Best served cold (Joe Abercrombie, 2009)

Quand on deplie la couverture de la version anglaise

La vengeance est un plat qui se mange froid, écrivait Choderlos de Laclos, ou tout du moins, c’est ce que la sagesse populaire lui attribue ! Encore faut-il que la sagesse populaire ait raison… ou pas!

 

Cité par Joe Abercrombie dans un des titres des chapitres de Best Served Cold, ce proverbe résume assez bien le synopsis du livre : une histoire qui gravite autour d’une vengeance patiente mais implacable.

 

Monzcarro Murcatto et son frère Benna sont à la tête d’une armée de mercenaires, « Les Mille Epées ». Ils ont été engagés par le Grand Duc Orso (un des personnages de la précédente et excellente trilogie de La Première Loi, si vous l’avez lu je vous laisse le plaisir de parcourir l’article pour voir si vous reconnaissez d’autres protagonistes) pour faire chuter la « Ligue des Huit » qui l’empêche de conquérir le royaume de Styrie. Monza et Benna sont terriblement efficaces face aux armées qui se dressent devant eux, et Orso se rapproche inéluctablement de la prise du royaume.

Orso invite les deux Murcatto dans son palais après leur dernière victoire, mais la fête tourne court lorsqu’il décide de les faire assassiner. Pour lui, ils sont devenus trop populaires et il craint qu’ils représentent une menace réelle dans sa conquête du trône de Styrie.

Pris au piège, Benna et Monza se font tour à tour brutaliser puis jeter comme des ordures ménagères par dessus le balcon du Grand Duc. La seule chance de Monza, dans son malheur, est d’avoir été la deuxième à passer par dessus la balustrade ; elle sera miraculeusement sauvée par le cadavre de son frère qui amortira sa chute douloureuse, la laissant vivante mais sérieusement blessée.

Pensant son heure venue, elle est finalement recueillie par un homme étrange, probablement expert en chirurgie (si ca pouvait exister à ce genre d’époque) qui va la remettre sur pied. Reste que les séquelles de sa chute laisseront à jamais des marques sur son corps, sous forme de cicatrices et autres déformations horribles : une main droite écrabouillée puis rafistolée (mis à part son auriculaire), une hanche démolie qui la condamnera à boiter pour le restant de ses jours, des pièces en or qui colmatent les fractures reçues sur son crane lors de sa chute et une vilaine cicatrice rouge en travers de la gorge.

Mais elle est vivante et qui plus est en colère ! Sa raison de vivre sera de préparer sa vengeance contre les personnes présentes lors de son assassinat et celui de son frère: 7 hommes, le garde du corps d’Orso, ses deux fils, un banquier du nom de Mauthis, Carpi qui travaillait avec elle dans sa compagnie de mercenaires, Genmark un général du Grand Duc et bien sur Orso.

Sa détermination pour mener à bien sa vengeance la pousse à recruter plusieurs « talentueux » personnages de Styrie pour l’aider dans sa quête infernale. Parmi ces compagnons de fortune, Caul Shivers un homme du Nord venu en Styrie pour devenir une meilleure personne, Castor Morveer et son assistante, des empoisonneurs expérimentés, l’un friand de sa propre voix et de ses discours pompeux l’autre toujours en train s’empiffrer de nourriture, Friendly, un détenu obsédé par les chiffres, Shylo Vitari une ancienne employée de l’Inquisition, spécialiste de la torture et le célèbre Nicomo Cosca, mercenaire et précédent leader de la compagnie des « Mille Epées ».

 

Cette équipe d’experts va travailler de manière plus ou moins enthousiaste avec Monza, surmontant plus ou moins bien leur différence, pour tenter de la guider vers l’accomplissement de sa vengeance.

 

Voilà en gros l’histoire de Best Served Cold.

 

Joe Abercrombie n’en est pas a son premier roman, comme nous l’avons fait remarqué avec ce précédent article. Si vous étiez déjà amateur de son style brutal, cynique et épuré, et de l’univers médiéval fantastique sans les boules de feu à gogo, vous ne serez une nouvelle fois pas déçu.

On retrouve avec plaisir la verve qui l’avait caractérisé lors de ses précédents ouvrages. Cependant, on notera tout de même un humour qui est moins omniprésent dans le livre. Cela ne m’a pas particulièrement gêné, mais j’avais beaucoup apprécié cet ajout dans la trilogie de la Première Loi, même s’il est vrai qu’il s’estompait peu à peu au fil des tomes. On retrouve cet effet dans Best Served Cold qui devient de plus en plus cynique et réaliste au fil des pages.

 

On retrouve aussi une pléthore de personnages qui étaient présents dans La Première Loi et dont le passé est ici un peu plus développé. Joe en profite également pour étoffer le monde qu’il a créé en décrivant de manière beaucoup approfondie le royaume de Styrie et ses querelles intestines.

La encore, l’histoire est décrite tour à tour selon les points de vue des sept personnages, concept qui comme nous l’avons déjà signalé n’est pas nouveau mais permet d’apporter un petit plus à l’histoire.

Couverture de The Heroes

Les thèmes abordés sont évidemment la vengeance, par l’intermédiaire de Monza, qui sera le fil directeur du livre, mais aussi la distinction entre le bien et le mal dont l’ambigüité est ici parfaitement illustrée par les deux personnages principaux. Monzcarro assenant à grand coup que la pitié et la lâcheté sont la même chose, ce qui lui permet notamment d’expliquer ses actions douteuses, et Shivers prônant que le bien et le mal ne dépendent que de la position où l’on se trouve et surtout à la personne à qui on demande.

 

L’histoire est bien menée et on lit facilement le livre, parfois de manière frénétique, pour découvrir ce qu’il va se produire dans le prochain chapitre.

Pas de rebondissements en veux-tu en voilà et une fin qui est somme toute assez logique ; comme je l’ai précisé auparavant, le style d’Abercrombie est plutôt cynique et réaliste et à la fin du livre, on ne fait plus bien la distinction entre les gentils, les méchants, qui sort gagnant ou perdant. J’ai lu dans son blog une explication qui n’a fait que renforcer mon opinion sur son style littéraire : ce n’est qu’une représentation de la vie en elle-même qui fondamentalement n’est pas forcement juste. Est-ce qu’on voit les gentils gagner à la fin et les méchants punis ? Non, il n’y a jamais de réponse en blanc ou en noir dans la vie, pas plus que dans les livres de Joe Abercrombie.

 

Je vous conseille de découvrir le monde d’Abercrombie, soit avec ce livre, soit avec sa précédente trilogie. Et si vous avez apprécié ces précédents ouvrages, je suis persuade vous aimerez celui-ci.

 

A noter que son troisième (ou cinquième !) livre est sorti et que j’en ferai un petit article ultérieurement.

3 réflexions sur “ Best served cold (Joe Abercrombie, 2009) ”

  1. Akodostef sur

    A y est ! J’ai fini de le lire :)
    Ça m’a fait bien plaisir de retrouver le style d’Abercrombie, plein d’humour pince-sans-rire et son univers très noir. Quelques points faibles à mon goût : l’élimination de Ganmark, la scène entière m’a parue invraisemblable et sa fin carrément ridicule ; Shenkt, qui m’a fait penser par son « super » style verbal et martial aux héros du mythique Livre sans nom… je trouve le personnage sans intérêt, et il aurait pu être absent de l’histoire sans que ça pose le moindre problème.
    En dehors de ça, j’ai beaucoup aimé la philosophie et la gouaille de Cosca (il faudra que je relise les passages de la Première Loi où il apparaît, parce que je n’avais pas du tout le souvenir d’un personnage aussi haut en couleur ; faut dire, ça ne se passe pas à la même époque), et j’ai apprécié la personnalité complexe de Monza, qu’on apprend de mieux en mieux à connaître au fur et à mesure des chapitres. Morveer est aussi très bon, un véritable… poison en son genre, et son duo avec Day fournit pas mal de lignes de dialogue excellentes.
    Bref, un bon moment de lecture, qui me donne envie de relire la Première Loi quand même (qui restait un bon ton au-dessus), ou peut-être plutôt The Heroes, tant qu’à continuer à découvrir l’intéressant monde que ses bouquins construisent :)

  2. Stoeffler sur

    Je pense que Marga l’a deja evoque et c’est peut etre plus fragrant dans ce livre, c’est que l’histoire est pas terrible terrible… Abercrombie met beaucoup plus l’accent sur la construction de ses personnages et leur evolution (et ils evoluent bien pendant le bouquin ^^). L’histoire est presque secondaire.
    La difference avec la trilogie de la Premiere Loi (qui je pense avait une histoire interessante), c’est que dans BSC tout devait tenir sur un bouquin, ce qui peut faire la difference au niveau du rythme et de la facon dont se deroulent les evenements.
    Mais comme toi, je pense qu’il est un ton en-dessous de ses autres bouquins.
    Je prefere aussi The Heroes bien que beaucoup plus sombre (si, si, c’est possible).

    Me rappelle plus de Ganmark… c’est celui ou ils sont assieges? Ou le premier de la liste?
    Pour Shenkt, ca m’a pas choque plus de ca, connaissait sa « condition ». Le mec est fort et ne craint personne, il est depeint comme une « War Machine » qui defonce tout (ce qu’il fait). Ca t’a paru peut etre trop caricatural?
    Pour notre ami Cosca, il a toujours ete comme ca je pense, mais relis donc La Premiere Loi, on prend toujours autant de plaisir a tourner les pages (je l’ai deja fait :)).

    En parlant de Cosca, apparemment il fera une apparition dans le 4e bouquin d’Abercrombie, qui va sortir a la fin de cette annee… faut suivre avec lui!

  3. Akodostef sur

    Oui Ganmark c’est le siège, et le duel où il tape la discute alors que la nana a prouvé sa dangerosité et qu’autour de lui c’est l’embuscade… et à la fin, il meurt dans des circonstances disons… peu vraisemblables. Le premier de la liste n’est pas terrible non plus, mais bon, c’est une petite frappe, juste pour mettre en jambes donc ça m’a moins dérangé (et puis ça restait crédible à la différence de Ganmark).
    Shenkt, oui, clairement c’est caricatural et en plus de rendre chacun de ses chapitres sans intérêt (l’histoire d’un rouleau compresseur invulnérable… ouaif…), je ne vois pas ce que le personnage apporte à l’histoire. Mais bon, il apparaît 4 fois, c’est pas ça qui va gâcher le bouquin non plus, j’aurais juste préféré qu’il ne soit pas là.

    The Heroes, ça se prête ? ;)

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