4 jours à Séville (Mai 2015)

Marion et moi sommes partis 8 jours en Andalousie, à la fin du mois d’avril 2015. Voici la deuxième partie de notre voyage (la première, à Grenade, est ici), pour ma maman, et pour m’en souvenir quand je serai vieux (ou au moins au-delà du mois prochain). Pour que cet article soit utile à d’éventuels lecteurs qui prévoiraient un voyage similaire, j’ai noté de * à ***** (* étant à éviter absolument, ***** justifiant à mon sens de faire le détour pour ce lieu seul) l’intérêt des endroits que nous avons visités, des hôtels où nous avons séjourné, et des restaurants où nous avons mangé. Et pour ceux qui préfèrent les images, une sélection de nos meilleures photos se trouve ici.

Jeudi 30 avril 2015 : quartier de Santa Cruz

Notre voyage de retour vers Séville est placé sous le signe de la convivialité dans notre wagon, où un couple de vieux voyageurs plurilingues conversent pendant tout le trajet avec deux jeunes étudiantes qu’ils ne connaissaient pas et qui ne se connaissaient pas non plus, les quittant en leur tapant la bise comme s’ils étaient de la famille : la convivialité à l’espagnole, que je trouve vraiment chouette mais à laquelle je suis incapable de m’associer, antisocial que je suis (et ce n’est pas Marion qui peut compenser ma phobie des relations avec des inconnus, vu qu’elle est au moins aussi coincée que moi dans ses rapports aux autres -et qu’elle parle encore moins l’espagnol).

A l’arrivée à Séville, nous nous installons à l’hôtel EME Cathedral***, hôtel moderne voire branchouille, on-ne-peut-plus idéalement situé (juste en face de la Cathédrale, donc vraiment au cœur des quartiers les plus intéressants à visiter). Le service y est impeccable, mais si tout a l’apparence du grand luxe, nous qui ne sommes pas particulièrement exigeants d’habitude, nous y avons été frappés par des problèmes de finition et de conception étonnants (on pense qu’ils ont fait faire les travaux par un beau-frère pas trop sourcilleux et peut-être même vaguement escroc).

Il ne faut pas hésiter à pousser les portes des habitations pour découvrir leurs plaisants patios

Nous entamons notre découverte de Séville par la visite du quartier de Santa Cruz***, formé de jolies maisons traditionnelles avec patios, aux tonnelles et balcons fleuris, et d’où l’on a de beaux points de vues sur la Cathédrale.

La journée se conclut par un dîner chez La Cava del Europa***, qui ne paie pas de mine mais propose de chouettes tapas (Marion se souviendra longtemps du gaspacho de fraise !) et une bonne sangria. La musique est très présente à Séville, parfois sans qu’on la souhaite, notamment en terrasse des restaurants ; nous aurons eu le plaisir… disons mitigé, d’écouter coup sur coup deux musiciens de rue andalous pendant notre repas.

Vendredi 1er mai 2015 : Santa Cruz, Real Alcazar, Paseo de Colon, Metropol Parasol, Plaza del Salvador

Après un petit-déjeuner buffet riche et varié, nous reprenons notre visite du quartier de Santa Cruz, n’hésitant pas, comme nous y encourage le Routard, à pousser la porte des immeubles pour en découvrir les patios. S’y refuser, c’est effectivement passer à côté de ce qui fait l’originalité et le charme de ces bâtisses, puisque passées les lourdes portes, on accède à de petits vestibules aux carrelages colorés et souvent ornés ; de là, on peut découvrir -la plupart du temps derrière une grille de fer forgé qui, elle, reste fermée aux étrangers- le décor aménagé dans la petite cour qui constitue le cœur de l’habitation : plantes et fleurs, fontaines, mobilier élégant ou invitant à la détente… on imagine facilement que ces petits espaces privilégiés fassent la fierté et/ou le bonheur de ceux qui vivent là.

Une longue file d’attente accueille les visiteurs du Real Alcazar****, l’un des monuments majeurs de Séville, résidence royale depuis des siècles, forteresse bâtie par les conquérants arabes de l’époque d’Al Andalus puis plusieurs fois reconstruite dans des styles plus « occidentaux », mais néanmoins respectueux de l’influence originelle de l’art musulman, ce qu’on appelle aujourd’hui l’art mudéjar. Les grandes et hautes pièces qui constituent le parcours marient l’élégance de la décoration et des agencements, à la majesté de dimensions massives et de la richesse des matériaux. Comme de nombreuses visites de notre séjour, celle-ci nous permet également de découvrir tout un pan de l’histoire de l’Espagne -et donc de l’Europe- largement occultée de nos jours, celle de la conquête, mais surtout de la longue (plus de 7 siècles!) domination puis cohabitation des arabes sur ces terres, et de l’effet de cette présence sur l’art et la science, notamment (et probablement aussi, par réaction, sur la religion, le catholicisme se faisant plus fervent pour unifier et intensifier la lutte contre l’étranger). Les vastes jardins du palais, taillés à la française, valent également le détour. Nous y croisons un paon fanfaron, et traversons des champs de roses dont la fragrance est si riche qu’elle parvient à nos narines sans même qu’il soit besoin de se pencher vers elles (ce qui n’est hélas plus le cas en ce qui concerne les orangers : à Séville, où il fait bien plus chaud qu’à Grenade, la période de la floraison est déjà dépassée).

Nous déjeunons frugalement d’un cornet de chips artisanales encore chaudes sur la Plaza del Salvador, centrale et animée quelle que soit l’heure de la journée, et gagnons la Casa de Pilatos****, très belle villa parfaitement entretenue dont la décoration n’a rien à envier à l’Alcazar entre ses statues de dieux grecs et d’empereurs romains, ses hauts panneaux de bois ouvragés, et toujours ce mélange des influences avec les frises, carrelages et moulures de style mudéjar.

La journée se poursuit par une balade le long du Paseo de Colon***, agréable promenade piétonne qui longe le fleuve Guadalquivir, où se croisent joggers, cyclistes, promeneurs, couples et petits groupes qui viennent simplement s’installer là sur les bancs ou à même les quais, la proximité de l’eau apportant un peu de fraîcheur sous le soleil sévillan.

Nous effectuons ensuite un rapide détour par le Metropol Parasol**, un promontoire panoramique moderne en forme de champignon, architecturalement audacieux mais qui ne nous a guère séduits (les photos que je trouve en préparant cet article sont plus attractives que ne l’était le truc in situ : est-ce qu’on a mal regardé ? Est-ce qu’on n’était simplement pas dans le bon état d’esprit ? J’avoue que pour ma part j’avais un petit préjugé sur le concept du « lieu où tu payes pour avoir des vues sur la ville »).

L’un des bassins du Real Alcazar

Nous tentons ensuite de rejoindre un resto excentré conseillé par le guide pour diner, quitte à traverser la moitié de la ville, mais nos efforts ne sont guère récompensés puisque comme souvent, du fait que l’endroit est recommandé par le Routard, il est rempli, et a priori presque exclusivement de clients français… Non seulement l’endroit perd de fait son charme (l’expérience est un peu dénaturée), mais surtout, il n’y a plus une place disponible. Nous faisons donc demi-tour, abattus par notre longue marche improductive, la faim et la fatigue nous rendant légèrement irritables.

Après que nous soyons passés devant tout un tas d’autres restos sans nous arrêter, c’est finalement Marion qui triomphe de notre sociophobie commune (sa faim était clairement plus grande que la mienne, mais son courage aussi) et qui entre dans un bar noir de monde de la fameuse Plaza del Salvador, Las Soportales. Faisant fi de notre ignorance de la bonne façon dont on doit passer commande dans ces lieux où il n’y a jamais de carte et où les clients semblent toujours savoir ce qu’ils vont prendre (ce qui personnellement me tétanise), elle commande un sandwich (ici on parle de montaditos) au chorizo et une bière, que nous dégustons ensuite debout sur la terrasse bondée. La qualité de la restauration n’était pas mémorable, mais le service au bar était assuré par un barrista hallucinant qui enchaînait les commandes depuis son comptoir, servant pratiquement plusieurs verres à la fois tellement il y avait de monde, avec des clients qui l’assaillaient à la fois depuis sa petite fenêtre donnant sur l’extérieur, et depuis l’intérieur du bar, sans discontinuer. Ce spectacle à lui seul justifiait pratiquement de venir prendre un verre là pour y assister (ça m’a en tous cas rendu l’endroit plus sympathique, et m’a fait dédramatiser le fait de ne pas connaître les bons usages dans les bars espagnols : en gros ici, les gens savent déjà ce qu’ils vont prendre avant d’entrer, et le commandent sans chichi (ce qui, quand on y pense, est le cas dans pratiquement tous les pays, sauf qu’on a l’habitude de se voir présenter une carte sur laquelle on vérifie que, oui, ils servent bien des cocas et des cafés…)).

Les mosaïques et les arabesques côtoient les statues romaines dans la Casa de Pilatos

De retour à l’hôtel, nous avons la bonne surprise de constater qu’ils nous ont changé de chambre, répondant de façon certes efficace et satisfaisante mais assez inattendue (déplaçant toutes nos affaires pendant notre absence et sans nous demander notre avis, notamment) à la contrariété exprimée par Marion au petit-déjeuner vis-à-vis de notre première chambre (dans laquelle il n’était possible que de prendre des bains, et pas de douche). Cette deuxième chambre nous convient clairement mieux, même si elle nous permet de confirmer notre constat en ce qui concerne les problèmes de conception et de finition de l’hôtel : la première chambre n’était pas une exception.

Nous terminons cette longue journée sur la terrasse de l’hôtel, autour d’un plaisant cocktail (un poil hors de prix, mais on paye la splendide vue), face à la cathédrale éclairée par de puissants spots qui en font un espace de jeu pour des oiseaux couche-tard qui virevoltent autour, dans la lumière qui traverse le ciel nocturne.

Samedi 2 mai 2015 : Plaza de Espana, Palacio de la Condesa de Lebrija, Triana

Nous attaquons notre matinée par une visite de la monumentale Plaza de Espana***. Cette large arène circulaire toute en briques rouges, gardée de part et d’autres par de jolies tours rondes et entourée d’un charmant petit canal, fut construite à l’origine à l’occasion de l’Exposition Ibéro-américaine en 1929 (destinée à renouer les liens entre l’Espagne et les pays d’Amérique Latine, après qu’elle y ait perdu ses colonies à la fin du 19e siècle), et son décor féérique (on se croirait en plein Disneyland!) a notamment servi de toile de fond à une scène de la première (enfin, la deuxième… bon, vous voyez ce que je veux dire, c’est dans L’Attaque des Clones) trilogie de la Guerre des Étoiles. A deux pas de là s’étend le vaste Parque Maria Luisa***, qui constitue une sorte de patchwork végétal apparemment typique de ce qu’on appelle le jardin hispanique, avec des ambiances et des formes très différentes d’un coin à l’autre (et il y a beaucoup de coins !), et parsemé de fontaines et bassins. Un endroit où il doit faire bon se promener, et dont j’imagine qu’on ne doit pas avoir rapidement l’impression d’en avoir tout vu.

Nous prenons ensuite pour nous restaurer et nous rafraîchir une petite glace artisanale chez Bolas*** (ils ont deux boutiques à Séville, et nous avions déjà testé et approuvé leurs produits le premier jour de notre arrivée), avant de visiter le Palacio de la Condesa de Lebrija**, collectionneuse qui a rassemblé et intégré à sa demeure de nombreux décors (des mosaïques, essentiellement) récupérées (« sauvées » diront les optimistes, « volées » diront plutôt les sceptiques) dans des ruines antiques de toute l’Europe. Au-delà du caractère douteux d’une telle collection, celle-ci n’est finalement pas d’un grand intérêt pour qui ne se passionne pas pour les antiquités : une visite assez décevante.

Les jardins fleuris du Parque Maria Luisa

Nous traversons ensuite le fleuve pour explorer le quartier de Triana***, autrefois populaire et en cours de bobo-isation. Nous n’avons traversé que les quelques rues réhabilitées les plus proches du Guadalquivir, qui forment en l’état un quartier plaisant, mais plus très différent du reste de la Séville « moderne ». A la fois pour le plaisir (de vivre selon les habitudes locales) et pour le challenge (de se confronter à de multiples reprises à l’épreuve du contact social), nous dinons à l’espagnole, c’est à dire en picorant de lieux en lieux, de quelques verres et tapas dans des tavernes populaires, puis d’un dessert dans le Lonja del barranco***, foodcourt animé, de l’autre côté du pont.

Dimanche 3 mai 2015 : Museo de bellas artes, Catedral

Le Museo de bellas artes*** de Séville est logé dans un ancien édifice religieux, et rassemble exclusivement des œuvres illustrant des épisodes de la foi chrétienne. Au milieu de plus de « Christ à la colonne » que je n’en avais jamais vus, entres autres figures du Christ en souffrance (et une tête de St Jean-Baptiste décapité qui expose crûment la coupure du cou), quelques pièces ont tout de même retenu mon attention, comme Las animas del purgatori d’Alonso Cano par son format et ses teintes originales ; une sculpture de St Jean-Baptiste pénitent signée Pedro Torrigiano, à la fois cocasse (parce qu’on dirait pratiquement un super-héros guerrier à l’entraînement) mais techniquement très réussie ; ainsi que la coupole de la chapelle, richement décorée.

Le mausolée de Christophe Colomb, dans la Cathédrale de Séville

Il nous restait un incontournable à visiter avant de quitter Séville, la Cathédrale**** autour de laquelle nous étions passés tant de fois. Nous avions déjà pu apprécier, de jour puis de nuit à la lumière des lampadaires, la beauté et l’imposante majesté de ce bâtiment gothique, construit comme bien d’autres en Andalousie sur les fondations d’une ancienne mosquée, et l’intérieur est tout aussi riche, impressionnant et intéressant. J’en garde notamment en mémoire le tombeau de Christophe Colomb, chouette sculpture massive de 4 chevaliers incarnant les 4 royaumes d’Espagne (Leon, Castille, Aragon et Navarre) identifiables par leurs attributs, qui contiendrait -ou pas- les restes du grand navigateur ; la salle capitulaire ovoïde ; et les nombreux objets de culte richement ouvragés (je n’ai longtemps accordé aucun intérêt à ce genre d’objets ou au mobilier historique, mais depuis que je me suis mis aux jeux de rôles grandeur nature, je suis beaucoup plus réceptif à la qualité du travail de manufacture).

Il y a aussi des endroits où « juste » prendre du bon temps à Séville !

Pour marquer la fin de notre séjour en Andalousie du signe des réjouissances, nous avons fini la journée en retournant au Lonja del barranco (où nous avions déjà pris notre dessert la veille), cette fois pour un apéro-cocktail en terrasse, puis un dîner que nous composons en allant chercher un plat à tel stand puis un autre plat à tel autre, les nombreuses cuisines proposées permettant de composer un repas pas forcément très raffiné (ça reste essentiellement de la finger food) mais aux saveurs travaillées.

Et c’est ainsi que se sont achevées nos vacances d’un peu plus d’une semaine en Andalousie ! J’avoue avoir essentiellement préféré l’ambiance de Grenade, mais il y a davantage de choses à voir (et à faire) à Séville : on préfèrera l’une pour un séjour calme, reposant, et l’autre pour une escale plus animée. Et dans les deux cas, on passera un moment plaisant dans ces jolies villes, notamment -à mon avis- à cette période d’avril-mai où on bénéficiera de températures douces plutôt qu’écrasantes, et des fragrances et des couleurs de la végétation en plein épanouissement.

 

 

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