Loup-garous de Thiercelieux : Le Village

J’imagine qu’à peu près tous les gens âgés de 15 à 40 ans (ouf, j’ai dû réfléchir pour garder Jika dans la fourchette !) et même au-delà du cercle classique des joueurs réguliers, connaissent le désormais très fameux jeu de société  « Les Loups-garous de Thiercelieux » : la mécanique, archi-simple, met les joueurs en scène dans le rôle de villageois tourmentés par des loups-garous incarnés par une partie des mêmes joueurs qui, feignant d’être de simples villageois, s’accordent régulièrement pour désigner des joueurs qu’ils éliminent du jeu en les « dévorant » pendant la nuit. Le jeu alterne ainsi les phases de nuit (pendant lesquelles tous les joueurs ferment les yeux pendant que les loups choisissent leur proie et festoient), et celles de jour (pendant lesquelles tout le monde parlemente pour essayer de démasquer les ennemis des villageois, ou à l’inverse pour conserver sa couverture et faire accuser des innocents), un villageois étant « pendu » chaque jour dans l’espoir de mettre un terme à la menace qui pèse sur le village. L’objectif pour les villageois est bien sûr de démasquer et éliminer tous les loups, celui des loups à l’inverse est d’éliminer tous les villageois non-loups. Les villageois ont heureusement la chance de posséder des « pouvoirs » particuliers qui vont les aider à se défendre ou à contre-attaquer les loups (le Chasseur abat un autre joueur quand il est tué, la Petite fille est autorisée à ouvrir les yeux pendant la phase des loups -mais tout comme eux, elle a intérêt à être discrète si elle ne veut pas être découverte !, la Voyante peut observer la carte de rôle (loup-garou, ou gentil villageois) d’un joueur par nuit, etc.). Le jeu, qui se déroule donc essentiellement par des échanges verbaux entre les joueurs et utilise très peu de matériel, présente cette vraie originalité de s’inspirer largement des principes du jeu de rôles mais avec une approche très « grand public » qui permet à tout type de public de s’y essayer très facilement. Et comme dans le jeu de rôles, l’implication des joueurs, le talent de conteur et d’arbitre du maître du jeu contribuent grandement à l’atmosphère de la partie, faisant toute la différence entre un bête jeu de « Qui est-ce ? » et une partie excitante où même les joueurs éliminés peuvent prendre un vrai plaisir à découvrir après leur élimination les rôles des joueurs encore en lice et leurs interactions avec les autres joueurs pour gérer la partie en fonction de leurs intérêts propres. Évidemment, plus on est nombreux, et mieux c’est -dans une certaine limite-, ce qui est d’ailleurs une autre des qualités de ce jeu, qu’on peut facilement sortir pour une partie rapide (ou plusieurs) lorsqu’on a envie de jouer mais qu’on est trop nombreux pour un jeu de plateau ou de société classique.

Le jeu coûte 9 € : franchement, si vous ne l’avez pas, il FAUT l’essayer; à ce prix-là c’est comme si on vous l’offrait. Bon, ceci dit, les Loups-garous de Thiercelieux existent depuis pratiquement dix ans, et sont même d’après l’historique fait par le célèbre créateur de jeux Bruno Faidutti en fait une version « pro » [comprendre : qui se vend, alors qu’a priori on peut organiser des parties avec trois fois rien] d’un classique du jeu de société très pratiqué en Russie. Mon article ne vient donc pas vous présenter un jeu que vous avez de bonnes chances de déjà connaître, mais plutôt la deuxième extension du jeu, parue cet automne (en octobre 2009) et dont je n’avais pas du tout entendu parler : je suis tombé dessus par hasard chez Starplayer quelques jours avant le réveillon en cherchant autre chose (grmmlll cadeau de Noël pour Jika grmlll), et je n’ai pas regretté mon achat.

Vendu lui aussi à un prix hyper abordable (moins de 25 € -et la boîte inclut le set de base mais avec des tuiles rigides au lieu des cartes originales du jeu à 9€ : donc si vous n’avez pas encore le jeu, vous pouvez directement acheter cette boîte), Le Village introduit deux types de nouveautés qui vont enrichir et renouveler les parties des plus blasés :

– d’une part, de nouveaux rôles, dont le très intéressant Loup blanc (que les parties que nous avons faites me conduisent à plutôt réserver aux parties avec beaucoup de joueurs et donc au moins trois Loups-garous), dont l’objectif est de se retrouver dernier survivant tout court (et ne doit donc pas laisser les Loups-garous gagner) : comme avec les villageois amoureux désignés par Cupidon ou comme avec le Joueur de flûte de Nouvelle lune (l’extension précédente du jeu -elle aussi très intéressante et vendue 9 ridicules €uros), l’introduction de nouvelles conditions de victoire pour certains des joueurs relance largement l’intérêt des parties, tout ne se jouant plus seulement entre les villageois et les loups, et certains pouvant avoir intérêt à nouer des alliances tactiques le temps de se débarrasser d’ennemis communs ; les deux autres rôles proposés sont moins bons mais ils ont une bonne synergie avec l’autre nouvelle mécanique introduite par Le Village, puisqu’ils vont affecter les joueurs qui habitent des bâtiments.

– les bâtiments donc, sont la grande nouveauté de cette extension. Matérialisés par d’assez jolis -quoiqu’assez simple- petits bâtiments en carton dur coloré (en 2D), ils sont attribués en début de partie à une partie des joueurs, et leur octroient des pouvoirs additionnels, cette fois connus de tous : l’Institutrice ne peut pas voter pour le choix du villageois à éliminer, mais elle peut interdire à deux autres villageois de le faire aussi ; le Barbier peut éliminer impitoyablement un autre joueur, mais est lapidé s’il s’avère que sa victime n’était pas un Loup ; le Confesseur pourra regarder la carte de rôle d’un autre joueur pendant la journée (au vu et au su de tous, ce qui produit forcément une situation qui va entraîner des discussions… et les discussions, c’est l’essence du jeu !) ; le Châtelain pourra une fois dans la partie gracier le villageois choisi pour l’exécution, etc. En tout, 9 types de bâtiments et autant de nouveaux pouvoirs, sans compter les vagabonds, généralement immunisés aux pouvoirs des gens du Village (puisqu’ils n’en font pas partie) en contrepartie du fait qu’ils ne possèdent pas eux-mêmes de bâtiment, et donc de pouvoir… mais qui peuvent se voir invités à prendre possession d’un bâtiment lorsque son précédent propriétaire a trouvé la mort. Le simple fait de changer de place autour de la table à cette occasion peut d’ailleurs changer beaucoup de choses au déroulement du reste de la partie.

Les premières parties que nous avons faites avec cette extension ont toutes été très chouettes, pleines de rebondissements et de potentialités, les vainqueurs n’étant jamais désignés avant la toute fin -le nombre auquel nous jouions ayant sans doute pas mal contribué à cette réussite, les dernières parties, avec moins de joueurs, ayant été globalement moins enthousiasmantes. Avec cette boîte, c’est tout un éventail de nouveaux outils qui sont mis à la disposition du Conteur, que celui-ci va devoir apprendre à utiliser savamment pour créer l’équilibre ou la dynamique qu’il souhaite, sans forcément abuser de toutes ces nouveautés (octroyer un bâtiment à chaque joueur par exemple, n’est pas une très bonne idée ; introduire systématiquement le Loup blanc ruine le suspense pour les Loups normaux, qui savent d’emblée que l’un d’eux est un traître; etc.). Et avec tous les pouvoirs qui interviennent désormais, le rôle d’arbitre et de meneur de la partie devient primordial et très délicat (flouer un joueur en oubliant de faire agir son pouvoir par exemple est beaucoup plus probable avec la multiplication des effets possibles).

Autre léger bémol, si vous aviez déjà le jeu de base, celui-ci n’est pas entièrement compatible avec les éléments du Village (pas possible de mélanger les cartes du jeu original avec les tuiles de celles de l’extension -ceci dit, la boîte fournit les éléments pour jouer jusqu’à 29 joueurs, donc le jeu de base a priori, vous pouvez l’offrir à un malheureux qui ne l’a pas, il ne vous manquera pas !) ; c’est véritablement gênant uniquement pour les éléments de l’extension N°2 : si comme moi vous aviez déjà collé vos autocollants des nouveaux personnages de Nouvelle lune sur vos cartes semi-rigides, impossible de les récupérer pour les passer sur les tuiles à la place. Enfin avec un peu de débrouillardise, vu le nombre de tuiles « villageois sans pouvoir » proposées dans la boîte, il est facile de se reconstituer des tuiles de rôle « Ancien », « Salvateur » ou « Joueur de flûte », même si elles seront nécessairement moins jolies et moins pro (et accessoirement, moins faciles à identifier d’un coup d’œil, ce qui peut jouer pendant la partie) que les vraies.

En dehors de ces réflexions de rabat-joie et ces quelques mises en garde, Le Village est une excellente extension qui vient merveilleusement renouveler le plaisir du jeu, pour un prix vraiment honnête : j’en recommande donc l’achat les yeux fermés à tous ceux qui ont aimé les Loups-garous de Thiercelieux.

6 réflexions sur “ Loup-garous de Thiercelieux : Le Village ”

  1. Akodostef sur

    …et sur ce, en parlant de yeux fermés, je vais me coucher.

    Quelle idée de veiller jusqu’à des heures pareilles pour écrire des articles sur des jeux, quand même… enfin, celui-là il attirera peut-être un peu de visites sur notre site ;)

  2. Stoeffler sur

    Nan! J’aime pas ce jeu, ou l’on designe de maniere totalement aleatoire des personnes innocentes!

  3. Akodostef sur

    tsk tsk tsk, aléatoire…
    tsk tsk, tsk, innocentes !

    :p

  4. Jika sur

    Déjà, on avait dit pas de cadeau !!

    Ensuite, je me suis envoyé cet article-fleuve pour le lire tranquillement au boulot, et j’ai bien fait : entrecoupée de reports, d’appels clients et d’analyse de balances, la lecture m’a pris presque toute la matinée… C’est pas possible d’être aussi bavard, on dirait… une fille. Et même plus précisément, on dirait Mme Monfort !

    Sur le fond, excepté l’hypothèse selon laquelle tous les 15-40 ans connaissent les Loups Garous, je suis tout à fait d’accord avec l’article : cette extension (une extension qui reprend le matériel de base, est-ce réellement une extension, ou une nouvelle édition ? J’ai une question, d’ailleurs, mais j’y reviendrai), cette extension, donc, renouvelle complètement le jeu, même s’il est vrai que nos dernières parties à 7 ont été moins passionnantes que celles à cinquante-douze au nouvel an.

    Le Loup Blanc est tout simplement une excellente idée, qui donne un dynamisme nouveau aux parties ; les bâtiments également, même si les inégalités entre tel ou tel pouvoir sont plus compliqués à gérer lors des parties à faible nombre de joueurs.

    Ma question concerne le matos, et notamment les cartes d’identités secrètes : celles fournies avec Le Village sont différentes de celles du jeu de base ou de Nouvelle Lune ? Je n’y ai pas fait attention lors des parties, mais si c’est le cas, c’est vraiment-vraiment très con… Si les cartes de bases sont reprises dans Le Village, c’est bien, mais si les rôles de Nouvelle Lune sont identifiables en un coup d’œil, c’est vraiment-vraiment, attendez la suite, très con (©HIMYM).
    En même temps, 9 €…

    Ps : juste pour l’histoire, ce jeu est ultra-connu sous différentes formes, et on y avait joué sous une forme simplifiée avec Nadège, Gattaca et Céline chez Carlos : ça s’appelait… « Villageois Putes » :D

  5. Akodostef sur

    En fait dans Nouvelle Lune, il n’y avait pas de nouvelles cartes, il y avait de nouveaux rôles, avec des petits stickers à coller sur les cartes vierges du jeu de base pour identifier ces nouveaux rôles. Si on rachète une extension Nouvelle Lune, on récupère les stickers et hop, on peut les coller sur les tuiles rigides du Village. Sinon… ben sinon les stickers ont déjà été collé sur des cartes, pas possible de les récupérer.
    C’est pour ça que j’ai écrit au marqueur directement le nom des rôles spéciaux de Nouvelle Lune sur des tuiles « Villageois de base » du Village. Ca fait l’affaire et ça permet de jouer avec tous les rôles existants, mais c’est quand même un peu bricolé et si on joue avec plusieurs rôles écrits à la main, la confusion est possible.

    Mais bon, je ne pense pas que ce soit un choix mercantile de la part des auteurs (pour faire revendre du Nouvelle Lune), mais plutôt une décision pour les joueurs pour leur fournir du matos de qualité (les tuiles, c’est plus facile à manipuler, et c’est plus classe que des cartes à la con).

    Pour le coup de « villageois putes », moi c’est comme ça qu’on a failli me faire passer à côté de « Loup-garous », en me disant que c’était le même jeu alors que « villageois putes » c’était nase comme tout… et que ça n’avait rien à voir (de mémoire, les « putes » tuaient les gens en leur faisant des clins d’oeil, il n’y avait pas de phase de jour ou de nuit, pas de pouvoir, bref, c’était bidon.)

    Par contre, moi cette extension m’a donné envie de réfléchir à de nouveaux rôles, ou de nouveaux métiers, pour le jeu. Et j’ai pas mal envie de tester la variante « tout le monde a deux cartes : une de pouvoir, et une de race (Loup ou humain) », ça évitera les accélérations de partie incontrôlées du genre « ouais, moi je suis la sorcière, alors vous savez que je suis avec les villageois ! ». Bon, du coup ça rend les Loups vachement plus forts (parce que plus durs à identifier), mais je suis curieux de voir comment ça change les parties.

    Je le prends pour samedi ?

  6. Jika sur

    Les Villageois Putes, c’était pas plus bidon qu’une parenthèse mal fermée et évidemment que tu les prends pour samedi, espèce de petite fille brouassailleuse !

    (et je suis d’accord sur le côté non vénal, je pensais déjà ça de ce jeu vendu 9 €)
    (d’autant plus que c’est typiquement pas le jeu que plusieurs personnes d’un même groupe d’amis/joueurs achètent)

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