Que célèbre-t-on le 14 juillet ?

On a fêté il y a quelques jours le traditionnel 14 juillet : défilé militaire sur les Champs-Elysées, feux d’artifices, bals des pompiers…


Petit aparté, sachez qu’un petit village (gaulois) résiste depuis plus de 130 ans – car ce jour férié a été fixé en 1880, voir plus bas – à l’enthousiasme révolutionnaire, et célèbre le 14 juillet… au mois d’août : le petit village de Viriat, à côté de Bourg en Bresse, fête effectivement le 14 juillet après la moisson. D’après certaines sources, ce décalage serait dû à la lenteur des représentants locaux du Tiers-Etat, qui auraient mis 15 jours à apporter à Viriat l’information de la prise de la Bastille : personnellement, je n’y crois pas une seconde, ou ce n’est du moins pas une explication suffisante car sinon il n’y aurait pas deux dates communes dans l’Hexagone (la simultanéité, tout ça…).


En dehors de Viriat, la France fête donc le 14 juillet chaque 14 juillet (c’est un scoop !). Mais que fête-t-on exactement ?


A l’instar de l’excellentissime article sur le 8 mai, j’ai été très surpris d’apprendre que contrairement à ce que je pensais jusqu’alors, la fête du 14 juillet n’est pas un hommage à la prise de la Bastille. Et oui…


Petit rappel historique :


Le 14 juillet 1789 : la prise de la Bastille


Cet été là, une grande agitation règne à Paris. Face au mécontentement populaire, le roi a réuni les Etats généraux, une assemblée des représentants de la noblesse, du clergé et du tiers-état (qui comprend donc les péons de base mais également la petite bourgeoisie). Ces derniers demandent une réforme profonde des institutions et, le 9 juillet, se proclament Assemblée nationale constituante. L’initiative inquiète le roi qui fait venir en secret des régiments suisses et allemands à proximité de Versailles. La rumeur court bientôt que les troupes royales se préparent à entrer dans Paris pour arrêter les députés. Le 12 juillet, un orateur harangue la foule qu’il appelle à réagir : c’est Camille Desmoulins, monté sur un tonneau, qui annonce une « Saint Barthélemy des patriotes ». Au matin du 14 juillet, des Parisiens en colère vont chercher des armes aux Invalides, puis se dirigent vers la vieille forteresse royale de la Bastille, en quête de poudre. Après une journée de fusillade sanglante, et grâce au ralliement de gardes nationaux, les Parisiens s’en emparent et entament sa démolition. Au final, ils ne libèrent que quelques prisonniers et malfrats sans envergure. Mais ce symbole de l’arbitraire de l’Ancien régime est tombé.


Le 14 juillet 1790 : fête de la Fédération


Depuis l’été 1789, partout dans les provinces françaises se sont créées des « fédérations » régionales de gardes nationaux, réaction à l’affaiblissement du pouvoir central. Afin de contrôler ce mouvement spontané, la Commune de Paris, sous l’impulsion de Lafayette, décide de fonder une grande Fédération nationale regroupant des représentants des fédérations locales et de les réunir à Paris le 14 juillet. La cérémonie est censée célébrer la prise de la Bastille, mais aussi apporter un semblant d’ordre et d’unité dans un pays en crise. Le jour dit, 14 000 soldats fédérés arrivent donc à Paris et défilent sous la bannière de leur département, de la Bastille jusqu’au Champ-de-Mars.


Sur une esplanade aménagée pour l’occasion, une grande messe est célébrée, à la suite de quoi le roi Louis XVI jure de maintenir « la Constitution décidée par l’Assemblée nationale ». Les 400 000 Parisiens présents ce jour-là acclament leur souverain : la monarchie n’est donc pas remise en cause. L’aspiration à l’union nationale triomphe et la cérémonie se transforme en grande fête populaire. En réalité, la réconciliation nationale sera de courte durée : deux ans plus tard, le roi est arrêté à Varenne alors qu’il cherchait à rejoindre les royalistes en exil, et condamné à mort.




1880 : le 14 juillet devient fête nationale


Pendant près d’un siècle, la commémoration du 14 juillet est abandonnée. Elle réapparaît en 1880, sous la IIIe République. Le régime, pour se consolider, cherche à construire un nouvel imaginaire national, autour de symboles républicains. C’est ainsi que la Marseillaise devient hymne officiel, et le 14 juillet fête nationale. Mais la proposition qui émane du député de la Seine Benjamin Raspail n’est pas accueillie unanimement par l’Assemblée, certains députés mettant en cause la violence du 14 juillet 1789. Et c’est finalement autour du 14 juillet 1790 que se fait le consensus.


La commémoration du 14 juillet 1790, fut retenue car était symbolique d’une union nationale qui selon les débat du Sénat « n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme » : « cette journée de la Grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la  perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. Le 14 juillet 1790 est le plus beau jour de l’histoire de France, et peut-être de toute l’histoire. C’est en ce jour qu’a été enfin accomplie l’unité nationale, préparée par les efforts de tant de générations et de tant de grands hommes, auxquels la postérité garde un souvenir reconnaissant ».


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