Inglourious Basterds (Quentin Tarantino, 2009)

On se posait (forcément) la question hier avec Pierre et Elise du pourquoi de ce « basterds » (quand le mot anglais s’écrit normalement « bastards »). La page wikipedia du film cite Quentin Tarantino expliquant simplement qu’ « il s’agit de la façon correcte de l’écrire à la Tarantino » ^_^  (après tout c’est effectivement comme ça qu’on le prononce). Ce qu’un simple français même anglophonophile remarque moins, c’est qu’il y a aussi un ‘u’ de trop dans le « Inglourious » ; personnellement, j’imagine que c’est en partie ce qui explique le choix de garder le titre en VO plutôt que de s’arracher les cheveux pour trouver un équivalent en français (même si, c’est vrai, presque tous les films de Tarantino ont de toutes façons gardé leur titre original lors de leur sortie en France, à part Deathproof/ Boulevard de la Mort, pour lequel le titre français était bien vu pour faire ressortir la référence aux films de série B auquel il est censé rendre hommage).

Bref, revenons au film, et abordons directement la question qui vous intéresse : non, Inglourious Basterds n’est pas le meilleur film de Tarantino, et même, ce n’est pas un film extraordinaire dans son ensemble.

L’histoire, qui se déroule dans la France occupée par les nazis entre 1940 et 1944,  se concentre autour de trois ‘cercles’ principaux :

– les « Inglourious Basterds » qui donnent leur nom au film, une bande de miliciens américains juifs menés par le Lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt) lâchés sur le territoire français et qui « chassent du nazi », scalpant ceux qu’ils tuent et marquant d’une svastika ceux qu’ils laissent échapper avec deux objectifs : terroriser leurs ennemis avec des ‘gimmicks’ qui frappent leur imaginaire, et faire en sorte qu’aucun des serviteurs du Reich ne puisse simplement quitter son uniforme pour se dédouaner d’avoir pris part aux méfaits des nazis. Les exploits du groupe permettent à Tarantino de réaliser les scènes de violence stylisée auxquelles il nous a habitués depuis Reservoir Dogs, mêlant à la fois des aspects cartoonesques marrants (l’incrustation du nom d’un personnage précédant sa présentation,…) et une cruauté qui met mal à l’aise (le massacre du crâne d’un nazi à coups de batte de baseball,…)

– Shosanna Dreyfus (Mélanie Laurent), jeune juive rescapée du massacre de sa famille et qu’on retrouve à Paris propriétaire d’un cinéma qui sera choisi pour accueillir la première d’un film de propagande nazi à la gloire d’un sniper devenu héros national. Les scènes centrées sur ce personnage sont l’occasion de mettre en scène le quotidien oppressant des « simples français » contraints de composer avec la présence des omniprésents soldats allemands.

– l’onctueux officier nazi Hans Landa (Christoph Waltz, prix d’interprétation masculine à Cannes en 2009), brillant polyglotte et excellent investigateur, pour le malheur des juifs qu’il traque avec un brio qui lui a valu une renommée comparable à celle des Basterds et le titre « honorifique » de Chasseur de juifs.

On a souvent reproché à Tarantino de réaliser des films bavards (personnellement, Boulevard de la Mort pour moi, c’était VRAIMENT trop). Inglourious Basterds est aussi clairement un film où les dialogues sont primordiaux. Ici alternativement en anglais, français ou allemand (avec même un mémorable passage en italien) ceux-ci sont remarquables et permettent des scènes dans lesquelles le jeu des acteurs est porté à leur sommet (à part pour une scène -la révélation du plan de Shosanna à son compagnon Marcel- vraiment mauvaise) et c’est la très grande force du film.

Dans le premier chapitre, le colonel allemand Hans Landa rend visite à un paysan français et use de la plus grande courtoisie pour effectuer un interrogatoire en vérité extrêmement cruel.

Dans le quatrième chapitre, réunis malgré eux dans la cave d’une taverne, un officier nazi et des résistants de divers horizons jouent (en allemand, et c’est le coeur de toute la scène bien qu’on s’étonne après coup d’avoir suivi les échanges sans jamais être embarrassé par la barrière de la langue), littéralement, une sorte de Qui-est-ce ? mortel pour démasquer les agents infiltrés.

Il n’y a pour ainsi dire aucune action dans ces deux scènes qui sont pour moi les meilleures du film, mais elles sont toutes les deux d’une puissante et captivante intensité, et les acteurs sont à la hauteur de cette tension. Paradoxalement, alors que le film n’est pas complètement satisfaisant (on rit fort, mais pas assez souvent ; on est captivé, mais seulement par moments ; les trois personnes avec qui j’ai vu le film lui reprochaient son absence de propos, etc.), il me fait quand même constater que Tarantino est un sacré réalisateur, excellent dans le choix et la direction de ses acteurs, l’écriture des dialogues et la conception de ses personnages.

Et donc au final, rien que pour ces deux chapitres (sur 5) et pour les quelques moments d’exceptions parsemés dans le reste du film, je recommande de voir Inglourious Basterds.

8 réflexions sur “ Inglourious Basterds (Quentin Tarantino, 2009) ”

  1. Jika sur

    Perso, j’ai bien aimé le film, j’en ai même été agréablement surpris, m’attendant à quelque chose de plus bourrin que ça.

    Le film est assez tarantinesque dans la construction, avec des chapitres (comme dans Kill Bill, de mémoire), et, LE truc qu’il fait souvent mais que j’adore, et qui a été mentionné par Akodostef, la présentation des personnages avec l’arrêt sur image, le petit bandeau et un petit historique avec la musique qui va bien (on dit pas ça qu’à l’armée, private joke).

    Les scènes d’action sont assez bien faites comme d’habitude, même si moi j’ai trouvé celle de la cave un peu confuse (on en a parlé avec certains, ce serait fait exprês…). Et puis il y a une incohérence dans le dénouement de cette scène qui m’a gavé:
    Show ▼

    J’ai trouvé que le film ne souffrait d’aucune longueur (et là si on compare à « Boulevard de la mort », il y a un gouffre !), et je n’ai pas vu passer les 2h30 du film, de même que ma charmante accompagnatrice qui était allé voir le film à reculons.

    Au niveau des acteurs, j’ai bien-bien aimé Brad (Pitt, pas l’autre, private joke) ainsi que l’officier nazi, les deux jouent très bien à mon sens (peut-être un peu surjoué pour Brad ?). En revanche, comme le disait Akodostef et pour reprendre un mot à lui, je trouve le jeu de Marcel ctaclysmique ! La scène de l’explication du « Kino Plan » version VF est terrible de nullité, mais d’une manière générale, il joue quand même super mal (à part peut-être la scène de la fin ? Et encore…).
    Les deux scènes dont parle Akodostef sont effectivement très fortes (même s’ils ne jouent pas au « qui est-ce », mais au jeu des post-it).

    Perso, je recommande donc ce fillm pour sa globalité (putain, s’il avait su que sur Mêmesprit quelqu’un écritait qu’il a bien aimé deux des cinq chapitres, Tarantino n’en aurait peut-être fait que deux !) : je ne sais pas si le film véhicule un message quelconque, mais il n’y a pas forcément besoin d’un message pour faire un bon film, et le genre « Comédie de guerre et d’action » est un créneau encore novateur (bon, ok, La Traversée de Paris… mais Inglourious Basterds ça a quand même une autre gueule ^^).

    Bref, un Tarantino classique, mais bien.

  2. Ayastan sur

    D’une la traversée de paris est un excellent film et de deux, je plussoie tout ce qu’à dit Jika du début à la fin (surtout la fin d’ailleurs)

  3. Stoeffler sur

    Vu!

    Plusieurs points en accord. Marcel, au secours comment tu joues comme un pied! Pareil pour Frederick Zoller, il etait pas credible, c’est dommage, l’acteur n’etait pas mauvais dans Good Bye Lenin.
    De plus, Hans Landa est une veritable pourriture et l’acteur tres bien son role, chapeau!
    Je suis un peu pus sceptique pour Brad Pitt, je trouvais que c’etait un poil surjoue (peut etre etait-ce voulu?!) son role. Mais effectivement, la scene ou il « parle en Italien » etait a mourir de rire.
    Pour finir, on sent quand meme que Tarantino maitrise la realisation et la camera. Les images et les plans sont bien choisis, les ralentis bien inseres et le choix des acteurs bien senti (a part Marcel et Zoller), la presentation des personnages cartonne avec cet effet d’arret sur image, et l’intensite est bien dosee.
    Bref plein de bonnes choses, mais certainement pas son meilleur film (meme si j’ai envie de le revoir pour deceler plus de subtilites).

  4. Jika sur

    Ha bah oui ! Le gars jouait aussi dans Good Bye Lenin !
    J’avais vraiment bien aimé ce film, et je me rappelais plus où j’avais déjà vu l’acteur…

  5. Gattaca
    Gattaca sur

    Moi, j’ai trouvé que ça se laissait bien regarder, sans être non plus génial comme tant de personnes l’affirment…(enfin, ailleurs que sur ce blog)
    Des longueurs (il aurait raccourcir à 2h ou 1h30 sans souci)… Il a un peu tendance à s’écouter parler et à se toucher Tarantino, dans ses films lol
    Sinon, je plussoie la médiocrité de l’acteur jouant Marcel… la piètre prestation de l’acteur allemand Daniel Brûlh, qui nous avait habitué à mieux… le surjeu de Braaaad, qui ne nous livre sa meilleure performance. Seul Christoph Waltz tire véritablement son épingle du jeu, avec un potentiel comique insoupçonné au départ ! Comme à son habitude, c’est dans la dernière partie du film, les 10-15 dernières minutes, que le réalisateur passe enfin à l’action dans un feu d’artifice frénétique et jubilatoire… La (ré)jouissance habituelle du réalisateur, de toute vraisemblance ! ;)

  6. Akodostef sur

    Je vous trouve un peu durs avec Daniel Bruhl : il joue dans une langue qui n’est pas la sienne, et il joue un type qui parle une langue qui n’est pas la sienne. Du coup, ça ne me choque pas que son jeu paraisse un peu mécanique et rigide; dans la première scène, Christoph Waltz parle en français, je pense que s’il avait dû davantage rester dessus ça aurait aussi coincé bien que l’acteur soit clairement excellent.

    Pour la fin, personnellement je l’ai trouvée beaucoup moins réussie que celle d’à peu près tous ses autres films. Notamment comparée à celle de l’imbuvable Boulevard de la Mort par exemple, au lieu d’être jouissive, je la trouve glaçante (je pense d’ailleurs que c’est l’objectif de Tarantino, qui plonge le spectateur dans une mise en abyme en l’installant dans le fauteuil du nazi qui se marrait en regardant le sniper flinguer un à un les militaires Alliés et renvoie en miroir au visage hilare d’Hitler celui de Shosanna).
    Le fait qu’il réussisse à nous glacer est peut-être le signe que la scène est réussie, mais pour le coup elle m’a trop mis mal à l’aise pour que je l’apprécie… et le fait que Tarantino conclue d’ordinaire ses films sur des scènes jouissives brouille aussi un peu le message, je pense (ce que soutient Marion par exemple): quel est le message de cette scène finale, alors ?

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