[Albums presque parfaits] Weezer (Blue Album)
Cet article aurait dû être le deuxième (j’ai appris récemment qu’on pouvait utiliser « second » pour dire « deuxième » et que ce n’était pas impropre, contrairement à ce que je croyais savoir – dur pour les gens qui comme quoi se croyaient plus intelligents que ceux qui ne connaissaient pas la différence entre les deux termes), le deuxième disais-je avant cette longue parenthèse, article de ma série sur « mes » albums presque parfaits, ce sera finalement le troisième. Celui-ci sera consacré, vous l’avez deviné, au « Blue Album » (qu’en France on appelle avec à-propos « l’album bleu ») de Weezer.
Il s’agit du premier album de Weezer, paru en 1994 en pleine nouvelle vague power-pop (ou pop- punk ? peu importe : c’était l’époque où le rock alternatif était une musique qu’on écoutait couramment, un peu partout #cetaitmieuxavant), et donc à la différence de Garbage dont je vous parlais précédemment dans cette série sur les albums presque parfaits et qui innovait vraiment au niveau sonore, le Blue Album est assez typique du rock qu’on pouvait entendre à cette époque heureuse. Ce qui fait la particularité de cet album, c’est plutôt la qualité des compositions, toujours accrocheuses tout en restant exigeantes : les riffs et les refrains sont archi efficaces mais les mélodies sont riches et élaborées.
Les chansons qui me paraissent le mieux illustrer cette écriture sont les trois perles My Name is Jonas, The World Has Turned And Left Me Here et Say it Ain’t So où les guitares claires, agiles et mélodiques, donnent le relais aux accords de puissance des guitares saturées ; et toujours, l’énergie communiquée par la musique est traversée par une mélancolie soulignée par des nappes de distorsion poétiques :
My Name is Jonas
The World Has Turned And Left Me Here
Say It Ain’t So
Le thème du cœur brisé est très récurrent chez Rivers Cuomo, chanteur, parolier et meneur du groupe ; sur le Blue Album, on le retrouve encore sur Undone – The Sweater Song, premier single et premier succès de Weezer, dont je suis à peu près certain qu’elle a inspiré le Popular de Nada Surf (les dialogues en intro, les couplets sur une mélodie très épurée en arpèges, le refrain en accords de puissance… Quand même, non ?) :
Undone – The Sweater Song
Mais on trouve aussi dans l’univers de Weezer plein de références à la culture geek : le look des membres du groupe, les vidéos dans lesquelles on ne se prend jamais au sérieux, et tout un tas de clins d’œil dans les textes, bourrés d’humour et d’autodérision. Les deux exemples les plus manifestes sur cet album :
– le tube Buddy Holly et sa célèbre vidéo (signée Spike Jonze) dans laquelle Weezer se produit fictivement sur l’estrade du restaurant de la série des années 70 Happy Days, dont même les plus jeunes d’entre vous connaissent peut-être le fameux Fonzie qu’on voit dans la vidéo faire quelques pas typiques du « Fonz' » (c’est en fait une doublure qui danse).
Fun facts : cette vidéo, réalisée uniquement avec des incrustations et des montages vidéos, ne contient aucune image produite par ordinateur, ce qui est assez impressionnant quand on voit la qualité du rendu final. Truc encore plus fou : cette vidéo était incluse dans le CD-Rom d’installation de Windows 95 (une négociation entre la maison de disque, Geffen, sans que le groupe en soit informé, ce qui est déjà étonnant) ; comme à l’époque sans doute encore plus qu’aujourd’hui la presque totalité des PC fonctionnaient avec Windows, cette étrange idée a permis une diffusion massive de la vidéo de Buddy Holly et considérablement contribué à la popularité de Weezer. Comme le dit le batteur Pat Wilson sur cette page qui évoque cette histoire : c’est comme s’il n’y avait eu qu’une seule vidéo sur Youtube, et c’était celle-là.
Buddy Holly
– In the Garage, un titre moins immédiatement accrocheur que Buddy Holly, mais qui éveille instantanément la sympathie de ceux à qui ces références (les jeux de rôles, les bandes dessinées X-Men, les posters de ses groupes préférés épinglés au mur, et bien sûr le fait de se sentir mieux à l’écart des autres…) parlent, dès les premières paroles. Je vous laisse lancer la musique, et je vous glisse les paroles sous la vidéo, avec des liens et une traduction rapide pour mieux comprendre, si vous n’avez pas toutes les clés :
In the Garage
I’ve got a twelve-sided die (j’ai mon dé à 12 faces)
I’ve got Kitty Pryde (j’ai Kitty Pryde)
And Nightcrawler too (et Diablo aussi)
Waiting there for me (qui m’attendent là-bas)
Yes I do, I do (ils m’attendent)
I’ve got posters on the wall (j’ai des posters sur le mur)
My favorite rock group Kiss (mon groupe rock préféré Kiss)
I’ve got Ace Frehley (j’ai Ace Frehley)
I’ve got Peter Criss (et j’ai Peter Criss)
Waiting there for me (qui m’attendent là-bas)
Yes I do, I do (ils m’attendent)
I feel safe (je me sens en sécurité)
No one cares about my ways (personne ne regarde ce que je fais)
In the garage (dans le garage)
Where I belong (je me sens chez moi)
No one hears me sing this song (personne ne m’entend chanter cette chanson)
In the garage (dans le garage)
I play my stupid songs (je joue mes chansons stupides)
I write these stupid words (j’écris ces mots stupides)
And I love every one (et j’aime tout mon monde)
Waiting there for me (tous ceux qui sont là)
Yes I do, I do (qui m’attendent)
In the garage (dans le garage)
I feel safe (je me sens en sécurité)
No one cares about my ways (personne ne regarde ce que je fais)
In the garage (dans le garage)
Where I belong (je me sens chez moi)
No one hears me sing this song (personne ne m’entend chanter cette chanson)
Je ne vais pas vous faire l’intégrale des chansons de l’album ; je conclurai simplement en disant que cet album est probablement l’un de ceux que je réécoute le plus souvent, en partie ou entièrement : quand je n’ai pas d’envie particulière, pas de morceau ou d’artiste spécifique que j’ai envie d’écouter, que j’ai juste envoie d’entendre de la bonne musique, je sais que je peux toujours lancer cet album-ci et que j’y trouverai toujours mon bonheur quel que soit mon état d’esprit. Vraiment rock et en même temps vraiment catchy, avec des chansons qu’on a envie de chanter avec le groupe, c’est l’un de mes albums préférés – et si mon avis ne suffit pas à vous convaincre, sachez que c’est aussi l’un des albums préférés de la femme de ma vie : c’est bien la preuve.