Le Réveil de la Force / The Force Awakens (JJ Abrams, 2015)

Il y a bien longtemps, dans un blog lointain, très lointain…

C’est une époque de guerre civile.
Devant leurs écrans respectifs, deux auteurs s’affrontent
pour le contrôle de la blogosphère; l’un au service des Résistants
luttant pour la liberté et la justice, l’autre fomentant des plans diaboliques pour le Premier Ordre…

Bon désolés on arrête les bêtises là 8^)
Cet article a été co-rédigé par Stoeffler et Akodostef

Kylo Ren vous ordonne d’aller voir le film

Le septième épisode de la saga Star Wars nous a été livré fin 2015 après une campagne de promo comme on en aura rarement vu (personnellement, je me suis retrouvé un matin dans une rame de métro entièrement décorée de pubs pour Le Réveil de la Force, et j’ai eu l’occasion de traverser plusieurs fois une station (Place d’Italie) dont même l’espace entre les panneaux publicitaires était tapissé de l’imagerie Star Wars. Quelques photos ici).
Vous appartenez probablement à l’une de ces deux catégories : soit vous aimez l’univers Star Wars et au moment où Stoeffler et moi publions cet article, vous avez donc déjà vu le film ; soit vous n’avez rien à cirer de la saga et vous ne le regarderez sans doute jamais. Mais Le Réveil de la Force, événement culturel marquant la résurrection d’une saga qui a influencé tout un pan de la culture occidentale sur quatre générations, est un film au sujet duquel il y a des choses à dire et dont on débattra sans doute longtemps : c’est pourquoi, même un mois après sa sortie en salles nous avons quand même eu l’envie d’écrire cet article à 4 mains pour exposer nos points de vue.
Lançons donc le débat (attention, pour ceux qui ne l’ont pas vu ça va grouiller de spoilers), et laissons s’affronter les côtés lumineux et obscurs de vos commentaires en retour !

La Lumière

Du côté de la lumière, on peut déjà saluer la réussite du film en tant que divertissement : si on se laisse simplement porter par le film, on en ressort globalement satisfait, après avoir passé un agréable moment. Le simple fait de porter l’estampille “Star wars” ne suffisait pourtant pas à le garantir, comme l’ont prouvé les 3 films de la “prélogie” quasi-unanimement jugés décevants aussi bien par les fans que par le grand public. On est donc heureux de retrouver les ingrédients qui nous avaient fait aimer l’essence de la trilogie originale après cette série de films dont l’esthétique, les rapports entre les personnages, le niveau des dialogues et l’écriture des scènes se rapprochaient davantage d’un film d’animation pour enfants.

On apprécie ainsi les efforts effectués sur l’aspect visuel du film, qui mélange habilement décors authentiques et effets spéciaux (réussis de surcroit), équilibre qui a probablement manqué aux épisodes précédents. On peut le pardonner à la première trilogie, dont le rendu pour les années 70-80 est tout de même plus que respectable; la prélogie quant à elle a usé et abusé d’images de synthèse ce qui avait pour conséquence de souligner l’aspect factice de l’univers, et empêchait de s’y immerger, y compris pour les acteurs, qui jouaient devant un fond vert.
The Force Awakens a visé juste et je pense que tout le monde s’accordera à dire que cela claque visuellement, notamment grâce à des décors crédibles (ça n’est surement pas innocent que les paysages choisis aient été un désert, une forêt ou encore une montagne) et dans lesquels sont incrustés les effets spéciaux. Le rendu est bluffant, joli et surtout fidèle à l’univers de Star Wars.
Il y a tout au long du film un “wow factor” qui se manifeste par de nombreux plans qui pourront servir de fond d’écrans haut la main (ou bien même de posters pour les fans): plusieurs de ces images étaient d’ailleurs présentes dans les bandes annonces parues avant la sortie du film, preuve de la confiance qu’avaient les producteurs dans leur potentiel de séduction et d’efficacité (Luke encapuchonné, agenouillé et posant sa main cybernétique sur R2D2, le plan large dans le désert où Rey traverse l’immensité de sable sur son véhicule avec en toile de fond des épaves de vaisseaux impériaux ecrasés dans les dunes, Kylo Ren qui se recueille devant le casque poussiéreux de Darth Vader/Dark Vador…).

Il y a egalement beaucoup de symbolisme autour de la lutte entre la lumière et l’obscurité et en faire une liste exhaustive serait perte de temps alors je ne ferai mention que de l’une des scènes: celle où Kylo Ren en proie au doute fait face à son père en se demandant s’il peut ou pas le tuer ; on voit subtilement le ciel se couvrir et l’obscurité s’imposer avant que sa décision ne soit prise.

Le design des personnages est également assez réussi et on peut remarquer que Kylo (encore lui) est assez classe et menaçant, en tant que méchant: habit noirs et sobres, limite cultiste, masque simple mais par lequel filtre une voix d’outre tombe qui met mal à l’aise. Il est par ailleurs décrit de manière beaucoup plus humaine dans la deuxième partie du film, ce qui révèle une vulnérabilité qui n’est certainement pas innocente.
Si on continue sur les personnages, et que l’on considère que les droïdes en sont, alors BB-8 est une totale réussite. Proche de R2D2 sans en être une pâle copie, expressif malgré son apparence, il parvient même à voler la vedette à certains acteurs. D’ailleurs, je pense que c’est par BB-8 et Chewbacca que l’humour passe le mieux dans le film.
Enfin, le jedi est une fille. C’est certes une bonne idée du point de vue marketing, qui permettra de séduire une partie du public, notamment les jeunes fans des séries et romans pour ados de la dernière décennie (Twilight, Hunger Games, Divergente,…); mais c’est aussi une bonne idée tout court pour régénérer d’une part le thème du jedi en formation, et pour faire d’autre part progresser les mentalités sur le fait qu’une fille n’a pas forcément besoin qu’on lui tienne la main pour échapper aux ennemis, et que le fait de savoir piloter des engins, manipuler des circuits, et se bastonner, n’a rien d’intrinsèquement masculin.

Le côté Obscur

Et qu’en est-il du côté Obscur, cher lecteur? Avec une suite si attendue, il était clair que nos amis de Disney étaient attendus au tournant. Malheureusement, tout n’est pas rose pour ce septième épisode.

Le plus terrible, c’est avant tout l’intrigue principale du film : la construction par les méchants d’une arme absolue capable de détruire des planètes entières en appuyant sur un seul bouton, mais qui peut être entièrement détruite… en tirant sur un point faible qui est accessible… depuis l’extérieur (on parle d’une arme de la taille d’une planète, hein. Tu touches le point faible, elle ne tombe pas en panne : elle se désagrège totalement et tue tous les gens qui s’y trouvent. Moi j’aurais créé un truc aussi dangereux, j’aurais quand même fait attention à ce que ce point faible soit vraiiiiiment sécurisé, pas vous ?). D’une part sur le principe, ça n’a juste aucun sens : les types qui sont capables d’inventer une machine de cette sophistication, qui disposent des moyens dont ils disposent, et qui laissent une bourde de conception de cette taille sont difficilement pardonnables. Notamment quand c’est quand même la troisième fois qu’ils essayent le MÊME plan et qu’il foire de la MÊME façon à cause du MÊME défaut ; et trois fois en 7 épisodes, ça commence à faire beaucoup pour une intrigue principale de cette finesse. Si encore il y avait un véritable suspense ! Mais l’intrigue entière est gérée par-dessus la jambe : la façon dont un officier est capturé pour enlever les boucliers ; pas d’enjeu, pas d’obstacle, c’est géré en une scène de 15 secondes ; l’action pour aller péter le point vulnérable : on ne comprend même pas ce qui se passe, trois plans et zou. Quel est l’intérêt ??!

On peut aussi regretter le (sur)jeu des acteurs; pour moi peu de dialogues ont fonctionné – Leia a le charisme d’une chaussure, Han, bedonnant, est censé être drôle avec des répliques cinglantes mais toutes ses vannes tombent à plat, Finn est vraiment peu crédible/attachant malgré son background. Rey est le seul personnage à qui je me suis attaché et qui sort son épingle du (sur)jeu.

Autre point qui m’a gêné lors du film, c’est le manque d’enjeux flagrant (à ajouter à la méga-arme-de-la-mort-aussi-grosse-qu’une-planète-qui-dechiou-la-mamaou) et le caractère prévisible de nombreux éléments de l’intrigue; est-ce parce qu’en voulant faire plaisir à tout le monde, ils ont resservi les mêmes éléments que dans la trilogie originale?
Pas si sûr et voici quelques exemples non-exhaustifs pour étayer cet argument:
Poe et Finn s’écrasent sur la planète Jakku au début du film et Finn semble être le seul survivant; en effet, aucune trace du corps de Poe. Finn ne retrouve que son blouson en cuir cool (qu’il va s’empresser de barboter ce crevard!). Quelque chose me dit que cette trouvaille innocente va servir plus tard dans le film… et ça ne manque pas, comme de parmesan Poe réapparait dans la deuxième partie du film! Non, honnêtement il n’y avait que Finn qui pensait que le fameux pilote, qui bien sûr est la seule personne à pouvoir détruire l’arme, était décédé… Cela souligne que les personnages principaux du film (ceux à qui le flambeau est transmis lors du film) sont intouchables et ne vont pas mourir: combien de fois Finn a échappé à la mort de manière improbable? Les rathtars (les espèces de pieuvres extraterrestres) n’ont pas de souci pour se débarrasser des mercenaires d’un coup de tentacules. Mais Finn, non messieurs et mesdames, la bestiole veut le garder pour son goûter et le ramène dans son antre qui se trouve de l’autre côté de la base, laissant tout le temps à Rey de mettre au point un plan ingénieux pour le libérer. On a aussi les stormtroopers qui devraient suivre un stage de tir, parce que les gars sont comme toujours dans Star Wars des manches en précision. Par contre Finn, qui je le rappelle n’aime pas se battre et représente l’antithèse du courage, s’avère un roi de la gâchette et n’a besoin que d’un tir à chaque fois pour se débarrasser des ennemis!
Autre point prévisible, durant tout le film on a des indices peu subtils qui annoncent la mort de Han: Kylo Ren qui dans son monologue se dit que pour passer un cap il doit commettre l’irréparable, les regards langoureux ente Leia et Han (du genre c’est la derniere fois qu’ils se voient) et enfin elle qui insiste lourdement pour qu’Han ramène Kylo à la maison afin de provoquer une confrontation. Oui on avait compris: ils vont s’affronter et cela ne va pas bien se finir.
Enfin c’est gros comme du fil blanc dès les premières 20 minutes du film que Rey a la Force en elle. Ça n’est pas amené de manière subtile honnêtement. Et on sait pertinemment qu’elle sera le prochain disciple de Luke et pis encore, pourrait-elle être (on retient son souffle)… sa fille! C’est sûrement sujet à débattre en commentaire de ce billet!

Les batailles aériennes sont visuellement impressionnantes

Le manque d’enjeu n’est pas dû qu’à l’histoire et à sa prévisibilité, mais parfois aussi au traitement de la mise en scène. Des scènes qui auraient pu, dû, donner des frissons ou se graver dans les mémoires, deviennent de simples péripéties, parfois même ridicules alors qu’elles devraient être tragiques : je pense par exemple à la mort de Han Solo (personnellement je n’ai pas senti la tension monter, j’ai vu d’emblée où ça allait et je me demandais juste pourquoi ça prenait autant de temps… j’ai trouvé que c’était une scène très bizarre, anormalement figée), ou à la fin du combat entre Rey et Ren, avec la faille qui se forme entre eux, visuellement invraisemblable… un deus ex machina tellement grossier et mal fagoté que j’ai dû me retenir de pouffer (j’ai levé les yeux au ciel, quand même) !

Je préfère ne pas m’attarder non plus sur les incohérences scénaristiques parce qu’on me fait souvent le reproche que mes critiques se limiteraient à ça. Ici à mon sens ce n’est pas décisif par rapport au plaisir que peut procurer le film, qui, plus qu’une histoire propre, est conçu comme un remake déguisé dont le rôle est d’installer des éléments pour la suite (qui, du coup, aura intérêt à être sacrément bien hein !) : je me montre donc plus indulgent envers la faiblesse (néanmoins criante) du scénario. Je mentionnerai quand même rapidement deux-trois incohérences par principe, pour ceux qui auraient trouvé l’histoire géniale : le crash de Poe, qui regagne tranquillement la base des résistants (on ne voit d’ailleurs pas trop comment ?), oubliant apparemment qu’on lui a confié une mission (ouf, Finn est là pour la remplir à sa place !… sauf que Poe, lui, n’avait aucun moyen de savoir que quelqu’un avait pris le relais et n’avait donc aucune raison de se barrer); il y a aussi la promenade de Rey dans la base ennemie, où les méchants ont visiblement du mal à la détecter (j’imagine donc qu’ils n’ont pas de surveillance vidéo ; Encore un défaut de conception des ingénieurs du Premier Ordre, il faut vraiment virer ces gars-là !); ou encore la recherche de la base de la Résistance : dans une scène, Poe demande à BB8 d’indiquer où se trouve la base rebelle à Rey (ce qu’il fait), et cinq minutes plus tard, ils tombent sur Han Solo qui leur dit qu’il peut les conduire chez quelqu’un qui les aidera à trouver les rebelles (Maz Kanata)… mais ils n’ont plus besoin d’INDICES, ils ont l’INFO ! Ils n’ont donc aucune raison d’aller chez Maz Kanata ! Oo
Si vous voulez vous amuser à compter les incohérences scénaristiques, certains se sont déjà lancés (avec comme toujours dans ce genre d’exercice, une part de mauvaise foi ou d’aveuglement de la part des critiques) dans la liste ici ou bien .

Plus grave que les incohérences scénaristiques, il y a dans Le Réveil de la Force des invraisemblances par rapport à l’univers de Star Wars lui-même, et notamment l’un de ses ingrédients iconiques : la Force. La maîtrise de la Force s’acquérait jusque là au terme d’un long processus, un cheminement intérieur (3 films pour Luke !) ; Rey l’acquiert en quelques instants sans même s’en rendre compte, sait comment elle fonctionne et tout ce qu’on peut en faire (quand elle ordonne à son gardien de la libérer, notamment). Kylo Ren, de son côté, se dit tenté par le côté Lumineux de la Force… Autant je peux comprendre la séduction du côté Obscur (la promesse de plus de puissance, la libération des contraintes que s’imposent les jedis,…) autant la séduction du côté Lumineux, je ne vois pas ce que ça peut être… Il est tenté de faire le bien, c’est ça ? Terrible tentation ! Ce que les auteurs voulaient dire, c’est sans doute qu’il a des remords et des doutes du fait du prix à payer quand on est du côté Obscur (ne pas avoir de compassion, la cruauté,…), mais ils lui font dire qu’il est “tenté par le côté Lumineux” ce qui n’a absolument aucun sens.

Au moins prend-t-on plaisir à découvrir ces nouveaux personnages, dont la mission difficile est d’incarner à la fois un renouveau (c’est quand même censé être la suite de l’histoire) et un héritage (une des raisons principales de l’efficacité du film auprès du public, c’est sa capacité à replonger les spectateurs dans les souvenirs de ce qu’ils ont aimé de la trilogie originale). A l’inverse, les retrouvailles avec les anciens héros ne fonctionnent pas du tout à mon sens : on devrait être heureux de les revoir, on est juste gênés. Comme ils se retrouvent plaqués dans l’intrigue sans véritable rôle à jouer sinon celui de faire-valoir, leur présence -pourtant plausible- en devient incongrue, embarrassante. Une opportunité manquée, alors que le vieillissement naturel des acteurs en parallèle de celui de leurs personnages était une occasion intéressante de marquer le passage du temps dans la saga sans artifice.
Tous les nouveaux personnages (hormis Rey peut-être ?) ne font pas non plus l’unanimité, mais le plus raté est pour moi le Grand Snoke. Visuellement, le personnage ne fonctionne pas du tout : il ne ressemble à rien (enfin, si en fait : à Golum. On m’objectera que c’est parce qu’il est interprété par le même acteur, Andy Serkis, mais Andy Serkis a aussi fait les singes de La Planète des Singes, et ils ne lui ressemblent pas ! C’est donc un choix délibéré des producteurs de faire ressembler Snoke à Golum, et faire ressembler le Grand Méchant d’une trilogie à un personnage pathétique d’une autre, ça ne me paraît pas l’idée la plus pertinente de l’Histoire…), et sa présence démesurée n’en impose pas du tout.

L’équilibre de la Force

Pour conclure, même si cet épisode est en demi-teinte et comporte de nombreux défauts, il atteint ses objectifs en suscitant la nostalgie et une certaine tendresse. Malgré des incohérences flagrantes et des erreurs au casting, ce nouvel opus parvient à séduire les publics de différentes générations et insuffle une nouvelle énergie à la franchise : c’étaient les missions qui lui avaient été confiées, Le Réveil de la Force constituant essentiellement une transition (entre l’avant/l’après, entre l’ancienne génération et la nouvelle, entre le public des fans et celui des jeunes qui n’avaient pas connu la trilogie originale,…), et installant le décor et les personnages pour la suite.
Et là par contre les gars, le prochain il faudra pas le rater parce que pour The Force Awakens, le public a été assez indulgent en globalité parce qu’il savait la difficulté de la tâche de faire plaisir à tout le monde. Mais à présent que les bases sont posées, il va falloir créer quelque chose de nouveau, et d’excitant.
C’est Rian Johnson (à qui on doit notamment le très bon Looper) qui prendra la succession de JJ Abrams à la réalisation. Il va être méchamment attendu au tournant.

 

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