Rock en Seine – Août 2009 (Jour 2)

La journée du vendredi m’avait un peu laissé sur ma faim, mais nous avions des passes 3 jours, donc j’espérais bien que sur l’ensemble du festival, je finirais par être vraiment enthousiasmé par un concert.

C’est moi qui poussais notre petit groupe à se rendre aussi tôt que possible au Domaine de Saint Cloud, avec l’espoir de réussir à vaincre l’inertie de mes trois co-festivaliers pour assister au concert des Noisettes prévu à 15h30 (l’aube, pour le festivalier moyen). Je connaissais mal la musique de ce power trio, ayant juste lu des critiques dithyrambiques en 2007 à la sortie de leur premier album quasi-punk (mais avec une nana noire sexy au chant, d’où originalité, d’où intérêt possiblement mal placé des médias), puis des critiques assez négatives en 2009 à la sortie du second, beaucoup moins agressif (ce qui semble être une tendance chez pas mal de groupes ces derniers temps, qui jouaient des musiques assez primitives et se tournent vers des ambiances plus pop – The Gossip, Yeah Yeah Yeahs,…). Ni les unes ni les autres n’avaient réussi à me convaincre d’y jeter une oreille, à la différence de la vidéo proposée sur le site du festival, Don’t Upset the Rythm en acoustique (impossible de la retrouver sur le net à part sur la page du festival, sur laquelle elle n’a pas vocation à rester éternellement, donc dépêchez-vous de suivre le lien ! à moins peut-être que vous préfériez écouter  la version album). J’étais donc curieux de voir ce que donnerait le groupe sur scène et j’ai quand même eu l’occasion de voir un bon tiers de leur show, qui m’a donné envie de les revoir un jour : les trois morceaux que nous avons entendus étaient assez disparates (c’est le risque qu’on prend quand on entame un virage à 180° dans son style musical sur son deuxième album), mais c’était bien interprété, bien animé par la chanteuse Shingai Shoniwa (qui abandonne apparemment la basse au moins sur scène, ce qui lui permet avantageusement de sautiller partout -voire de grimper sur les échafaudages qui bordent la scène pour s’y suspendre à l’envers le temps d’un slow), et personnellement j’adore le batteur (qui a une tête de rien-du-tout mais que je trouve trop sympathique et à fond dans son truc). A revoir un jour, donc.

Le groupe suivant que nous avons été écouter faisait étonnamment l’unanimité. Étonnamment, parce que le groupe était fondamentalement inconnu, mais le consensus était assez logique pour qui avait été chercher qui était The Asteroids Galaxy Tour : leur single hyper efficace Around the Bend a été entendu sur toutes les radios et même à la télé puisqu’il a servi de bande sonore pour une publicité pour l’Ipod Touch, moyen ultime aujourd’hui d’atteindre une consécration internationale éclair. Nous étions donc tous curieux d’entendre le reste de leur production et j’avoue que même si c’était modérément ma tasse de thé c’était assez décent, dans un registre disons « trip-pop », avec des ingrédients repris donc du trip-hop (musique planante avec pas mal d’électronique et un phrasé au chant mi-chanté, mi-rappé) mais avec une tonalité dansante et optimiste en bonne partie incarnée par la chanteuse Mette Lindberg -toute attifée de vêtements bariolés qui contrastent assez avec une personnalité visiblement assez réservée bien qu’anticonformiste. Enfin, quand je dis « dansante », c’est quand même sur un tempo relativement lent, mais très marqué par des percussions assez présentes, et renforcées par des cuivres. Bon, si ce que je dis vous semble excessivement compliqué : ce qu’ils font ressemble assez à ce que laisse entrevoir leur single, voilà ! Tout n’est pas aussi efficace, mais si vous vous dites que vous pourriez écouter des morceaux avec ces tonalités pendant une heure, l’album est sans doute pour vous.

Vous l’aurez sans doute compris à ce point de votre lecture, ma philosophie dans un festival, c’est de repérer les groupes qui pourraient être éventuellement intéressants, et de vérifier de visu s’ils me bottent ou pas. Ce que j’avais vu d’Ebony Bones -le clip de leur single The Muzik réalisé à partir des vidéos envoyées par les fans se mettant en scène en train de danser- m’emballait moins que pas mal d’autres trucs que j’avais repéré avant Rock en Seine, mais je les avais quand même mis sur ma liste des groupes à voir. Bon, sincèrement pour ce qui est de la musique, je ne peux pas vraiment vous dire ce que j’en ai pensé vu que la balance était atroce (le fameux effet « je ne connais que les basses » qui a sévi chez les ingé-sons pendant le festival cette année) et qu’on s’est barrés au bout de trois morceaux. Mais dans l’esprit, je trouve que ce groupe est un excellent exemple de ce qui fait la différence entre une attitude calculée et une attitude spontanée : on avait remarqué que plusieurs des groupes (en fait surtout les chanteuses) s’habillaient cette année de tenues originales aux couleurs extravagantes ; Michel avait suggéré en rigolant que c’était pour qu’on puisse les voir même quand on était loin de la scène, ce qui n’est pas une idée idiote même si en fait les artistes en question arborent de ce que j’ai vu ce genre de tenues de façon assez régulièrs : elles font partie de leur identité visuelle (et dans la mesure où les groupes qui ne sont pas encore parvenus à la notoriété internationale essayent de se faire remarquer, ce genre de détail, hélas, peut faire la différence entre un groupe qui retiendra l’attention et un autre). Le problème avec Ebony Bones, dont le groupe entier est habillé en clowns de dessin animé (voir la photo ci-contre), c’est que ça sent le truc complètement artificiel. L’impression que m’a fait la chanteuse, étonnamment agressive, est celle d’une personnalité roublarde, à l’image de ce clip réalisé avec les vidéos d’inconnus qui se mettent volontairement en scène : quelqu’un prêt à tirer sur toutes les ficelles et à défoncer tout le monde pour s’imposer. Pas très plaisant.

Dananananaykroyd : voilà un nom que j’avais déjà lu mais qui a lui seul m’avait dissuadé d’accorder le moindre intérêt au groupe (il s’agit bien sûr d’un « jeu de mots » d’après le nom de l’acteur canadien Dan Aykroyd, qu’on connaît surtout en France pour ses rôles dans Ghostbusters ou Blues Brothers. Le rapport ? Aucun). Jusqu’à la première note du concert, et bien que j’aie lu et relu la courte description du groupe dans le programme, je m’attendais encore à entendre un groupe de pop bêbête… Et en fait ça a été la meilleure surprise du festival pour moi : en fait leur musique très noisy (on pense parfois à Sonic Youth) et pas mal déstructurée mais punchy (je leur ai trouvé beaucoup de similitudes avec At The Drive-In) donnait pas mal envie de se bouger. La formation compte en plus des traditionnelles guitares, deux batteries (là sincèrement, j’ai pas bien vu l’apport) et deux chanteurs sur scène, et tous ont une énorme énergie qu’ils savent bien communiquer (on sentait que le contact avec le public était important pour eux : ils dialoguaient avec le public, sont descendus sur la fin du concert prendre les gens des premiers rangs dans leurs bras, et ont même organisé à un moment une séparation du public en deux moitiés de chaque côté de la scène, avant de les faire courir à la rencontre l’une de l’autre, non pas pour se fritter, mais pour s’étreindre joyeusement… et ça a marché ! Cette spontanéité et cette générosité, après la désagréable impression que m’avait faite Ebony Bones, était bien appréciable). C’est cette énergie, extrêmement positive, optimiste et généreuse qui a achevé de me conquérir après que leur musique m’aie déjà convaincu : Dananananaykroyd est un très très chouette groupe, que je vous encourage à écouter… mais plutôt sur scène parce que pour le coup après avoir essayé de trouver des morceaux pour illustrer cet article, je n’y retrouve pas de façon satisfaisante ce que j’estime être l’essence du groupe. Pour vous faire une idée de leur son, écoutez quand même Black Wax, en essayant d’imaginer ce que ça doit donner avec les mecs qui sautent partout et tout le monde qui bouge avec !

J’avais déjà un peu entendu la musique de Billy Talent… et je n’avais pas été emballé par leur gros rock assez standard, desservi par un chanteur à la pénible voix de canard (il chante bien, hein ! C’est juste qu’il a une voix nasale aigüe horrible, quoi. Personnellement chaque fois que le chanteur entretenait le lien avec le public, j’avais juste envie qu’il se taise). Je vous laisse vous faire votre avis quand à ce handicap qui, en l’absence d’autre vraie qualité, est pour moi rédhibitoire, sur ce Rusted From the Rain.

Après avoir vu ces deux derniers concerts, dans lesquels les chanteurs entretenaient un dialogue quasi-constant avec leur public, Michel regrettait que celui de The Horrors manque un peu de présence… Pour sa défense, il faut reconnaître qu’un rockeur gothique qui taperait joyeusement la discute avec ses fans et lancerait des blagues entre les chansons serait un peu à côté de la plaque : on aurait quand même pu éventuellement s’attendre à le voir brûler des trucs ou sacrifier des animaux, mais pour ce qui me concerne je n’ai pas trouvé que la prestation du groupe détonnait avec ce que j’attendais d’un groupe gothique même si elle ne transpirait pas non plus d’originalité… tout comme la musique du groupe d’ailleurs, qui tente un revival du rock gothique vintage. Assez ironiquement, la musique du groupe semble suivre la même évolution que celle de la musique gothique dans son ensemble : après un premier album au rock volontairement primaire,  se souvenant qu’à l’origine le gothique dérivait simplement du punk (à la Alien Sex Fiend : écoutez Sheena is a parasite ou She is the new thing par exemple – les deux clips, surtout le 2e, sont visuellement intéressants aussi), les derniers morceaux intègrent de plus en plus d’effets et d’électronique, faisant évoluer leur son vers la cold wave (écoutez donc Scarlet Fields et dites-moi que ça ne vous fait pas penser à Joy Division -personnellement quand j’ai entendu le morceau j’ai mis un certain temps avant de l’identifier, mais je reconnais aussi clairement la ligne de basse, accélérée, d’A Strange Day de Cure (et cette pochette floutée, si ça n’est pas un clin d’oeil à celle de Pornography, franchement…)). Bref, je prends ce qu’ils font comme un hommage plutôt que de la repompe et ça fait plaisir de réentendre, légèrement remis au goût du jour, du bon vieux gothique ; mais il faut bien reconnaître que la musique des Horrors n’est pas très originale et que si leurs compos vont du correct au très bon, tout ça semble malgré tout déjà pas mal entendu. Le concert entre quand même dans mon Top5 du festival.

Inutile de faire tout un baratin pour présenter qui sont The Offspring, dont j’avais jusqu’à admiré l’album Smash (dont les paroles sont globalement à la hauteur de la musique -si, si ! réécoutez Come out and play par exemple, vous verrez), mais qui ensuite étaient passés du punk bien troussé à un rock californien efficace -il faut bien l’avouer- mais qu’on entendait suffisamment au supermarché pour ne pas avoir envie de les entendre sur disque -encore moins sur scène. Marion insistait quand même pour qu’on les voie, et les autres étaient clairement pour aussi, donc j’y suis allé… en me pinçant le nez. Pour le coup, on ne peut pas reprocher grand chose au groupe au niveau de la playlist : ils ont suffisamment de tubes pour, en comblant avec les meilleurs titres de Smash, assurer que le public saute en quinconce du début à la fin du concert. Les morceaux étaient aussi impeccablement joués, m’enfin on ne peut pas dire que cela relève de la gageure vu le degré de technicité de leurs morceaux ; j’ai été quand même agréablement surpris par le chant, dont on pouvait craindre le pire (Dexter Holland crie beaucoup mais ne chante pas toujours tout à fait juste, et plusieurs personnes m’avaient rapporté avoir vu des prestations scéniques catastrophiques de sa part) mais qui s’est avéré parfaitement décent du début à la fin du show (c’était quand même clairement moins bien quand il jouait d’un instrument en même temps qu’il chantait, mais pour l’avoir vécu, je pardonne ^_^ ). Par contre, à part une blague sur le split d’Oasis, le contact avec le public était inexistant : la mauvaise face de la notoriété, quand on n’a plus besoin de conquérir son audience, sans doute.  Au final, le concert était efficace (la musique était correcte -j’ai spécialement apprécié Self Esteem-, tout le monde s’est bien amusé), mais manquait d’âme.

22:15. Les 5 de Faith No More montent sur scène tous de costumes blancs vêtus et jouent à nous faire peur en entamant le sirupeux « Reunited«  (d’après le vieux duo oublié Peaches and Herb) pour marquer le coup de leur récente reformation après 11 ans d’absence, entonné par un Mike Patton claudiquant et aidé d’une canne… Heureusement -et bien qu’ils aillent quand même jusqu’au bout du titre !- il ne s’agit que d’une blague, très dans l’esprit un poil décalé du groupe. C’est une étonnante transition sur la Grande Scène : après le passage d’Offspring, groupe de mecs apparemment assez banals qui jouent des tubes basés sur une musique très simple, cette fois ce sont des fous qui jouent une musique de virtuoses avec une playlist composée presque uniquement de morceaux pas faciles à écouter. Même moi, qui pensait connaître un peu leur œuvre, j’avais du mal à m’immerger vraiment dans leur musique ce soir-là, et j’imagine que pour ceux qui m’accompagnaient et qui ne connaissaient pour l’essentiel que l’affreux Easy, ça devait être encore plus délicat… ce qui n’empêche pas de reconnaître qu’il s’agissait sans doute du concert le plus ‘pro’ du festival, des mecs les plus balèzes du point de vue technique, du meilleur chanteur (Mike Patton, débordant d’énergie sur scène et pourtant toujours maître d’un timbre de ténor équilibriste impressionnant), etc. Bref : un concert d’exception, qui a dû régaler une élite de puristes et de fans dans le public mais m’a pour ma part abandonné sur le bas-côté (ils n’ont même pas joué Digging the Grave ! Superstition ? ^_^)…

J’avais oublié qu’ils jouaient ce soir-là, et nous étions de toutes façons malheureusement pas mal épuisés par cette deuxième journée bien remplie de concerts ininterrompus, et nous avons du coup zappé le concert électro des excellents Birdy Nam Nam (jetez un œil à cette prise live de Les violons qui donne un aperçu très convaincant de la façon dont cette équipe de 4 Djs opèrent) qui avait l’air assez extraordinaire. Il y avait une foule énorme et une ambiance terrible quand nous l’avons traversée pour sortir du parc… après coup, je regrette qu’on ne soit pas restés, surtout qu’ils ont entamé l’imparable Abbesses au moment où nous passions. Tiens, comme je réécoute les morceaux en même temps que j’écris, je décide même à cet instant que je vais acheter demain leur premier album homonyme (tiens et pour faire bonne mesure, un peu d’intelligence dans cet article avec ce lien vers un article sympathique qui vous rappellera le sens propre d' »éponyme », souvent employé à tort (et à travers (ha ha, un bon jeu de mots est toujours bienvenu pour récompenser les lecteurs qui auront été au terme de cet article))).

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