeux des adversaires et tenir compte de sa position dans l’ordre du tour : si vous remportez une majorité à votre tour, un de vos adversaires peut la reprendre durant le sien et bénéficier aussi ou même à votre place du pouvoir concerné. Disons par exemple que je suis premier joueur et que je joue le premier banquier de la partie ; étant majoritaire, je gagne donc un jeton de victoire que je place dans ma réserve ; le second joueur joue deux banquiers à son tour, et devient donc majoritaire : il gagne donc un jeton également. J’ai pu tester le jeu à deux et à quatre joueurs (comptez entre 10 et 20 mn environ, en fonction de la connaissance du jeu), et cela donne des styles de partie réellement différents, sans que personnellement je n’ai de préférence pour les unes ou les autres : à deux, on contrôle nettement mieux les majorités et il y a beaucoup moins de remise en cause des stratégies avancées en début de partie ; à 4, il y a plus de chaos mais aussi plus d’ambiance et bien évidemment plus d’interactions.
On pourra reprocher au jeu son thème plaqué sur une mécanique par ailleurs bien huilée : c’est vrai. Le jeu aurait pu s’appeler Lutécia, ça aurait été la même (en l’occurrence, c’est un coréen qui a créé le jeu, pas un gaulois); de même, vous remplacez le banquier par un agriculteur qui engrange des récoltes, ça ne change rien. On pourra également reprocher à Koryo son côté aléatoire : c’est vrai aussi. Dans la pioche, tout d’abord : on va tout de même piocher au moins 52 cartes durant la partie, c’est énorme ; et si par malheur vous ne piochez jamais les cartes que vous aurez choisi en début de partie, vous ne parviendrez jamais à obtenir de majorité et la partie ne sera alors qu’une longue litanie (enfin, longue de 15 mn). Mais le côté aléatoire se ressent également dans le mécanisme de pose ; je n’ai pas voulu entrer trop dans les détails, mais il peut arriver de jouer un tour pour rien, notamment dans les tout début de partie, et c’est parfois rageant (mais c’est le jeu ma pauvre Lucette !). Enfin, il arrive également que dans les parties à 4 un joueur se retrouve en position de king maker au profit de deux des trois autres, lorsqu’en fin de partie, les majorités peuvent basculer de manière dratique. Koryo est de plus agrémenté d’illustrations de qualités, et le matériel (maigre : 60 cartes et une dizaine de jetons) est irréprochable. Parties rapides et nerveuses, interaction et coups de crasse : malgré un côté aléatoire assez fort, Koryo est un de mes jeux préférés à 2-4 joueurs et une alternative crédible à l’immanquable Seasons, dont vous trouverez un article non moins immanquable ici.
Ps : précision, il existe des protections plastiques tout à fait adaptées à Koryo, disponibles dans toutes les bonnes boulangeries, en trois qualités : je vous les conseille fortement, vu que le jeu est battu trèèès régulièrement ; personnellement moi-même de manière intrinsèque et unilatérale, j’ai opté pour les Mayday Games Premium Card Sleeves 65mmx100mm.