Controverses: Photographies à histoires (BNF Richelieu, 2009)
Une exposition sur des photos qui ont suscité des controverses, voilà qui générait à la fois des espoirs (des photos qui font débat, c’est a priori intéressant) et des craintes (une exposition entière composée de ce genre de photos, est-ce que ce n’est pas un poil racoleur?).
L’expo « Controverses – photographies à histoires » qui se tient sur le site Richelieu de la BNF du 3 mars au 24 mai 2009, est heureusement plus subtile que ce que je croyais qu’elle serait a priori, comme le suggère habilement le sous-titre de l’expo: il s’agit avant tout de raconter le contexte des photographies présentées, qui pour la plupart ne paraissent pas aujourd’hui devoir susciter la moindre polémique, afin d’expliquer pourquoi elles ont pu à leur époque être la source de conflits intellectuels, moraux, juridiques ou financiers.
J’avais suivi un cours sur « Le scandale » pendant ma maîtrise de Médiation Culturelle, et le procédé me paraissait particulièrement intéressant, c’est donc avec plaisir que j’ai découvert la visée réelle de cette expo en y pénétrant. On y découvre ainsi tout au long d’une frise chronologique (qu’on peut choisir de ne pas suivre de façon linéaire si on veut s’épargner l’impression de n’être qu’un maillon d’une longue chaîne qui s’étire lentement dans la grande salle oblongue consacrée à l’expo) de rapides présentations synthétiques des images exposées et des motifs de controverses que suscitât chacune à son époque. Ces cartons auraient gagné à être davantage soignés (il y a de nombreuses fautes d’orthographes et mots manquants) et vivants, mais dans la mesure où le nombre des photos présentées est important et que chacune nécessite qu’on s’attarde pour la lecture de son carton de contextualisation, cette synthétisation paraissait inévitable (pour ceux qui voudraient davantage de détail sur les controverses ou le contexte de certaines photos, le catalogue de l’exposition fournira un support de complément appréciable, de toutes façons).
Si peu de photos sont remarquables en elles-mêmes (moins d’une dizaine auraient retenu mon attention dans un contexte différent), les controverses évoquées permettent de voir se construire en filigrane le droit d’auteur et la notion d’oeuvre d’art appliqués à la photographie, mettent en perspective les interrogations sur la liberté d’expression vs la censure, la liberté d’information vs la propagande ou la raison d’état, voire le simple droit à l’image…
Une intéressante expo donc, mais qui exige qu’on y consacre un petit moment (2h pour la visite en gros, si on veut vraiment lire les descriptifs des photos -sans quoi l’expo n’a pas vraiment d’intérêt).
Quelques images quand même pour illustrer tout ça:
Sur cette magnifique et très fameuse photo par exemple (Pose du drapeau soviétique sur les toits du Reichstag, par Evgueni Khaldei), on apprend qu’elle a été initialement publiée avec une retouche subtile mais significative: l’oeil attentif remarquera que l’officier allemand qui aide son camarade à tenir en équilibre sur son perchoir porte une montre à chaque poignet. En raison des rumeurs de pillage auxquels les soldats seraient accusés de se livrer, il fut choisi d’effacer la montre excédentaire…
J’aurais aimé trouver d’autres images pour évoquer notamment le problème de la limite entre inspiration, citation et plagiat, préoccupation importante aujourd’hui où la référence ou la reprise sont l’argument parfois principal d’un grand nombre d’oeuvres plastiques ou surtout musicales. Deux cas me reviennent en mémoire, je me contenterai de renvoyer vers deux sites qui les commentent plus longuement qu’il ne serait utile de le faire ici à titre de simple exemple:
Ce site (notamment la quatrième page, directement évoquée dans l’expo) qui évoque le plagiat dont se serait rendu coupable le vidéaste Jean-Baptiste Mondino envers l’oeuvre du photographe Guy Bourdin.
Et cette page qui mentionne le plagiat de Jeff Koons d’une photo gentiment kitsch utilisée pour des cartes postales et dont il fit réaliser une sculpture supposément parodique (en déchirant quand même consciencieusement la mention du copyright sur la carte postale qu’il avait envoyé au fondeur qui devait réaliser la sculpture), comme s’il était indispensable de s' »inspirer » d’une image anodine et totalement inconnue pour réaliser une « oeuvre » de ce genre; une démarche qui en dit long sur son auteur (dont, vous l’aurez peut-être compris, je considère le travail comme une grosse escroquerie).
Lien: deux articles critiques mais intéressants sur l’expo, qui regrettent que la présentation choisie aie été chronologique plutôt que thématique: http://deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr/2009/03/31/controverses-une-histoire-juridique-et-ethique-de-la-photographie/ ou http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2009/03/16/controverses/