Chronicle (Josh Trank, 2012)
On est retournés au cinéma ! Ce n’était pas arrivé depuis exactement deux mois, tellement rien ne nous donnait envie d’aller en salles, et c’est finalement Chronicle, premier film de l’américain Josh Trank, qui nous y a attirés.
Chronicle raconte l’histoire de trois lycéens aux personnalités diverses qui vont à la suite d’une expérience très particulière, se réveiller avec des pouvoirs télékinétiques.
Déjà vu ? En partie, oui, c’est vrai. L’originalité du film se situe à deux niveaux : d’une part, il ne parle pas que de superpouvoirs, mais se veut aussi une chronique sur l’adolescence, cette étape de la vie où appartenir à la communauté -ou pas- est si capital. Nos trois personnages représentent de ce point de vue une sorte de « panel », allant du candidat aux élections de représentant des élèves du lycée, cool et hyper populaire, au rejeté vaguement sociopathe, martyrisé par son père alcoolique et mal dans sa peau -avec entre les deux un ado plus « moyen », qui se croit comme beaucoup plus malin que ce qu’il n’est réellement et qui ne veut pas risquer de perdre son statut d' »intégré à la communauté des autres lycéens ». Une fois leurs pouvoirs acquis, le film raconte ce qui est supposé être la réaction d’ados normaux dans une telle situation : non pas d’endosser un costume pour faire le bien (ou le mal), mais plutôt de s’en servir au quotidien pour s’éclater, au détriment des autres parfois, mais aussi simplement en s’offrant des expériences grisantes, interdites au commun des mortels. Pour devenir plus populaires, en faisant passer ces pouvoirs pour un talent de prestidigitation exceptionnel. Pour régler des comptes aussi, pour celui des trois personnages qui a été un souffre-douleur et qui se retrouve en position de laisser libre cours à sa colère, qui va exploser de différentes façons (ceux qui auront vu le film comprendront peut-être l’allusion ;) ) au cours du film, jusqu’à un final destructeur et autodestructeur apocalyptique à la Akira.
Deuxième originalité de ce film par rapport aux autres films de superhéros, c’est par les yeux de ce dernier personnage que l’histoire va être racontée, en vue à la première personne (une technique récemment surtout utilisée pour des films angoissants, pour le surcroît d’impact que la caméra subjective donne aux événements décrits, comme dans le Projet Blair Witch, Cloverfield ou Rec). Le film commence au moment où notre ado brimé allume sa caméra pour la première fois : une caméra qui lui permettra de mettre à distance cette réalité dont il souffre, de la même manière que la caméra d’une autre ado -avec laquelle on switche de temps en temps- lui sert à l’inverse à partager sa vie au quotidien avec les lecteurs de son blog.
Le réalisateur utilise différentes astuces pour maintenir une caméra active pendant le film : passage sur la caméra de la copine blogueuse, reprise en main de la caméra par l’un des deux comparses du personnage principal lorsque c’est lui qui vit un moment heureux et qu’ils sont contents d’enregistrer ces bons souvenirs pour lui ; surtout, ses pouvoirs de télékinésie lui permettent de maintenir la caméra en action à distance, sans avoir à la garder à l’épaule ce qui permet à Josh Trank de s’affranchir de la contrainte de la vue en caméra subjective lorsqu’il le souhaite, pour enregistrer les scènes de façon plus traditionnelle, même s’il garde un mouvement heurté pour garder l’esprit de la caméra à l’épaule ; et régulièrement au contraire, la caméra semble glisser sur des rails, plus souple et plus coulée, lorsqu’elle est censée flotter dans les airs, simulant ainsi la maîtrise des pouvoirs du héros par opposition à l’imperfection de ses propres mouvements naturels.
Comme dans tous les films qui l’utilisent, la contrainte de la caméra subjective apparaît quand même ponctuellement comme artificielle, et rompt alors paradoxalement avec l’effet de réalité qu’elle est censée apporter, ce qui est dommage ; pour ce film-ci néanmoins je dirais que ça ne m’a pas souvent choqué, notamment grâce à l’astuce de la caméra tenue par le héros à distance. Et globalement, le choix de ne pas secouer la caméra en permanence pour rappeler qu’elle est censée être entre les mains ou sur les épaules d’amateurs a l’énorme avantage de rendre Chronicle moins visuellement insupportable que les films dont je parlais plus haut (personnellement, en voyant Rec en salle, j’étais à deux doigts du véritable malaise, et pas à cause de l’efficacité du film). Dans l’absolu, on aurait probablement pu se passer de cette façon de filmer ; mais le réalisateur a visiblement voulu y recourir pour ancrer son film à la fois dans son époque et, paradoxalement, dans un certain réalisme. Après y avoir réfléchi un moment, je pense que c’était finalement un bon choix technique et artistique, notamment dans les conditions dans lesquelles il a choisi de l’utiliser (c’est à dire en s’en affranchissant régulièrement).
La durée du film (1h24) est également parfaite pour maintenir un intérêt de bout en bout, sans remplissage inutile (le montage efficace étant ici logiquement optimisé par la simulation du fait qu’on allume la caméra quand il y a quelque chose à sauvegarder, ou qu’on l’éteint quand elle n’est plus utile, une métaphore directe du travail du monteur).
Beaucoup de critiques que j’ai lues ou entendues vantent la phase « déconne » du deuxième acte du film, pendant laquelle les ados se comportent comme des ados, grisés par leur pouvoir mais modestes dans leurs ambitions. Personnellement ce n’est pas la partie que j’ai préféré même s’il est vrai qu’elle reflète probablement la première réaction naturelle de quelqu’un qui se découvrirait ce genre de pouvoirs. Quant au final, il m’a donné envie de revoir (ou relire, peut-être, vu que le manga est quand même bien meilleur que le film) Akira. En sortant de la salle, j’avais passé un bon moment, mais j’avais jugé que le film n’apportait pas grand chose de neuf ; en y repensant et en réfléchissant à la façon dont il a été conçu pour rédiger cet article, je me rends néanmoins compte qu’il est plus subtil qu’il n’y paraît, ce qui me fait conclure que c’est un film qui vaut d’être vu. A bon entendeur !
T’ain il a deja disparu de mon cinema apres deux semaines, c’pas possible ca!!!!
Ouais, ben j’ai bien envie de le voir ce petit film!
Il faut revenir à Paris ! ;p
Vu!
Effectivement pas mal du tout.
D’une duree optimale, l’intensite du film monte petit a petit pendant un heure et demie.
Pour moi, le final etait un peu « too much » et j’ai trouve que l’effet de la camera n’etait pas tres realiste (sur la fin), c’est a dire qu’on pouvait se demander qui pouvait bien la tenir a ce moment la.
Bien que le message reste le meme que bcp de films de superheros, avec les pouvoirs viennent les responsabilites, je trouve qu’ici en filigrane on a qqchose de plus subtil.
Clairement a voir!