Burning Man Festival: le meilleur jour de ma vie

Je me suis levé tôt, très tôt, -trop excité pour dormir- , j’ai emporté un petit-déjeuner pour 2 dans mon sac à dos, j’ai pris un vélo, et direction n’importe où.

Après quelques rues, je vois une jeune femme au milieu de son campement, assise prenant son déjeuner seule. J’arrête mon vélo, et je lui demande si elle souhaite rester seule, si elle déjeune seule de manière volontaire. Elle me confirme qu’elle ne voulait pas spécialement rester seule, on partage le petit-déjeuner ensemble.

On fait rapidement connaissance : ce matin elle avait peur de s’ennuyer, il y a beaucoup de bébés dans son campement, et elle ne se sentait pas à sa place parmi tous ces parents.

bm2015-38Elle était donc ravie de de me rencontrer, et c’est une très heureuse surprise pour elle que ce partage inattendu.

Beaucoup de personnes à Burning Man vous diront « Playa Provide » avec des yeux pleins d’étoiles, comme un Mantra magique en ces lieux, une force supérieure qui s’assure que vous ayez ce dont vous avez besoin (et non pas ce que vous voulez, ce qui est différent).

Pour elle, la Playa m’a envoyé vers elle.

Pour moi, la Playa m’a dirigée vers elle.

C’est une des règles légendaires de Burning Man, qui fait que tant de personnes croient en la magie là-bas.

Quand je lis les règles de son campement, c’est très proche de ce que je voulais pour le mien, mais qu’il a été impossible de réaliser. Il y règne une sérénité clichée d’un camp de hippies zen. Ce qu’ils dégagent est tellement fort et beau, c’est la première fois que je ressens ça. J’aimerais être parmi eux.

Un fois le petit-déjeuner englouti, on décide de prendre nos vélos, direction nulle part et partout. Rien ne nous retient d’aller où on veut, totalement libres, aucune contrainte, le monde devient un terrain d’exploration. Rapidement, on se retrouve sur la Playa, la grande zone centrale de Burning Man comptant les véhicules mutants ainsi que toutes les magnifiques pièces d’architecture.

On découvre, on s’émeut, on s’arrête, on repart. Pas de schéma prédéfini.

Elle me montre des structures qu’elle avait vues la veille, et à quel point ça l’avait touchée, je partage son émotion.

On parle de tout, de rien, on s’écoute, on se confie, on parle de comment on se sent, de ce qu’on veut faire dans Burning man, de nos attentes.

Pour elle comme pour moi, c’est notre premier Burning Man.

On discute des choses un peu « folles » qu’on aurait envie de faire dans Burning man. Choses folles ailleurs mais complètement normales ici. On se met d’accord sur un point, dans sa bouche ça sonne toujours fou, comme un souhait irréalisable ou qu’elle n’ose pas faire.

Je l’encourage, on est à Burning man, pourquoi attendre pour faire des choses folles alors qu’on peut les faire maintenant? Sur un coup de tête, on le fait « right here, right now« .

On se déshabille complètement, jetant nos vêtements en pile désordonnée sur nos vélos, comme si on pouvait les épargner de la poussière.

Un fois nus, c’est parti !

On se roule dans la « Dust », la poussière omniprésente, comme des cochons cherchant de la boue.

On complète notre maquillage corporel intégral improvisé en se recouvrant l’un l’autre de Dust, jusqu’à ne laisser aucune zone de peau propre.

On prend des photos pour immortaliser l’événement. On est au milieu du désert, mais pas vraiment isolés des regards, complètement nus, chaque parcelle de notre peau recouverte de poussière. Ça semble fou, mais à la fois terriblement naturel. Quelques cyclistes nous croisent ou font un détour pour nous encourager dans ce rituel improvisé.

bm2015-10On est heureux, totalement libres, on se prend dans nos bras dans un hug poussiéreux. On se connait depuis 15 minutes. Un moment fou, un moment simple. « Crazy but normal » comme je l’expliquerai ensuite à ceux qui me demanderaient mon plus beau moment de Burning Man.

On s’examine, on ressemble tous les deux à des esprits, ou à une peuplade primitive au maquillage chamanique, pas très loin de warboys de Mad Max recouverts de peinture blanche.

Contre toute attente de mon côté, moi qui suis plutôt pudique, il n’y a aucun malaise face à cette nudité, malgré cette toute première fois où je me dévoile ainsi en public. Tout est étonnamment normal, que ce soit le fait de m’exposer, ou de voir cette inconnue complément nue en face de moi. Tellement normal que c’était comme si on brisait une règle qu’on suivait bêtement sans la comprendre. Et une fois brisée, on se rend compte qu’elle est ridicule. Maintenant je ne suis plus pudique (mais ce n’est pas pour autant que j’imposerai ma nudité aux autres).

Nous sommes des humains, un homme, une femme, nous sommes tels que nous sommes, nous sommes beaux.

J’ai envie de l’embrasser. Pas par appétit sexuel, juste parce que je me sens bien avec elle, qu’elle est belle, que je suis beau, qu’on partage ce moment à la fois magique, simple et unique.

Je lui demande sa permission. Le consentement pour tout contact physique est une nécessité naturelle pour moi, c’est un respect de l’autre.

Une fille à qui j’avais demandé sa permission dans le monde réel, m’a déjà dit « ça ne se demande pas, ça se fait », je reste moyennement convaincu.

Le consentement mutuel est une des règles implicites de Burning Man. Le respect de l’autre et de son intégrité doit être absolu et j’en suis un fervent défenseur.

Un baiser?bm2015-14

Elle accepte et nous échangeons un court baiser simple, lèvre poussiéreuse contre lèvre poussiéreuse, un baiser d’enfant, un baiser « d’amour » non charnel, on vit le moment présent comme il vient, juste parce qu’on en a eu envie. On se regarde dans les yeux, on sourit.

J’ai du mal à définir ce baiser, à définir une sensation évidente, mais jamais éprouvée. Je ne suis pas sûr qu’il y ait de mot ou de définition, ou même de place pour lui dans notre monde. Encore une fois il m’a semblé naturel, évident. Un retour primitif à l’écoute de soi, en balançant notre bagage de règles de notre monde, où le baiser n’a pas sa dimension érotique.

Heureux.

Crazy but normal.

On se rhabille partiellement, on remonte sur nos vélos, on continue notre exploration.

Un « white out« , une tempête de sable se lève. On met nos lunettes de protection, un chèche sur la bouche et on continue. Ces protections faciales jurent encore plus par rapport à notre nudité partielle et rend la scène encore plus onirique.

Là, je pense que les mots sont difficile à trouver, il faut vivre ces white outs.

L’instant est encore plus magique dans cette tempête de sable qui efface l’horizon. On ne voit pas à 10 mètres, on disparaît presque de la vue l’un de l’autre si on s’éloigne trop, on finit par naviguer côte à côte, à l’aveugle, pour rester en contact. Bientôt on ne voit plus à 5 mètres, roulant au ralenti, et on frôle parfois les 3 mètres de visibilité. Je trouve ça encore plus magique. Je suis émerveillé. Encore une fois mon cerveau se met dans une sorte de « mode surréaliste », trop beau pour être vrai. J’ai du mal à saisir ce moment tant il est surréaliste, comme si mon cerveau voulait me mettre en garde « attention, c’est trop beau pour être vrai, ce n’est pas la réalité ». Je me concentre sur tous les détails, je fais un effort pour ancrer ce moment dans mon esprit.

Je souris bêtement derrière mon chèche, tout est beau, tout est encore plus beau. Je suis émerveillé, je suis heureux. Plus rien d’autre n’existe que ce moment.

Le vent est tiède, la Dust caresse notre peau, le soleil dont sa lumière se retrouve tamisée se fait moins agressif, plus doux, plus amical, bienfaisant.

Je me sens choyé, serein, comme dans un cocon protecteur.

On est à la fois perdu et complètement à notre place: pas de destination nécessaire, le temps et l’espace n’existent plus.bm2015-26

Dans cette tempête, elle est comme un esprit qui me guide, un esprit issu du cœur de Burning Man. Couverte de poussière, à moitié nue.

Dans ce désert, elle m’apparaît comme l’incarnation de l’esprit de Burning Man. Comme dans ces photos magnifiques et oniriques de Burning man, revues mille fois, et qu’on se dit qu’on ne verra jamais car elle doit le fruit d’une mise en scène adroite du photographe. Le rêve prenait vie.

On va ensemble rencontrer « the Man » l’effigie géante de Burning Man, toujours dans une tempête surréaliste, on se perd dans le labyrinthe, on fait quelques attractions aux alentours. Ces moments durent une délicieuse éternité, on parle peu. On touche ce qui nous entoure, on joue avec les structures, ressentant les nervures du bois avec nos mains, jouant avec la poussière, laissant nos doigts explorer le métal tiède d’un pilier en fer forgé.

La vie a-t-elle été autrement un jour ? Je comprends que les gens prennent à contrepied ce qu’est notre monde réel pour appeler ce lieu « Home« . Comment a-t-on pu laisser les choses devenir différentes de ce qu’on peut trouver ici, avec ce niveau de simplicité et de beauté ?

On déambule, presque tout est fermé autour du man pour ne prendre vie que la nuit.bm2015-17

On tombe sur une « roue du hasard ». Une roue pour aider les Burners à trouver leur « Playa Name« . Elle l’a lancé 2 fois pour se trouver un nom. Rien de convainquant. Je lance la roue pour elle, car une des règles de Burning Man dit que c’est normalement quelqu’un d’autre qui nous fournit un nom. Après quelques tressautements, la roue indique la combinaison « Dusty hippie« . On adore tous les deux, après ce qui s’est passé. Quoi de plus vrai ?

Mon playa name est « Reza » j’ai hésité pendant 1 an à trouver mon nom. Est-ce que je prends « Gyfu »? Non, je n’en avais pas envie, il est trop connoté dans ce monde. Et ce « Reza » est sorti comme ça, lorsqu’on m’a demandé mon nom pour la première fois. J’en étais même étonné, comme si ce n’était pas moi qui l’avais prononcé, comment avais-je pu dire aussi simplement quelque chose sur lequel je « travaillais » depuis presque 1 an sans jamais aboutir à une conclusion ?

Un jour après je m’étonnais à justifier ce nom auprès de quelqu’un qui ne le comprenait pas, et je lui ai sorti « Reza, like Resurrection, but shorten with an A. Resurrection – Reza« .

Je ne sais pas non plus d’où c’est sorti, la prononciation n’est pas vraiment la même, mais j’ai adoré l’idée et sa représentation. I am Reza.

La matinée continue en exploration, toujours avec mon spectre à demi nu. C’est tellement beau, on est totalement naturels, comme si tout ça était absolument normal, notre quotidien depuis toujours, comme si c’était le véritable sens de la vie, alors qu’on se connaît depuis à peine une heure.

Cette femme a une présence mystique, une féminité assumée, sereine et d’un esprit sain. Elle agit comme une muse pour moi, une sorte de fascination s’en dégage rapidement. Mes sens photographiques s’aiguisent, j’en ris avec elle, je suis dans une frénésie artistique. Je multiplie les clichés, d’elle, de rien, des structures, de vélos isolés. Je me rends compte qu’elle a également l’œil pour les photos, ou tout simplement arrive-t-elle à s’émerveiller de tout comme moi dans cette tempête.

On se perd, le temps m’obéit et dure une infinité, je ne veux pas que s’arrête et ça ne s’arrête pas, notre exploration est sans fin.

On aura passé environ 4h du monde réel, mais j’y ai vécu une petite éternité, n’en étant libéré que lorsque j’en ai été repu.

Tout est parfait. Je suis heureux.

On décide de rentrer. Elle décide de rentrer pour aider son campement à préparer des ateliers sur la médiation, l’écoute, le dialogue, la communication silencieuse. Mille choses que j’aurais aimé faire si j’arrivais à tenir en place.

On se retrouve à l’opposé de là où on veut aller : on atteint le Temple.

Je pense que c’est la photo que je préfère de Burning Man. Le temple à cet instant précis.bm2015-21

Je la raccompagne a son campement. La magie commence à retomber, elle se rhabille complètement avant de rentrer. Ses compagnons l’accueillent sereinement, tendrement, en la serrant dans leurs bras. Leurs visages sont sincères, en paix, amicaux.

Ils me serrent dans leur bras pour me saluer, comme si j’avais toujours été là. Je ressens vraiment leur amour, c’est un contact bienfaisant qui me réchauffe. C’est le hug le plus fort que j’ai pu ressentir de tout Burning Man. J’aurais pu m’endormir dans les bras de cet homme que je ne connaissais pas, prolonger son contact… encore une fois les mots me manquent. Je ne me souviens pas de ce à quoi il ressemble, mais je me souviens encore de la sensation.

La réalité me rattrape un peu, je deviens un peu timide face à ce groupe qui est trop beau. Je ressens un mélange d’intimidation et d’envie : je me sens comme un élément extérieur qui n’est pas à sa place, mais je reste captivé, pris entre l’envie de les observer pendant des heures et ressentant une légère honte de les perturber dans leur harmonie.

On se dit timidement au revoir avec ma Dusty Hippie, on se serre une dernière fois dans nos bras, un hug maladroit, on échange un e-mail pour partager les photos. On sait qu’on ne se reverra jamais.

Je reste bouleversé de cette matinée. C’était mon deuxième jour de Burning Man, je pense que c’est là que mes mains ont commencé à trembler.

C’était beau, c’était fort, c’était magique, c’était mystique. C’était la meilleure matinée de ma vie.

bm2015-19J’ai rencontré l’esprit de Burning Man

Ce que je ne savais pas, c’était que la meilleure après-midi de ma vie m’attendait. Complètement différente, une après-midi qui me fera quitter ma zone de confort pour me libérer complètement.

4 réflexions sur “ Burning Man Festival: le meilleur jour de ma vie ”

  1. Gattaca
    Gattaca sur

    Superbes photos et expérience très touchante, racontée avec beaucoup d’émotions ! Merci de nous avoir fait partager ce bout de Burning Man !

  2. Akodostef sur

    Tu avais créé un album en ligne avec tes photos, non ?

  3. JackAss sur

    Faute d’autre mot : magique.
    Sa donne envie d’y faire un tour et de laissé le monde derrière nous.

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